Aux abords de Milan, lundi, les dix-huit années de bons et loyaux services de Matthieu Ladagnous prendront définitivement fin. La Coppa Bernocchi constituera la dernière course en carrière du Palois, resté fidèle à une seule et unique structure depuis son passage chez les professionnels en 2006. À 38 ans, et après une dernière saison pleine, l’heure est donc à la révérence. À la veille de son ultime dossard, il a accepté de retracé quelques lignes de cette longue tranche de vie.

Matthieu, te souviens-tu de tes premiers moments avec l’équipe ?

Oui, c’était en novembre 2006. On était en stage à Renazé, on alternait cyclo-cross et route. Il faisait froid. À la fin du stage, j’étais cramé et je me souviens avoir dit à mon entraineur : « Si c’est comme ça chez les pros, je ne vais pas pouvoir faire une longue carrière » (rires). C’était formateur. C’était un rêve qui se réalisait, j’étais un petit peu timide et impressionné.

« J’ai voulu me réinventer »

Comment se sont passées tes premières années dans le peloton professionnel ?

J’ai décroché ma première victoire sur le Tour Med après cinq jours de course seulement. C’est un moment qui restera gravé. Ensuite, j’ai décroché la victoire finale sur les Quatre Jours de Dunkerque, ainsi qu’une étape. Je continuais encore la piste à ce moment-là et j’ai disputé les Jeux Olympiques de Pékin, avant de me concentrer pleinement à la route. Pendant une bonne dizaine d’années, j’étais un coureur de Classiques. J’ai fait des top-10 sur quasiment toutes les courses sauf Paris-Roubaix. J’aimais ce genre d’épreuve mais ça devenait une routine, j’avais tout le temps le même programme. J’ai voulu changer, me réinventer et je me suis mis au service des grimpeurs, à l’époque principalement autour de Thibaut. Ça a changé ma carrière et je pense que c’est pour ça que j’ai fait autant d’années.

Est-ce qu’on peut revenir sur Paris-Roubaix 2012 ?

Oui, c’est un vrai regret. Je passe tout proche d’un podium. Tom Boonen était seul devant et moi j’étais dans un petit groupe de quatre. Normalement, j’étais le plus rapide au sprint. Je me sentais super bien. Je crève dans le dernier secteur pavé, à la sortie du Carrefour de l’Arbre. Je me suis tout de suite arrêté… Il y avait une moto avec des roues, mais le dépannage a été long, alors que cent mètres plus loin, il y avait l’un de nos mécanos. C’est comme ça. Ensuite, je suis revenu à 20 mètres du groupe mais je n’ai jamais pu rentrer. Finalement, je termine douzième, après avoir été repris par un groupe de sept juste avant le Vélodrome. Il y avait beaucoup de déception…

As-tu connu d’autres déceptions ?

Bien sûr ! C’est le sport de haut niveau. Sur le Tour, deux fois j’ai été repris à 200 mètres de la ligne.  Pour un coureur comme moi, qui ne gagne pas beaucoup, accrocher une étape du Tour, ça aurait changé mon palmarès. Et comme équipier, comment ne pas parler du Tour 2019… Thibaut était le plus fort. Je pense qu’on pouvait gagner le Tour cette année-là. On était tous là pour lui, ça faisait des mois qu’on en parlait. C’était un moment tellement fort : encore aujourd’hui, on ne peut pas mettre de mots là-dessus.

« Il faut savoir s’arrêter »

Tu as aussi connu de grands moments : lesquels resteront ?

Je retiens toutes mes victoires, mais aussi mon top-5 sur le Tour des Flandres. Comme équiper, il y en a aussi beaucoup : notamment la victoire au Tour de Lombardie avec Thibaut, et celle sur Milan-San Remo avec Arnaud. Je pense également au podium du Tour en 2014 : c’était le début de la saga Thibaut Pinot.

Es-tu content d’arrêter maintenant ?

