Ce dimanche, seul comptait le maillot bleu-blanc-rouge. Alors, au terme de 214 kilomètres très animés, et effectués à toute vitesse, Romain Grégoire ne pouvait se satisfaire de la deuxième place obtenue lors de la course en ligne des Championnats de France. Toujours présent dans les bons coups réalisés par l’Équipe cycliste Groupama-FDJ, d’abord dans une grosse échappée lors de la première moitié de course, puis à la suite d’un forcing saisissant à soixante-dix kilomètres du terme, le jeune Franc-Comtois a pu compter sur le soutien plein et entier de ses coéquipiers. Malheureusement, le sprint en petit comité au sommet du Mont des Alouettes n’a pas penché en sa faveur, Dorian Godon le privant du sacre tant convoité.
Un an après avoir cédé son titre, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ relançait la chasse au maillot tricolore ce dimanche, en Vendée. Pour mener à bien cette mission, il fallait dompter le circuit bosselé des Herbiers, long de 16,5 kilomètres, à répéter treize fois, et présentant comme difficulté principale le Mont des Alouettes (1,9 km à 4,7%). « Le mot d’ordre était d’être présent d’entrée, de faire en sorte qu’on n’ait pas de coup de retard, et qu’on soit en surnombre dans les différents mouvements », exposait Yvon Caër. De ce point de vue, la formation tricolore a largement rempli son contrat. Après de multiples offensives dans les deux premiers tours, c’est un groupe de près de quarante unités qui s’est extrait lors de la troisième boucle. Romain Grégoire, Valentin Madouas ou encore Quentin Pacher figuraient alors parmi les huit représentants de la Groupama-FDJ. « On avait nos bonnes cartes devant, c’était à notre avantage, confirmait Yvon. On a notamment sacrifié Rémi [Cavagna] et Enzo [Paleni] pour aller le plus loin possible ». Pendant près de cinquante kilomètres, l’écart s’est stabilisé autour d’une minute, mais le deuxième peloton a pu significativement se rapprocher à l’entame des cent dernières bornes. « Je pense que certaines équipes ont fait une erreur en ne collaborant pas avec nous, ajoutait Yvon. Cela aurait encore davantage usé nos adversaires. C’est le petit regret, mais on avait en tout cas pris la course à l’endroit ! »
« On a dû griller certaines cartouches et le rapport de force s’est équilibré », Yvon Caër
Peu après la mi-parcours, tout était donc à refaire avec un peloton recomposé derrière un seul homme, Ewen Costiou. Ce dernier a été repris à soixante-quatorze kilomètres du but, et dans la foulée, la Groupama-FDJ a mis en place un long train au rythme effréné, qui a semé le chaos quelques instants plus tard. « On avait programmé ce coup de force, assurait Yvon. On l’a simplement décalé d’un tour. On avait décidé d’accélérer dans l’enchaînement d’une descente sinueuse puis d’une relance. Certains coureurs avaient roulé juste avant, et on leur avait dit qu’il était judicieux, une fois leur travail effectué, de provoquer des cassures. C’est ce qui a été fait. On s’est retrouvé avec un surnombre extraordinaire, avec une grande partie de nos leaders, et ça a vraiment lancé le final ». Parmi la douzaine de coureurs détachés à cet instant, un seul n’appartenait pas à l’équipe. Clément Davy, Tom Donnenwirth, Maxime Decomble et quelques autres ont dès lors lâché toutes leurs forces dans la bataille pour permettre au groupe de se faire la malle. « Le parcours n’était toutefois pas si sélectif que ça, reprenait Romain. On était certes en surnombre mais il était compliqué d’en profiter car il n’y avait pas forcément d’endroits pour faire la différence. On avait tous les coureurs rapides sur le porte-bagage, donc on a fait comme on a pu ». « Ça n’a jamais abdiqué derrière, et il a fallu aussi que certains de nos coureurs se sacrifient », confirmait Yvon.
