Tout juste de retour des Alpes, David Gaudu s’apprête à reprendre le chemin de la compétition, mardi prochain, sur le Tour de Burgos. L’épreuve espagnole constituera le premier tremplin de sa montée en puissance vers le Tour de France, où il est attendu, comme l’an passé, au plus proche de Thibaut Pinot. Avant le lancement de cette fin de saison intense, qui sera aussi synonyme de nouveautés le concernant, le jeune Breton de 23 ans s’est posé quelques instants pour évoquer en profondeur le récent stage, son programme à venir, sa position dans l’équipe ainsi que son développement depuis son passage dans l’élite.

David, comment s’est passé ce rassemblement si particulier en cette période ?

Avant tout, après de longues semaines à m’entraîner tout seul, ça faisait énormément de bien de retrouver le groupe, pour rouler et pour renouer avec cette ambiance d’équipe. Ça m’a aussi permis de retrouver des montagnes qui me sont chères pour m’entraîner. J’avais déjà été à Tignes quelques jours avant le stage et j’avais retrouvé quelques coureurs de l’équipe. Ça m’avait permis de me remettre en selle pour bien enchaîner avec ce stage. On a d’abord pu reconnaître quelques arrivées du Critérium du Dauphiné et du Tour, dont le Col de la Loze. C’est une bonne chose dans la mesure où ce sera l’une des arrivées les plus dures du Tour cette année. Ce n’est pas un col simple à gérer. Il se fait en plusieurs temps, avec quelques replats et des passages difficiles. Ce sera une montée assez bizarre. On ne sait pas comment ça se passera, qui plus est en troisième semaine du Tour. Personnellement, c’est une montée que j’affectionne, qui correspond à mes qualités de grimpeur et de puncheur. Il a l’air d’avoir plu à Thibaut aussi. On fera tout pour que ça se passe bien le jour J… On a aussi pu travailler l’endurance avec une grande sortie et faire quelques intensités en montagne, et ça fait toujours du bien ! On a réussi à monter en pression durant le stage, ce qui n’est pas toujours évident en temps de reprise. On a bien débloqué l’organisme.

« Nous ne sommes pas des machines »

Avez-vous également pu profiter de moments en commun ?

Le fait d’être en chalet apporte une certaine dynamique au groupe. On ne reste pas forcément dans nos chambres comme on pourrait le faire dans un hôtel. On était tous réunis, on a pu faire autre chose que du vélo ensemble, et on a réussi à bien s’amuser. Une fois qu’on posait le vélo, on essayait de parler d’autre chose. Ça fait aussi du bien de déconnecter. Nous ne sommes pas de machines. On aura assez de choses à se dire vis à vis du vélo sur les trois derniers mois de la saison ou pendant les trois semaines du Tour. On s’est tous retrouvés comme si rien n’avait changé, mais avec une vraie envie. Je pense que tout le monde avait hâte de retrouver ces stages, l’équipe et cette cohésion.

Comment appréhendes-tu ton retour aux affaires sur le Tour de Burgos, mardi prochain ?

J’observe un bloc de repos avant de partir. J’espère bien que je pourrai performer là-bas. On ne fait pas des stages pour rien ! Maintenant, on ne sait pas trop comment les jambes vont répondre. Je pense que personne ne peut aujourd’hui se dire : « j’ai les jambes pour gagner telle ou telle course ». Alors, on prendra la chose au jour le jour. Il y a deux belles arrivées au sommet qui me correspondent et j’ai envie de répondre présent. Si on peut aller chercher un beau résultat, on ne va pas s’en priver. Il n’y a pas d’objectifs précis si ce n’est de donner le meilleur. On espère que ça se passera bien mais je n’y vais pas en disant que je veux gagner le général. On prend ça avec des pincettes. On avisera après la première arrivée au sommet. L’objectif est aussi de continuer à monter en pression. Je pense en tout cas que ce sera assez spécial de retrouver le peloton. L’atmosphère sera différente par rapport à quand on l’a quitté.

Pour l’occasion, tu auras à tes côtés Arnaud et non pas Thibaut.

Sur des courses assez courtes comme celle-là, la cohabitation se fait différemment. Sur l’UAE Tour, j’ai bien réussi à faire quatrième du général en ayant cette équipe-là à mes côtés. Sur une semaine, ce n’est pas déterminant. Cela peut en revanche devenir plus compliqué sur trois semaines. Concernant Thibaut, il n’est certes pas là, mais l’objectif reste d’aller chercher un résultat. Cela fait aussi partie des choses que l’équipe attend de moi quand je suis leader sur une course, et j’ai bien l’intention de saisir cette opportunité.