Oui, peut-être parce que je sais que c’est la dernière. Plus j’avance et plus je me dis : « C’est le bon moment ». Physiquement, j’ai l’impression que je pourrais continuer mais il faut savoir s’arrêter. Au début, j’imaginais qu’une belle carrière, ce serait d’aller jusqu’à 35 ans. Et là, j’ai 39 ans, donc c’est plutôt pas mal. J’ai envie de consacrer plus de temps à ma famille, à mes enfants. Pour être performant, on doit penser à nous, à nos entrainements, à notre récupération, etc. Alors maintenant, j’ai envie de pouvoir faire des choses en famille, comme jouer au foot avec mes enfants, sans penser à mes préoccupations de sportif de haut niveau.  Pour la première fois depuis mes vingt ans, je vais aussi fêter mon anniversaire chez moi. Le 19 décembre, j’étais toujours en stage, j’y ai toujours payé mon coup (rires).

Qu’est ce qui va te manquer ?

L’adrénaline sur le vélo. Pourtant je n’aime pas prendre de risques, mais on vit beaucoup de choses pendant une course. Paradoxalement, je trouve ça dur de se faire mal à l’entraînement, de faire des intensités, mais je suis sûr que ça va me manquer aussi. Les moments de partage dans le bus vont également me manquer. On fait quand même un métier à part. Ce n’est pas un vrai métier.

« J’espère revenir de temps en temps »

Comment envisages-tu ta dernière course ?

Je n’y ai pas vraiment pensé. J’avais surtout envie de faire une année complète. L’équipe m’a demandé sur quelle course je voulais terminer, et j’ai répondu que ce n’était pas important. Ce sera lundi, sur la Coppa Bernocchi. Je veux aller au bout de mon ultime course, or sur le Tour de Lombardie ça aurait été compliqué : je ne l’ai terminé qu’une fois sur sept participations, et j’avais fini très loin. Je ne me suis pas encore projeté sur le dernier dossard, sur l’arrivée… On verra bien.

As-tu déjà des projets pour ton après carrière ?

J’aimerais être sapeur-pompier professionnel. C’est un métier qui a des similitudes avec celui de coureur cycliste. On se dépense, on ne fait jamais les mêmes choses, on est au service des autres. J’ai toujours voulu devenir pompier. Enfant, je rêvais de vélo mais j’avais la tête sur les épaules. Je me disais : « Tu es fort mais il y a plus de chances que tu ne deviennes pas cycliste pro que l’inverse. » Alors je rêvais du métier de pompier… J’ai même passé le concours des pompiers de Paris à 18 ans.

As-tu quelque chose à ajouter ?

Je remercie tous les coureurs, tous les membres du staff que j’ai pu côtoyer. Un grand merci à Marc Madiot qui m’a fait confiance du début à la fin. J’ai passé la plus belle partie de ma vie ici. J’espère revenir de temps en temps les voir. Je suis reconnaissant pour tout ce qu’ils ont fait pour moi et tout ce qu’ils ont pu m’apporter. C’est une belle vie que j’ai eu grâce au vélo et grâce à l’équipe, place à la suite !

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5 commentaires

Michel89

Michel89

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Le 4 octobre 2023 à 21:20

Ɓravo Matt…, pour cette belle carrière souvent au service de l’équipe ; maintenant il te reste plus qu’à transmettre ton savoir aux jeunes Palois. Mets leurs le feu !!!

Hascoet

Hascoet

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Le 3 octobre 2023 à 07:18

Chapeau ! Superbe carriere, complètement ébahi par cette longévité !

Chriss

Chriss

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Le 2 octobre 2023 à 17:08

Un super rouleur au service de l’équipe! Encore une page d’une génération qui se tourne. Bon vent à toi Mathieu…

Nicolau Parrô Soulié

Nicolau Parrô Soulié

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Le 1 octobre 2023 à 19:18

Belle carrière Matthieu, au-delà de tes performances de haut niveau et tu as du garder ton humilité, ta simplicité…. à bientôt !!!! Pour la Matthieu le 9 juin 2024 !!!!!

Basse

Basse

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Le 1 octobre 2023 à 16:06

Matt est un mec bien et très humain….chaque fois que je le vois je pense à mon ami Jacques qui l’adorait et le défendait quand certains c… disais du mal de lui bon vent à toi et bravo à la Groupama-FDJ d’avoir conservé ce grand coureur 👍👍👍