La « Conti » Groupama-FDJ aura tout tenté sur le Tour d’Italie Espoirs, et elle a finalement vu ses efforts récompensés à l’occasion de la toute dernière étape vers Pinerolo. Dans une arrivée pour purs puncheurs, Romain Grégoire s’est imposé en patron… devant son coéquipier Samuel Watson. La Conti repart donc avec un succès d’étape, mais aussi les troisième et cinquième places du général grâce à Lenny Martinez, très offensif cette semaine, et Reuben Thompson. La formation bisontine remporte également le maillot de meilleur jeune, de meilleur grimpeur, les classements par points et par équipes. Un sacré cru !

« Avec le recul, on se dit bien sûr que c’était très osé », Jérôme Gannat

À la veille de la deuxième partie du « Baby Giro », Jérôme Gannat assurait que la « Conti », en embuscade au classement général avec trois coureurs, allait « faire la course jusqu’au bout ». Il n’aura pas fallu patienter bien longtemps pour le vérifier. Dès les premiers kilomètres de la cinquième étape, jeudi, les coureurs de l’équipe bisontine se sont mis en ordre de marche. Et ce malgré un profil peu avantageux, comprenant une seule vraie difficulté en tout début de course. « On était surtout focalisés sur la descente du col, mais Lenny voulait se consacrer au maillot de la montagne, donc il a joué les points dans cette montée qui était difficile, expliquait Jérôme. Mais on s’était dit qu’on ferait la descente. Ça avait été planifié car on savait que c’était le point faible de Leo Hayter, et ça s’est vérifié. On ne pensait en revanche pas être aussi peu nombreux en tête. On pensait avoir une dizaine de coureurs, mais ils se sont finalement retrouvés à six dont quatre de chez nous ». Romain Grégoire, Reuben Thompson, Lorenzo Germani et Lenny Martinez ont dès lors tenté le tout pour le tout pour renverser le maillot rose. « On pensait que les coureurs de Lotto-Soudal seraient avec nous, et c’est sans doute ce qui a manqué, racontait Jérôme. Le problème est qu’après la descente du col, il restait 110 kilomètres pour rejoindre l’arrivée. On y a cru un petit moment, car on avait 2’30, puis l’écart a rapidement fondu car il y avait un vent de face et de la fatigue. Derrière, tout s’est regroupé, les équipes étaient plus complètes et ça s’est organisé. C’était un coup de poker. C’était beau à voir, c’était du panache. Ça passait ou ça cassait. Avec le recul, on se dit bien sûr que c’était très osé, mais c’est toujours plus simple avec le recul ».

À l’entrée sur le circuit final de Peveragno, l’écart n’était plus suffisant pour résister, et Romain Grégoire et Lenny Martinez se sont tour à tour relevés avant que Lorenzo Germani ne tente son va-tout. La jonction a finalement été effectuée, et un groupe d’attaquants s’est finalement joué la gagne, raflée par Gil Gelders. Samuel Watson s’est lui octroyé la troisième place du sprint du peloton, soit la huitième de l’étape. Le lendemain, dans une course de côte vers le difficile Colle Fauniera (18,6 km à 8,5%), la « Conti » a cette fois-ci été prise à défaut après la débauche d’efforts de la veille. « On a subi, confessait Jérôme. Vingt-six coureurs se sont échappés d’entrée et on a été surpris. Le fameux coureur qui manquait la veille dans l’échappée était cette fois devant et il était dangereux pour nous en vue du général (Lennert Van Eetvelt). On était parti pour la victoire d’étape avec Lenny. Il y a eu un petit moment de panique, et on a roulé un peu seuls derrière avec Sam et Lorenzo pour essayer de combler l’écart. Reuben a fait le pied du col puis Lenny a attaqué. C’était peut-être un peu tôt, mais il y avait encore une minute à ce moment-là. Il a repris un peu de temps, mais il a ensuite stagné et est monté au même rythme que Van Eetvelt ». Si le grimpeur de poche tricolore a largement distancé ses adversaires du peloton, il n’a toutefois pu revoir le Belge et s’est donc contenté de la deuxième place au sommet du Colle Fauniera. « Pour l’anecdote, il y avait une cellule au pied et une autre au sommet, ajoutait Jérôme. Celui qui établissait le meilleur temps gagnait une montre. Lenny l’a emporté pour environ vingt secondes. Il est monté un peu plus vite que Van Eetvelt, mais pas dans de larges proportions. Quant à Romain, il a ressenti la fatigue de la veille, d’autant plus avec la chaleur. Il l’a un peu payé dans ce long et difficile col. Je pense qu’il ne faut pas s’attarder sur ça, et je suis sûr qu’on le reverra dans la haute montagne. Il a prouvé le troisième jour qu’il en était capable ».