« Ajouter une petite pierre à l’édifice »

Tu retrouveras Thibaut sur le Critérium du Dauphiné, avec quel objectif ?

Le Critérium du Dauphiné servira surtout à réhabituer le groupe à courir et vivre ensemble. On pourra travailler nos automatismes avec Thibaut, mais c’est assez fluide me concernant. On se comprend et on discute beaucoup. Puis, à la différence d’un coureur qui est censé l’accompagner dans les bordures, par exemple, mon rôle est plus « simple » dans la mesure où les choses se font naturellement en montagne. Pour lui, je suis peut-être l’équipier le plus facile à gérer. Pour ce qui est du sportif, le parcours du Dauphiné sera très dur et l’objectif sera évidemment d’aller chercher un bon classement général avec Thibaut.

Est-ce que le Tour, qui suivra peu de temps après, est déjà dans toutes les têtes ?


Pour le moment, je ne l’ai pas ressenti tant que ça. La tension et la pression vont monter au fur et à mesure. Dans un premier temps, il faut déjà que l’on reprenne la compétition. On a surtout envie de remettre un dossard assez vite, et c’est sur le point de se produire. La pression vis à vis du Tour arrivera gentiment derrière, notamment lors du Dauphiné. Malgré tout, on sait évidemment tous ce qui nous attend et ce qu’on à faire pour le Tour. On a tous en tête les images de l’an passé. On a envie de rééditer la même chose, ou presque, en ajoutant simplement une petite pierre à l’édifice.

Tu devrais rendosser ton costume de lieutenant en montagne. En la matière, qu’est-ce que l’édition 2019 du Tour t’a-t-elle enseigné ?

J’ai compris certaines choses sur mes capacités, qui m’aident aujourd’hui naturellement dans l’approche du Tour. J’ai pris encore davantage conscience de mon potentiel, c’est certain. Et puis, ce rôle apporte une vraie dose d’adrénaline. À chaque mètre qui passe, on se dit qu’il ne faut pas se rater, qu’il faut être là auprès du leader. Quand on voit qu’il est bien, dans notre roue, alors que les autres craquent, l’adrénaline continue de grimper et on a envie de donner encore un peu plus. On a vécu un Tour de France tellement fort en émotions qu’on a envie de ne garder que les meilleurs moments.

« La Vuelta ne sera pas un rattrapage »

Avec ce type de performance, es-tu impatient de savoir jusqu’où tu peux aller de ton propre chef ?

J’ai hâte de savoir jusqu’où je peux aller par moi-même, évidemment. On espère que l’opportunité se présentera le plus vite possible… Nous verrons avec l’équipe quand je serai prêt, personnellement, et quand ils seront aussi prêts à me laisser ma carte sur un Grand Tour. Aujourd’hui, je me sens aussi bien dans ce rôle et j’ai de la chance d’avoir Thibaut à mes côtés. Je peux apprendre auprès de lui et j’ai aussi l’opportunité de pouvoir être leader sur des courses comme l’UAE Tour ou le Tour de Romandie. Et dans ces moments-là, je profite complètement de ce que m’apporte Thibaut.

Pour la première fois de ta carrière, tu n’iras pas sur les Ardennaises cette saison. C’est un pincement au cœur ?

Non car je ressens surtout de l’excitation quant au fait d’être au départ d’un deuxième Grand Tour. J’ai hâte de voir ce que ça peut donner et comment je pourrai le gérer. Faire deux Grands Tours dans une même saison, ce n’est pas faisable chaque année. C’était une belle occasion de le faire alors on s’est dit qu’il ne fallait pas se poser trop de questions. Cela étant dit, la Vuelta est encore loin. On n’en a même pas encore parlé en profondeur. On sait simplement que le programme est ainsi. Le fil rouge, avant tout, c’est le Tour de France. On peut faire la meilleure saison possible, si on rate le Tour, si on passe à travers sur le Tour, la saison est plus ou moins ratée. La Vuelta ne sera pas un « rattrapage » du Tour. Sinon, on aurait seulement annoncé le Tour à notre programme dans un premier temps… Pour le moment c’est un rendez-vous planifié. On sait qu’on visera la Vuelta après le Tour, mais on ne sait pas pour quoi on s’y rendra, comment on sortira du Tour ni comment se sera passé le Tour. On verra cela le moment venu.

