Sur la feuille des résultats, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ n’a pas remporté le troisième acte du Tour du Limousin – Nouvelle-Aquitaine 2022. Dans les faits, en revanche, elle demeurera comme la très grande animatrice de cette étape reine. À la suite d’une attaque collective à plus de cent kilomètres de l’arrivée, qui a offert des images inédites, Valentin Madouas, Kevin Geniets et Attila Valter ont d’abord pu s’extirper. Le Hongrois et le Luxembourgeois ont par la suite tout donné pour permettre au Français de faire durer l’aventure le plus longtemps possible. Parti en solitaire à quarante kilomètres du but, Valentin Madouas a tenu tête face à la meute jusque dans les dernières côtes. Repris, il n’a toutefois pas été distancé et a finalement achevé la journée en huitième position dans un sprint en petit comité. Grâce à cinq secondes de bonifications décrochées en cours de route, il pointe au quatrième rang du général avant l’ultime étape, au terme d’une journée qui restera dans les annales.

« On voulait essayer de surprendre tout le monde », Valentin Madouas

Avec un peu plus de 3000 mètres de dénivelé positif au compteur, et un enchaînement ininterrompu de montées/descentes tout au long des 181 kilomètres de course, la troisième étape du Tour du Limousin – Nouvelle-Aquitaine apparaissait clairement comme l’étape décisive de cette édition 2022. Naturellement, chacun s’attendait à des mouvements. Et il y en a d’ailleurs eu beaucoup en début d’étape avant qu’une échappée de quatre hommes ne parvienne à se former. Romain Cardis (St-Michel-Auber 93), Clément Carisey (Go Sport-Roubaix Lille Métropole), Dimitri Claeys (Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux), et Alexis Gougeard (B&B Hôtels-KTM) ont pu prendre quelques deux minutes d’avance sur un peloton assez tranquillement maîtrisé par la formation du leader Alex Aranburu. Après soixante-dix kilomètres de course, cette relative quiétude a été complètement balayée. En cause : l’Équipe cycliste Groupama-FDJ. Au pied de la côte d’Albignac (2km à 6,4 %), semble-t-il anecdotique, Lewis Askey, Olivier Le Gac, Kevin Geniets, Attila Valter et Valentin Madouas ont ouvert une brèche. Un mouvement de course savamment préparé. « On avait deux heures de transfert hier, j’étais dans la voiture avec Benoît Vaugrenard et on a regardé le roadbook, relatait Valentin. Tout le monde s’attendait à ce qu’on fasse un coup de force au km 120. J’ai demandé à Benoît ce qu’il pensait de la descente après 75 kilomètres, et il m’a dit que c’était plus technique. J’ai proposé qu’on mette un gros coup de vis dans cette bosse et qu’on voit ce que ça donne en haut. On voulait vraiment durcir la course, et plus tôt que prévu. On s’est dit qu’on allait essayer de surprendre tout le monde ».

C’est donc bien ce qu’il s’est produit. « On avait bien étudié le parcours, ajoutait Yvon. On savait qu’on tournait à droite en bas de la descente, il y avait une grosse relance et Matthieu Ladagnous était désigné pour la faire sur un kilomètre de plat. Ensuite, Lewis devait faire tout le pied de la bosse, puis c’était aux autres puncheurs-grimpeurs de jouer. Il fallait oser. On voulait gagner l’étape. C’était certes loin, mais on savait que les vingt derniers kilomètres étaient bien moins durs. Si personne ne bougeait, on laissait UAE et Movistar rouler tempo pour arriver à vingt-cinq au sprint. On avait envie d’être offensifs et c’était une décision collégiale. On n’a rien forcé ». À 108 kilomètres du but exactement, c’est alors un trio Valter-Geniets-Madouas qui s’est nettement détaché du peloton pour aller chercher le quatuor échappé et faire l’écart sur le peloton. Les hommes de tête ont été repris après une quinzaine de kilomètres de poursuite, et l’écart sur le peloton a bientôt dépassé la minute. Néanmoins, l’équipe n’a reçu aucun soutien des fuyards et n’a surtout pas profité d’un relâchement du peloton. « On s’attendait à ce qu’un ou deux coureurs d’autres équipes basculent avec nous, pour mettre en difficulté le maillot jaune, assurait Valentin. L’objectif n’était pas de sortir comme ça ». Il était toutefois trop tard pour faire marche arrière. « À partir du moment où on était engagé dans l’action, je ne me voyais pas leur dire de se relever, expliquait Yvon. On espérait aussi que quelques coureurs sortent du peloton dans la bosse principale et rentrent sur Valentin pour le final. Si on s’était relevé, on peut imaginer que ce serait reparti sur un schéma de sprint. On était lancé dans notre processus et il ne m’a à aucun moment traversé l’esprit de l’interrompre. On était parti dans notre truc, il n’était pas question de s’arrêter ».

