Cela aurait pu être une longue et calme journée sur le Giro, mais Enzo Paleni avait envie d’autre chose. Ce jeudi, lors de l’étape la plus étendue de cette édition 2025, le jeune coureur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ a donc pris les devants. Et bien que n’étant accompagné que d’un seul homme, Taco van der Hoorn, le Beauvaisien a offert une admirable résistance et n’a été repris par la meute des sprinteurs qu’à deux kilomètres de l’arrivée. L’étape a aussi été un temps neutralisée en raison d’une chute massive, qui a épargné David Gaudu et ses coéquipiers. Désormais, la première arrivée au sommet se profile.
La fameuse et incontournable « étape marathon » du Tour d’Italie était donc pour ce jeudi. Pour rejoindre Naples au terme de ce sixième acte, le peloton devait ainsi se coltiner près de 240 kilomètres – départ fictif inclus – depuis Potenza. Or, le départ en côte s’est également avéré musclé peu avant midi. « Le but était d’être vigilant, ce qu’a d’abord très bien fait Lorenzo, initiait Thierry Bricaud. Il est ressorti derrière un petit groupe de six, et c’est un coup qui aurait pu aller très loin. Malheureusement, l’équipe Ineos Grenadiers avaient décidé de faire la course et tout s’est regroupé ». Après trente kilomètres de lutte, tout était donc à refaire, et deux coureurs sont ressortis aussitôt. Parmi eux, Enzo Paleni. « Dès hier soir j’avais une petite idée derrière la tête, confiait le jeune coureur tricolore. En analysant l’étape, je m’étais dit que ça pouvait marcher, avec le vent dans le dos, le final technique et la pluie qui allait arriver sur la fin. J’avais vraiment envie d’être dans l’échappée aujourd’hui ». Il n’a donc pas laissé passer sa chance quand l’opportunité s’est présentée. « J’ai vu Taco van der Hoorn partir, et c’est un coureur que j’avais pointé, reprenait Enzo. C’était amusant de se retrouver ensemble devant, car on avait discuté et pris le café ensemble hier. Malheureusement, on n’était que deux ». Le peloton a immédiatement levé le pied, et aucun autre coureur n’a souhaité repartir à l’offensive.
« Soixante kilomètres à bloc ! », Enzo Paleni
À 195 kilomètres du but, c’est alors une sacrée journée qui s’est profilée pour les deux hommes. « On a vraiment roulé tranquille en espérant que des coureurs fassent le jump et pour garder le maximum d’énergie pour le final, ajoutait Enzo. On a bien géré notre truc puis il y a eu ce fait de course qui nous a vraiment relancés ». À l’issue de la dernière difficulté du jour, à plus de 70 kilomètres du but, une chute massive est en effet intervenue dans le peloton. Beaucoup de coureurs ont glissé sur la chaussée détrempée et la course a ainsi été neutralisée pendant près d’une demi-heure. « Pour nous, c’était une opportunité, confiait Enzo. On est repartis avec cinquante secondes d’avance pour les soixante derniers kilomètres, et c’était soixante kilomètres à bloc ! Les premiers kilomètres sont passés vite, mais les quarante derniers étaient un peu plus longs (sourires). Je me fixais des objectifs kilomètre par kilomètre. C’était dur avec le peloton à tout juste trente secondes ». Bien que les équipes de sprinteurs aient repris les choses en mains assez rapidement, Enzo Paleni et Taco van der Hoorn ont entretenu un joli bras de fer et disposaient encore d’une demi-minute à trente kilomètres de l’arrivée. « Très honnêtement, on n’y a jamais vraiment cru, confiait Thierry. À deux, on pensait que c’était voué à l’échec. Les circonstances de course ont d’ailleurs remobilisé les équipes en vue du sprint ».
« Ils ont fait un gros numéro », Thierry Bricaud
Pourtant, une once d’espoir est apparue à l’approche de Naples. « J’ai vraiment commencé à y croire à quinze kilomètres de l’arrivée, quand j’ai entendu à l’oreillette que l’écart augmentait. Il était à vingt secondes, puis il est repassé à vingt-cinq puis à trente, racontait Enzo. On a bien roulé avec Taco, et on s’est bien entendus sur la stratégie qu’on voulait mettre en place ». Alors qu’une partie du peloton se relevait, suite à l’annonce des temps gelés concernant le classement général, la poursuite de l’échappée redoublait d’intensité dans les dix derniers kilomètres. Si l’écart était encore de vingt secondes à cinq bornes de la ligne, les collectifs organisés ont finalement eu raison d’Enzo Paleni et de Taco van der Hoorn quelques minutes plus tard. « On s’est fait reprendre à deux kilomètres de l’arrivée après 240 kilomètres, c’est quand même décevant, soufflait Enzo. Maintenant, c’est ce type d’opportunités qu’il faut se créer pour gagner des courses, et je suis satisfait de ma journée. Je ne me sentais pas super depuis quelques mois, alors je suis d’autant plus content d’avoir pu faire ça aujourd’hui ». « Il faut reconnaître qu’ils ont fait un gros numéro », saluait Thierry.Au bout du compte, Kaden Groves s’est offert la victoire du jour, David Gaudu passant lui la ligne plusieurs minutes plus tard en compagnie de quelques-uns de ses coéquipiers, mais sans conséquences au classement général. « Ça reste une bonne journée pour nous malgré tout ce qu’il s’est passé car on est passé à travers les gouttes et personne n’est tombé, concluait Thierry. Ce sont des journées où on a plus à perdre qu’à gagner… Demain, nous devrions avoir une première explication entre les leaders. On verra comment ça va se passer, car une étape comme celle d’aujourd’hui va forcément laisser des traces ».