À quatre tours du but, l’ascension du Mont des Alouettes a provoqué une sélection considérable, et seulement une poignée de coureurs sont parvenus à rejoindre le premier groupe mené par la Groupama-FDJ. Après un nouveau tour de circuit, la situation s’est éclaircie, et dix-neuf coureurs occupaient la tête de la course, dont neuf protégés d’Yvon Caër : Clément Russo, Paul Penhoët, Rudy Molard, Quentin Pacher, Romain Grégoire, Valentin Madouas, Brieuc Rolland, Clément Braz Afonso et Cyril Barthe. « On a dû assumer, rouler, et griller certaines cartouches, et le rapport de force s’est de fait équilibré, expliquait Yvon. Ça fait partie du jeu ». Les coéquipiers de Romain Grégoire se sont mis à la planche pour éviter le retour du « reste » du peloton, pointé à tout juste quinze secondes à deux boucles du terme. Un retour finalement condamné par la reprise des hostilités à l’avant. Pleinement investis dans cette ultime joute, les coureurs de la Groupama-FDJ ont pourtant laissé filer le champion de France sortant Paul Lapeira à vingt-deux kilomètres de la ligne. « On a fait une faute lorsque Lapeira est sorti dans la descente et que personne ne l’a suivi, affirmait Yvon. Ça nous a mis en difficulté pour la suite. On a dû s’employer pour rentrer sur lui et on a grillé deux cartes maîtresses qu’étaient Rudy et Paul ».
« Je ne me laissais pas d’autres choix que de l’emporter », Romain Grégoire
Dans le dernier tour, Romain Grégoire n’a pas manqué de suivre les offensives de Kevin Vauquelin, mais c’est bien le travail de ses coéquipiers qui a permis au groupe de poursuite d’aborder l’ultime ascension du Mont des Alouettes avec un retard de moins de dix secondes. Valentin Madouas a alors pris les commandes du groupe, et a maintenu une solide allure alors que Louis Barré tentait d’anticiper le sprint final. Romain Grégoire est sorti de sa réserve peu avant la flamme rouge pour reprendre la roue du coureur d’Intermarché-Wanty. « Valentin s’est écarté, et je me suis senti obligé d’y aller à ce moment-là, confiait-il. C’est toujours difficile d’être lucide dans le feu de l’action. Ce n’était pas forcément une bonne idée, mais je pensais qu’il valait mieux pour moi que ça monte très vite dès le pied. En attaquant dans la partie la plus raide, ça m’a fait mal aux jambes, mais ça a fait mal aux autres aussi. Ceci dit, Decathlon-AG2R a lissé l’effort car ils avaient encore du monde autour de Godon. J’ai certainement fait une erreur ». « Romain n’a sans doute pas été assez patient », acquiesçait Yvon. Le Bisontin de 22 ans a alors été repris sous la flamme rouge, et s’est glissé dans la roue de Dorian Godon, lui-même emmené par ses coéquipiers. Un sprint en petit comité, et en côte, s’est donc profilé, et Romain Grégoire a tâché de tirer son épingle du jeu.
« Les derniers mètres se sont fait au courage, soulignait-il. Je pense que tout le monde était mort du fait de la course et de la chaleur. J’ai cru en ma chance, et après tout ce que l’équipe avait fait, je ne me laissais pas d’autres choix que de l’emporter. Je pense avoir tout bien fait dans le dernier kilomètre. J’étais dans la bonne position, j’ai déclenché mon sprint au bon moment… mais ça n’a pas suffi ». Parti à 200 mètres du but, et encore sur la même ligne que Dorian Godon à cent mètres de l’arrivée, le jeune puncheur de la Groupama-FDJ a finalement dû s’incliner dans les derniers instants, et couper la ligne à une rageante deuxième place. « Dans un championnat, il n’y a que la victoire et le maillot qui comptent, glissait-il. Aujourd’hui, on a tout simplement perdu. J’avais vraiment à cœur de gagner, pour moi et pour l’équipe car c’est une course qui nous tient à cœur. Aujourd’hui, les vingt-six mecs au départ ont fait une super course, ils étaient à 100% autour de moi. On a assumé, on a fait toute la journée en patrons, on a pris la course en main, et je n’ai pas réussi à les remercier, donc je suis particulièrement déçu pour eux. Je pense que la tactique était bonne, il n’a manqué que la conclusion ». « Romain est un gagneur, c’est normal qu’il soit déçu, mais de très belles choses ont tout de même été réalisées aujourd’hui, concluait Yvon. On a montré de la détermination et de l’envie. Tous les coureurs étaient impliqués et tous ont donné leur maximum. Ça peut être une bonne base pour la suite d’un point de vue « collectif » et « sacrifice ». C’est évidemment contrasté par le résultat final, mais on ne peut oublier ce qu’on a montré collectivement aujourd’hui ».