L’histoire a un sens. De longue date, il était prévu que Jérémy Roy dispute Milan-Turin sans que Thibaut ne le sache. La victoire acquise par le leader de Groupama-FDJ dans le Piémont était un beau clin d’œil saluant leur amitié. Ce n’était pas prévu, la blessure d’Anthony Roux a permis à Jérémy de s’aligner dans le Tour de Lombardie durant lequel il a tenu un rôle majeur pendant 150 kilomètres avant de se retirer et voir son grand ami Thibaut l’emporter de nouveau, cette fois dans l’un des cinq monuments du calendrier. Comme il l’avait décidé, moins de vingt-quatre heures plus tard, il a mis un terme à sa carrière dans le Chrono des Nations, cet exercice dont il a été l’un des meilleurs spécialistes français. Ce fut pour lui une journée inoubliable.

Enchainement avec le Lombardie !

Le sacre de Thibaut en Lombardie a été bien fêté à Genève par les sept coureurs de l’équipe Groupama-FDJ, cette bande de copains unis comme la main. Couché à deux heures du matin, levé à sept heures pour prendre le premier avion vers Paris où l’attendait Julien Pinot. Direction les Herbiers et ce dernier grand rendez-vous.

« Pour Jérémy, aujourd’hui, explique Marc Madiot, il y avait trois directeurs sportifs, mon frère Yvon, Thierry Bricaud et moi-même, son entraîneur Julien Pinot, un mécanicien et deux assistants. Nous avions obtenu le droit qu’il soit suivi par deux voitures, dans lesquelles avaient pris place ses parents et sa petite famille. Il y avait un peu d’émotion au départ, nous étions muets. Mon frère a pris la parole dans l’oreillette et l’a gardée pendant les 40 premiers kilomètres. Ensuite son oreillette est tombée en panne et j’ai pris le relais. Devant lui, à 200 mètres, il y avait Alexandre Géniez, je l’ai encouragé pour aller le chercher. J’ai fait pleurer sa femme et sa maman mais Jérémy ne m’a pas entendu… »

De quoi rassurer Marc, son téléphone n’est pas le seul à ne pas fonctionner mais il était heureux d’avoir vu Jérémy très appliqué pendant les 47 kilomètres. Il a pris la septième place.

Un athlète complet et un intellectuel.

« Il a donné jusqu’au dernier mètre, poursuit Marc. Il a passé la ligne, il y a eu des applaudissements, des embrassades, du champagne. Voilà, il n’est plus coureur et pour nous c’est comme quand Frédéric Guesdon, Sandy Casar ont arrêté leur carrière. Ce sera pareil pour Benoît Vaugrenard l’an prochain. Dans cette course, trois bons coureurs français tiraient leur révérence, Arnaud Gérard, Sylvain Chavanel et Jérémy Roy. Les trois ont été stagiaires chez nous, deux ont porté le maillot.  »

« Jérémy, pour nous, c’est un mec à part. C’est la plus belle réussite à ce niveau, celui permettant à un athlète de mener en même temps deux projets, les études d’ingénieur et une carrière professionnelle. Quand il a signé son contrat, la priorité c’était les études, il courait quand ses études le permettaient. C’était le deal que j’avais passé avec sa mère. Ensuite, il a tenu un rôle majeur dans l’équipe. Il était le représentant des coureurs. C’est un homme brillant, toujours en éveil, curieux de tout. Il s’est impliqué dans tous les domaines, dans la vie sociale de l’équipe, dans le développement du matériel, pour tout…  »

Une grosse valeur ajoutée pour le futur du cyclisme français !

Dimanche soir, Jérémy a vécu ce moment important de sa vie avec ses proches. En sachant aussi qu’il va très bientôt revoir ses copains de Groupama-FDJ.

« Et oui, on va jouer les prolongations, dit son patron. Dans huit jours, on va chez lui à Tours, pour une randonnée d’adieu et puis il sera présent à la journée des supporters en novembre, avec notre assistant Patrick Gagné qui prend sa retraite lui aussi, avec toute l’équipe. Dans un contexte personnel, il va se poser, réfléchir à ce qu’il a envie de faire. J’espère qu’il va rester dans le milieu du vélo. Ce serait dommage que le cyclisme se prive d’une personne aussi brillante. Je le vois au niveau des institutions, pas directeur sportif ou manager d’équipe, mais à moyen terme dans le développement de ce sport. Le cyclisme ne doit pas le laisser partir !  »

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