Es-tu dans la position dans laquelle tu t’imaginais être après 3 ans et demi chez les pros ?

Je ne suis jamais dit qu’il fallait que je sois dans telle position ou dispose de tel statut après tant ou tant d’années. Je suis davantage quelqu’un qui vit au jour le jour, qui prend les courses les unes après les autres et qui essaie de faire au mieux à chaque saison qui passe. Je ne me suis pas forcément dit : « dans cinq ans, je dois être leader ». Je ne raisonne pas comme ça. Je pense simplement que ça suit son cours. La direction sait où elle m’emmène et je lui fais confiance à 100%. Il y a forcément un plan de carrière derrière tout ça mais je ne suis pas du genre à établir des temps de passage. Je veux simplement faire du mieux possible, dès que je le peux, sur les courses où je le peux. Je pense que mon niveau est là où il devrait être. Tous les ans, j’arrive à progresser et à apprendre de nouvelles choses. Cette année, malgré le peu de courses, j’ai déjà réussi à faire quatrième de l’UAE Tour, une course WorldTour avec un plateau très costaud. Je m’améliore constamment et j’arrive à gagner en maturité chaque année, c’est le plus important.

« Impatient d’en gagner une belle en haute-montagne »

Envisageais-tu cumuler trois Tours de France à seulement 23 ans ?


En soi, je n’y ai jamais trop réfléchi. Alors, évidemment c’est le Tour, mais ce n’est pas non plus la chose la plus insurmontable du monde. Il y a certes de la pression, notamment médiatique, mais j’ai aussi eu la chance qu’on me laisse plus ou moins tranquille lors de mon premier Tour. Je n’ai pas forcément eu à supporter la pression. Aujourd’hui, je la ressens davantage sachant que je suis auprès de Thibaut, mais je ne me pose pas trop de questions. Je suis simplement content de la façon dont ça se passe actuellement. J’ai la chance d’être à côté de Thibaut et ça me permet d’emmagasiner énormément d’expérience.

Aurais-tu quelques regrets vis à vis de ton début de carrière ?

Honnêtement, pas vraiment. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir réussi un Critérium du Dauphiné comme j’aimerais le réussir. Je l’ai fait trois fois et je n’ai pas forcément eu de réussite, mais c’est comme ça. Sinon, je n’ai aucun regret. Je suis très content de mes programmes tous les ans et ça se passe très bien. La preuve étant qu’on a réussi à gérer une saison de A à Z l’an passé. J’ai été présent du Tour La Provence et l’UAE Tour jusqu’au Tour de Lombardie, en passant par le Tour de Romandie, les Ardennaises et le Tour de France. Mine de rien, ce sont des petites choses dont on peut être satisfait. Quand une saison, bien que chargée, arrive à être pleine, c’est que le programme est bien géré et que les années précédentes n’ont pas servi à rien. Du coup, je ne peux qu’être content et je ne peux avoir aucun regret quant à mon programme, mon entraînement, et de manière générale, mes trois premières années chez les pros.

Est-il difficile d’accepter d’être moins dominateur que chez les jeunes ?

C’est la loi du sport, tout simplement. Si j’étais le meilleur partout, je pense que je m’ennuierais au bout d’un moment. Si je gagnais toutes les courses auxquelles je participais, il n’y aurait plus forcément d’enjeu. Ce qu’on aime, en tant que compétiteurs, c’est surtout de se mesurer aux autres. Quand on en vient à gagner une course où c’est plus serré, après une belle bagarre, c’est là où c’est le plus beau. Les plus belles victoires peuvent naitre après un raid solitaire de plusieurs kilomètres mais aussi en haut d’un col après un beau mano a mano. J’ai forcément hâte de pouvoir accrocher ma première victoire en montagne en WorldTour. Je suis impatient d’en gagner une belle. Celle en Romandie est déjà très belle et c’est quelque chose que j’ai hâte de revivre, mais en haute-montagne cette fois. J’espère que ça va venir, mais c’est difficile à ressentir en dehors des courses. Ma progression laisse à penser que ça peut se produire. Je n’ai pas envie de rester orphelin de victoire dans un col, de demeurer parmi les bien placés plutôt qu’en vainqueur. J’espère que je vais réussir à gagner de belles courses prochainement, et j’ai un bel exemple à suivre dans l’équipe en la personne de Thibaut.

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