Pour la première fois depuis le Grand Départ du 110ème Tour de France, Thibaut Pinot a ce jeudi pu se mêler à la bagarre pour la victoire d’étape. Et ce ne fût pas une mince affaire, puisqu’en direction de Belleville-en-Beaujolais, la bonne échappée ne s’est constituée qu’à la mi-course ! Dans les 80 derniers kilomètres, accidentés, le Franc-Comtois a ainsi tenté de tirer son épingle du jeu au sein d’un groupe de quatorze hommes, mais il n’a pu contenir l’assaut de Ion Izagirre dans l’ultime ascension. Finalement sixième du jour, le grimpeur de 33 ans est en revanche remonté à la dixième place du général, juste derrière son leader David Gaudu, arrivé avec les favoris ce jeudi. Un grand week-end de montagne se profile désormais, avec dès demain, une arrivée au sommet du Grand Colombier.

Le peloton s’attendait à souffrir ce jeudi sur les routes du Tour. Et pas simplement en raison des 3000 mètres de dénivelé recensés au programme, mais surtout car, comme mardi vers Issoire, l’échappée était extrêmement prisée et annonçait donc une bataille féroce. Elle le fût encore davantage que l’avant-veille. Si quarante kilomètres avaient été nécessaires pour voir la course se poser quelque peu au départ de Vulcania, il en a fallu plus du double ce jeudi depuis Roanne. À travers les premiers reliefs de la journée, les attaques n’ont jamais cessé, et la Groupama-FDJ a également dû négocier un fait de course malheureux après environ trente kilomètres. « On n’était pas trop mal placés, mais dans un virage en descente, trois coureurs ont chuté dont Quentin, relatait David Gaudu. Ça a créé une cassure, ça a un peu tergiversé, mais on n’était pas les seuls piégés et on a laissé faire d’autres. En revanche, on a mis une grosse cartouche pour rentrer. Dans une bosse, Simon Yates a giclé et on a bouché trente secondes en 500 mètres. Plus de peur que de mal, au final, et on a réussi à rétablir la situation ». Le Breton a ainsi recollé en compagnie de Thibaut Pinot à la faveur d’un violent effort après soixante kilomètres de course, alors que la bataille pour l’échappée faisait encore rage. À peine le temps de reprendre ses esprits et son souffle à la faveur d’une descente que l’expérimenté haut-saônois se joignait à l’action et parvenait, grâce à une franche accélération, à se faire une place en tête.

« Je n’ai aucun regret », Thibaut Pinot

« On voulait mettre quelqu’un dans l’échappée aujourd’hui, expliquait David. Tout le monde avait sa carte, Thibaut compris, et il s’est retrouvé devant. J’ai aussi essayé de suivre un ou deux coups pour voir si on venait me chercher, et j’ai vite compris que je n’aurais pas de bon de sortie ». « On sent que Thibaut va de mieux en mieux depuis quelques jours, confiait Sébastien Joly. Aujourd’hui, il n’était pas forcément notre principale carte, mais étant donné la manière dont ça s’est fait, les hommes forts se sont retrouvés devant et il en était naturellement ». À la mi-course, Thibaut Pinot a donc pris place dans un groupe de quatorze coureurs avec notamment Mathieu van der Poel, Matteo Jorgenson, Guillaume Martin, Ion Izagirre, Tiesj Benoot, Dylan Teuns ou encore Julian Alaphilippe. Le groupe maillot jaune, réduit à une quarantaine d’unités, a quelque peu levé le pied, permettant aux fuyards d’entamer l’enchaînement des trois dernières difficultés du jour avec un avantage d’environ trois minutes. Le Col de la Casse Froide (5 km à 6%) n’a d’abord pas réellement opéré de dommages, mais dans la descente suivante, Amador et Van der Poel ont pris quelques longueurs d’avance, et le Néerlandais a poursuivi en solitaire dans le Col de la Croix Montmain (5,5 km à 6%). Vigilant à un deuxième échelon, Thibaut Pinot s’est ensuite extirpé dans l’avant-dernière descente en compagnie de Jorgenson, avec qui il a opéré la jonction sur l’homme de tête dans l’ultime difficulté : le Col de la Croix Rosier (5,4 km à 7,7%).

Néanmoins, une partie de l’échappée a également fait son retour dans cette même ascension, et Ion Izagirre est parvenu à surprendre ses adversaires en attaquant à deux kilomètres du sommet. « J’étais à fond depuis un long moment, je n’avais pas les moyens de suivre, confiait Thibaut. J’ai vraiment survécu dans l’échappée aujourd’hui. Je n’avais vraiment pas de bonnes sensations, j’étais cuit. On a fait un effort en début de course, quand on s’est fait piéger, et je ne m’en suis jamais vraiment remis ». Le coureur de la Groupama-FDJ a pourtant tenté de réagir, avec d’autres, mais le retard des poursuivants au sommet s’élevait déjà à trente secondes. Il s’est encore accru dans la descente, puis sur le plat, où la collaboration n’a pas existé. Ion Izagirre a donc filé vers une victoire en solitaire, tandis que le reste du groupe s’est battu pour les places d’honneur. Thibaut Pinot a alors coupé la ligne en sixième position, à un peu plus d’une minute du vainqueur. « Je n’ai aucun regret aujourd’hui, j’ai donné tout ce que j’avais, affirmait-il. C’était vraiment une étape au courage, et je suis mort. Ça fait du bien d’être devant, même si c’était dur de prendre du plaisir aujourd’hui. Il y en a eu de partout au début, et on a fait ce qu’on a pu. C’est en tout cas une journée qui va laisser des traces ». « On est tombé sur un très grand Izagirre, qui a fait un grand numéro, confessait Sébastien. Thibaut s’est bien battu, et même s’il n’était pas venu pour une sixième place, ça va lui mettre des idées dans la tête pour les prochains jours ».

« J’ai le Grand Colombier dans la tête depuis deux jours », David Gaudu

Trois jours de montagne se profilent d’ailleurs au-devant des coureurs, et Thibaut Pinot les abordera en qualité de dixième du général, après un bond de cinq positions ce jeudi. « Je ne me suis pas préoccupé de ça, assurait le Franc-Comtois. David est un cran au-dessus de moi, et cette journée ne change rien à nos plans. Je vais sûrement perdre des places mais l’objectif reste le même pour moi : aller dans des échappées et aider David ». Le Breton a pour sa part terminé aux côtés des grands favoris ce jeudi, entouré de Lars van den Berg, Kevin Geniets et Valentin Madouas. « Une fois remis de l’effort du début de course, je me sentais bien dans les montées, indiquait-il. J’ai le Grand Colombier dans la tête depuis deux jours et j’ai envie de faire une performance là-haut. C’est le 14 juillet, c’est une belle arrivée au sommet, sur 45 minutes d’efforts. Le Tour de France va se jouer à partir de demain, il faudra être prêt, présent, et j’ai hâte ».

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