Depuis plus d’un an, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ jouit désormais de son propre Centre de Performance du côté de Besançon. Au sein de celui-ci s’est aussi greffé un laboratoire de recherche unique en son genre sur le territoire français. Inspiré par ce double-projet depuis plusieurs années, Frédéric Grappe, directeur du pôle performance, se réjouit de son aboutissement et présente aujourd’hui les contours et les détails qui en font sa singularité.

Frédéric, peux-tu dans un premier temps nous présenter la genèse du COPS (Complexe d’Optimisation de la Performance Sportive) ?

Tout a commencé par un échange avec Alexandre Chouffe, que j’avais entraîné au début des années 2000 lorsqu’il était coureur professionnel. On s’était perdus de vue puis il a repris contact il y a quelques années. Il tenait une salle de fitness mais voulait aller plus loin dans le domaine du sport. Il savait que c’était mon cas également, et il est donc venu me voir. Il disposait d’un terrain sur Besançon et souhaitait l’exploiter pour bâtir quelque chose d’innovant. On a alors imaginé ce qui pouvait être intéressant de mettre en place pour le sport français. L’idée est partie d’un constat : celui qu’il n’existait pas un lieu où monsieur et madame tout le monde pouvaient venir et profiter des mêmes installations que les sportifs de haut-niveau. Le but était donc de permettre l’accès à ces installations à une personne lambda et ainsi faire rencontrer le sport loisir et le sport d’élite. L’objectif était par la suite d’intégrer à ce bâtiment de nouvelles technologies et faire de la recherche dans le domaine du sport et de la santé. C’était le projet de base.

« Tous sports confondus en France, nous sommes les seuls »

En quoi l’arrivée de Groupama aux côtés de FDJ a-t-elle permis d’accélérer le processus ?

Au sein de l’équipe, nous avions un dossier prêt pour une Conti depuis un moment. J’avais même déjà rencontré des élus de la ville de Besançon qui m’avaient proposé des solutions d’hébergement, mais elles n’étaient pas complètement satisfaisantes. Quand Groupama est arrivé, le projet de la Conti a pris forme pour de bon, et lorsqu’il a fallu trouver un endroit à Besançon pour installer l’équipe, j’ai alors relancé le projet avec Alexandre. Avec lui, Marc Madiot et David Le Bourdiec, nous avons discuté de la possibilité d’occuper une partie du bâtiment pour y loger à la fois notre équipe Conti, installer les bureaux de notre pôle performance et monter un laboratoire de recherche et développement. On est vite tombés d’accord, on a obtenu le permis de construire et le projet a très vite démarré.

Aujourd’hui, comment l’équipe est-elle répartie au sein de ce COPS ?

Nous occupons environ un tiers du bâtiment. Le reste est public. Notre partie privée se compose de trois sections : il y a tout d’abord les bureaux du pôle performance, du pôle médical et de l’équipe continentale. Il y a ensuite l’atelier du service course de la Conti, avec les vélos, la partie entrepôt, le garage pour les véhicules etc… Enfin, sur le même étage, il y a une grosse surface réservée au laboratoire de recherche et développement, qu’on a nommé le LAME.

Peux-tu nous présenter ce laboratoire plus en détails ?

Nous disposons en fait d’une convention assez originale de collaboration avec mon ancienne Université des Sports. Nous avons monté ce qu’on appelle communément un LabCom (Laboratoire Commun). Pour nous, c’est le LAME, qui veut dire : Laboratoire Athlète Matériel Environnement. J’ai toujours eu la volonté de garder cette relation de recherche importante avec l’Université, car on est tout de même plus puissant ensemble que tout seul. Nous avons donc soumis un dossier auprès de l’Agence Nationale de la Recherche, qui est rattachée au Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Il a fallu le défendre devant un collège de scientifiques, qui a finalement validé notre projet. Nous avons alors obtenu une subvention conséquente et avons pu mutualiser les moyens matériels et humains de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ et ceux de l’Université des Sports de Franche-Comté. On dispose aujourd’hui d’un laboratoire de recherche privé/public unique dans le domaine du sport et reconnu par l’ANR, la plus haute instance de la recherche en France. On est assez fiers de ça. L’équipe a donc le privilège d’avoir un laboratoire de recherche validé par l’État. Tous sports confondus en France, nous sommes les seuls. Le modèle est très innovant, mais notre but est aussi de le développer et de ne pas juste faire un one shot. Désormais, il y a par exemple d’anciens collègues chercheurs de la fac qui viennent travailler pour l’équipe au sein du LabCom. Grâce à la subvention, nous avons aussi pu recruter du personnel : un ingénieur qui travaille sur l’innovation au niveau du matériel et un thésard qui travaille sur une thématique qui nous est chère pour l’avenir, la relation entre cyclisme et neurophysiologie, entre le cerveau et l’effort physique.

« Nos deux ingénieurs font un super travail »

Peux-tu nous présenter ces deux « recrues » scientifiques ?