« La meilleure façon de finir ce Giro », Romain Grégoire

À la veille de l’arrivée finale, Lenny Martinez grimpait ainsi sur la troisième marche du podium provisoire, tandis que Reuben Thompson occupait la cinquième place et que Romain Grégoire reculait aux portes du top-10. Si les résultats globaux restaient de très bonne facture, un débriefing anticipé a alors été organisé vendredi soir. « On a fait un point tous ensemble, indiquait Jérôme. Il y a toujours des choses à dire, des choses qu’on aurait pu faire différemment, mais on a toujours voulu aller de l’avant et renverser le général. Peut-être qu’on aurait dû, au vu des écarts, se concentrer sur les étapes. Il en est ressorti que bien qu’ayant pris la course en main, du fait de notre statut de favori, et bien qu’en ayant beaucoup roulé, on n’avait jusque-là pas de victoire. Pourtant, on avait l’une des, sinon l’équipe la plus forte ». Alors, le plan d’attaque a légèrement évolué samedi pour la dernière étape vers Pinerolo. « Il avait été décidé de tenter un coup de bluff, expliquait Jérôme. On avait décidé de ne rien faire, de ne pas bouger de la journée, même si on savait que l’arrivée convenait très bien aux qualités de Romain et Sam. C’était parfois un peu chaud, mais quand il n’y avait plus que deux mecs devant dans le final, Lorenzo a roulé avec d’autres équipes. Ils sont arrivés groupés au pied et Romain et Sam l’ont abordé en premières positions. C’était une arrivée assez spécifique. À un kilomètre, on attaquait de petits pavés dans de petites ruelles et les 500 derniers mètres étaient à 14%. Ils savaient qu’il fallait arriver en tête, puis que ça allait se faire à la pédale ».

Dans ce finish hyper punchy, Romain Grégoire a fait parler son explosivité pour rallier la ligne en vainqueur, quelques mètres devant Samuel Watson, et ainsi récompenser tous les efforts consentis par l’équipe tout au long de l’épreuve. « C’est vraiment une belle journée, lançait-il. Vendredi soir, on a fait le point sur ce qui avait pu ne pas marcher depuis le début de la semaine. Nous étions tous très motivés ce matin. On avait notre stratégie, on a mis en route assez tardivement, mais pile quand il le fallait. On voulait être en tête avec Sam aux 500 mètres. C’était le cas. À partir de ce moment-là, on n’a pas réfléchi et on est allés à fond jusqu’à l’arrivée. Au final, c’est ce qu’on espérait : premier, deuxième, c’est la meilleure façon de finir ce Giro ! Avec une victoire d’étape et un podium final, le bilan est bon, on peut rentrer à la maison sereinement ». « La veille, Romain m’avait dit : Jérôme, on ne repartira pas sans victoire, ajoutait son directeur sportif. Sans cette victoire, on aurait peut-être eu un goût d’inachevé. On serait rentrés avec un état d’esprit différent. Là, il y avait de la joie, tout le monde était content. Le bilan est bon, même s’il est vrai qu’on partait dans l’optique de gagner le Baby Giro, car on avait l’équipe pour. La course est réussie, mais il manque la touche finale. On était attirés par le maillot rose, on voulait tout renverser, on a couru dans ce sens-là presque tous les jours. Les gars ont suivi, et c’était agréable. On n’a pas été dans le calcul, mais si on commence déjà à calculer en Espoirs… Les résultats sont très importants, mais il ne faut pas oublier que notre principal objectif est la formation. Je pense que cette course leur aura beaucoup servi, notamment dans la manière de gérer un général sur sept jours avec deux grandes étapes de montagne. Je pense que tout le monde a appris, c’était une bonne expérience, et l’équipe a été soudée jusqu’au dernier jour ».

En plus de cette victoire d’étape et de la troisième place finale de Lenny Martinez, la Conti repart avec la cinquième place du général grâce à Reuben Thompson, le maillot de meilleur grimpeur (Lenny), le maillot de meilleur jeune (Lenny), le maillot du classement par points (Romain) ainsi que le classement par équipes. Le maillot rose attendra, mais les bagages étaient déjà bien remplis hier soir pour le retour à Besançon. 

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