« Je suis très fier des coureurs », Yvon Madiot

Après avoir fourni sa part du travail, Attila Valter a dû s’écarter dans la côte de Sainte Féréole, à environ 70 kilomètres de l’arrivée. Valentin Madouas et Kevin Geniets n’ont plus été accompagnés que de Dimitri Claeys, et ont continué d’accroître l’écart sur le peloton. À soixante kilomètres du but, celui-ci a flirté avec les deux minutes. Ils ont ensuite plongé vers le pied de la côte de Vertougit (4,2 km à 6,3%), la difficulté majeure de la journée, où leur avantage était toutefois pratiquement réduit de moitié. Le puncheur breton s’en est alors allé en solitaire pour les quarante derniers kilomètres. S’il a pu basculer avec quarante-cinq secondes d’avance sur les meilleurs coureurs d’un peloton réduit en miettes, il a naturellement souffert sur une longue portion de plaine de quinze kilomètres. « On savait que le final était beaucoup moins dur, et il y avait surtout trois UAE derrière, qui ont donc roulé à fond sur le plat », expliquait Yvon. « Dans le final, j’avais des crampes de partout, je n’arrivais pas à pédaler, disait l’intéressé. Il m’a manqué un peu de fraîcheur quand je me suis retrouvé seul ».  Malgré une belle résistance, et trois secondes de bonifications engrangées au dernier sprint intermédiaire, Valentin Madouas a vu une douzaine de coureurs revenir sur ses talons à l’approche des trois petites côtes du final. Mais bien que rattrapé après son long raid en tête, il n’a pas cédé face aux différentes offensives qui ont fait feu. Il a donc pu franchir la dernière bosse dans la roue des meilleurs, et s’est ensuite montré attentif dans un final décousu propice à l’anticipation.

Les dix hommes demeurant en tête n’ont finalement pu se départager avant le sprint, et après avoir tenté de couper à l’intérieur – sans succès – dans le dernier virage, Valentin Madouas a dû se contenter de la huitième place du jour. Un résultat pas à la hauteur des investissements consentis, mais assorti malgré tout d’une quatrième place au général au jeu des bonifications. « On a tenté des choses, et c’est presque passé, commentait-il à l’arrivée. C’était un petit peu tôt, mais on retentera. C’est dommage de réaliser une journée comme celle-ci et terminer avec une huitième place, mais on s’était dit qu’on n’allait pas sortir du Tour du Limousin sans grandes attaques. On n’a pas de regrets sur cette étape, et on pensera à une autre tactique pour demain ». « Je suis très fier des coureurs, complétait Yvon. Valentin est allé très loin, après un gros travail de Kevin et Attila notamment, et il était encore là dans le final pour jouer la gagne. Le coup n’est pas complètement réussi, mais ce soir, on est très heureux. C’était un projet collectif, tout le monde a mis la main à la patte. Le plan avait été établi ce matin et il a été respecté à la lettre. C’est ce que je trouve aussi très intéressant. On voulait jouer la gagne, et pas faire neuvième ou dixième en restant attentistes. On verra ce qu’on pourra faire demain ».

Par ailleurs, Valentin Madouas est également monté sur le podium protocolaire ce jeudi pour recueillir le prix de la combativité, ainsi que les maillots du combiné et de meilleur grimpeur.