Ils se nomment tous les deux Victor. Avec les collègues de la fac, nous avions défini deux profils pour notre projet du LabCom : un thésard et un ingénieur. Il a d’abord fallu qu’on trouve deux personnes qui veuillent venir habiter ici, qui soient évidemment motivées et qui soient idéalement orientées sur le cyclisme. Le premier, Victor Scholler, détenait un Master 2 et avait été formé à l’Université des Sports de Reims. Il avait travaillé sur le cyclisme et était alors chez Décathlon. Il était intéressé à l’idée de suivre un Doctorat alors on l’a récupéré en thèse. L’autre Victor, Simonin, est un passionné de vélo, ingénieur formé à Polytech Annnecy-Chambéry. Pour son projet de recherche, il avait travaillé sur une roue carbone. On a eu la chance de trouver ces deux-là. Qui plus est, ils sont jeunes, ce qui est très bien. Ils ont très rapidement dit oui, font partie de l’équipe depuis plus d’un an et font un super travail. Ils « appartiennent » au LabCom mais travaillent essentiellement sur les thématiques de notre équipe.

Quels bénéfices tirent l’équipe Groupama-FDJ et l’Université des Sports de Franche-Comté de ce partenariat ?

En associant les moyens matériels et les moyens humains, le gain est tout simplement une force de frappe, une puissance de recherche et développement, multipliée par deux. Et c’est énorme. J’ai par exemple un collègue très calé en neurophysiologie et il nous apporte beaucoup car c’est une compétence que nous n’avions pas dans l’équipe. C’est un bel exemple de mutualisation. Notre ingénieur fournit aussi un très bon travail depuis un an et on fabrique d’ailleurs quelques pièces par nous-mêmes désormais. Avoir tout cela à disposition est très important pour une équipe comme la notre car on sait que le cyclisme est un sport qui est de plus en plus axé sur la science. On travaille non seulement sur l’athlète mais aussi sur le matériel, et ces deux dimensions sont désormais « au carré ». Par ailleurs, au sein du LAME, on peut totalement entreprendre des projets qui sont à 100% orientés Groupama-FDJ, et qui n’intéresseront pas l’Université des Sports. Et inversement. Le but est que tout le monde s’y retrouve et il y a de toute façon beaucoup de choses qui se recoupent. Si dans un projet donné, seuls 20% de la recherche peuvent intéresser l’autre partie, ça reste 20%.

« L’équipe a vraiment accompli quelque chose »

Sur quel matériel et équipements le LAME peut-il s’appuyer ?

On dispose avant tout d’une belle surface, avec quasiment 150 mètres carrés de laboratoire privé. À l’intérieur, on peut donc accueillir une partie des collègues de l’U-Sports et installer une partie du matériel. En mutualisant nos moyens avec l’Université, on fait aussi de vraies économies. Grâce à la subvention, on a aussi pu acquérir de nouveaux équipements. On possède désormais un grand tapis roulant dernier cri qui nous permet de faire des tests. Avant, il fallait passer par l’Université et ce n’était pas toujours simple. On dispose aussi de systèmes pour travailler sur la stimulation au niveau du cerveau, avec des casques spéciaux pour enregistrer les signaux. Pour le coup, c’est du matériel de l’Université qui est mutualisé. C’est le cas d’un grand nombre d’installations et d’outils, et le tout est réuni au même endroit, chez nous. De manière plus générale, au niveau du bâtiment du COPS, de ce qui est donc public, il y a aussi une grande salle de sport de 500m2, où nos jeunes de la Conti peuvent être accompagnés par des coachs pour de la préparation physique en lien avec les entraîneurs. Il y a aussi une cabine de cryostimulation dernier cri. Elle ne nous appartient pas mais les coureurs de la Conti ont la possibilité de l’utiliser. Il y a des saunas, et au dernier étage, ouvriront dès septembre une douzaine d’appartements pour simuler l’hypoxie. C’est en somme un bâtiment assez unique et c’est ce qu’on voulait. Je pense qu’on a aujourd’hui une structure qui va être utile au plus grand nombre. Si demain Monsieur Dupont veut faire 15 jours d’hypoxie, il pourra louer un appartement, avec une altitude définie, être suivi, s’entraîner dans le bâtiment ou à l’extérieur, et pourquoi pas faire un test chez nous en laboratoire s’il en a besoin, ou envie. Car nous, équipe Groupama-FDJ, allons aussi ouvrir nos portes. Il y a une vraie demande et le LAME sera donc ouvert pour certains suivis et certaines prestations au grand public. On ne pourra évidemment pas répondre à toutes les sollicitations, mais on sera quand même en mesure de proposer du suivi et de l’évaluation à Monsieur et Madame tout le monde. C’est une belle nouveauté.

Est-ce une fierté de voir fleurir un centre et un laboratoire de cette envergure ?

Je suis avant tout fier pour l’équipe car c’est quelque chose dont j’avais toujours rêvé. On me demande souvent « pourquoi es-tu toujours là ? ». J’ai toujours répondu que ça ne m’intéressait pas d’aller voir ailleurs sachant que je suis dans une équipe qui m’a toujours fait confiance et qui a toujours voulu développer. C’est ce qui compte, de regarder plus loin. En ce sens, l’équipe a vraiment accompli quelque chose, et je suis fier pour elle. Je suis content que ce soit à Besançon, mais ça aurait pu être ailleurs. Cela tient davantage à l’historique, étant donné que j’ai développé ce secteur ici et que j’ai toujours dit qu’on ne déplaçait pas la performance, qu’on la renforçait à l’endroit où elle se créait. Tout se passe bien ici, la plupart des entraîneurs viennent d’ici et c’est devenue une vraie place forte au niveau de la recherche. Ça s’est fait ainsi et c’est bien, mais ce qui m’intéresse, c’est de voir l’équipe grandir, s’épanouir dans cette innovation et sentir que les coureurs le ressentent, voient qu’ils y participent et constatent ce qui est fait autour et pour eux.

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