L’Équipe cycliste Groupama-FDJ a ce mardi dévoilé trois nouveaux coureurs pour la saison 2024 : les Français Clément Russo et Rémy Rochas ainsi que le Norvégien Sven Erik Bystrøm. Dans ce court entretien, Marc Madiot expose la logique et la philosophie du recrutement mis en œuvre cette année. En premier lieu : la confiance accordée aux leaders actuels et futurs de l’équipe.

Marc, les trois premières recrues pour 2024 viennent d’être officialisées. Dans quelle perspective l’équipe s’est-elle attaché leurs services ?

Pour être très simple, ce sont des coureurs solides et réguliers pour tenir un rôle d’équipiers auprès de nos leaders au plus haut niveau, dans différents registres, pour les Classiques et les Grands Tours notamment. Dans le cyclisme moderne, ça court devant et groupé, donc on voulait des coureurs capables de rouler aux avant-postes du peloton, frotter, ou bien des coureurs qui passent bien les bosses et peuvent être présents dans les ascensions d’une étape de montagne. C’était notre objectif, tout en tenant compte des départs qu’on peut connaître dans l’équipe.

« Changer de têtes d’affiches tous les ans, ce n’est pas notre logique »

Plus largement, quelle est la logique derrière ce recrutement ?

Le but est de continuer de croire en ce qu’on a commencé à mettre en place cette année, avec des leaders confirmés qui restent et la montée en puissance des jeunes qui viennent d’arriver : Lenny Martinez, Romain Grégoire, Sam Watson, Paul Penhoët et les autres. Nous n’avions ni la vocation, ni l’objectif d’aller chercher d’autres leaders. On est dans une autre logique avec nos jeunes talents de la Conti, donc on continue sur cette voie en renforçant notre potentiel autour de ces garçons-là.

Théoriquement, certains auraient pu penser que l’arrivée d’un ou deux leaders auraient pallié le départ de deux leaders.

Je suis serein dans mes bottes. Nous sommes installés dans une logique sportive qu’on essaie de faire fructifier et de développer. J’entends qu’on puisse avoir une moue dubitative sur ce qu’on fait ou sur notre recrutement, mais c’est une logique purement sportive. Ce n’est pas peut-être clinquant, mais l’objectif est d’être en adéquation avec ce qu’on a développé avec nos partenaires que sont Groupama et FDJ. De l’extérieur, on peut tout à fait être perplexe, mais je ne m’arrête pas à cela. Ce qui compte, c’est l’efficacité, la logique et la continuité dans ce que l’on fait. On ne va pas aller de gauche à droite et de droite à gauche simplement par plaisir et car on se dit « untel est bon, on doit le prendre ». Si tu investis sur des jeunes talents mais que tu ne les mets pas en situation, que tu ne leur permets pas d’être leaders, alors ça ne sert à rien de les prendre. Changer de têtes d’affiches tous les ans, ce n’est pas notre logique. Ça peut surprendre dans le monde dans lequel nous vivons, qui est assez volatile, mais on essaie justement de ne pas l’être. Certains s’attendaient à ce qu’on recrute des leaders, mais les leaders, on les a déjà ! Les leaders sont déjà chez nous, et ils vont monter en gamme.

Cette philosophie comporte-t-elle une part de risques ?

Les départs font de toute façon partie de la vie sportive d’une équipe, et dans ces cas-là, il faut essayer de se mettre en situation d’anticipation. C’est ce qu’on a voulu faire avec la montée en puissance des jeunes de la Conti. On l’avait déjà fait avec Pinot, Démare, puis avec la génération Madouas/Gaudu et désormais, nous avons les Martinez, Grégoire & co. C’est la raison pour laquelle on ne va pas chercher de leaders ailleurs. J’ai confiance car c’est notre crédo, et cette philosophie fait partie de l’ADN de l’équipe. On a toujours été plus tournés vers les jeunes que vers les recrutements spectaculaires. On est dans une logique de continuité de ce qu’on a toujours fait depuis vingt-cinq ans. Les pertes sont indiscutables, mais c’est aussi un beau challenge. Ce qui se présente devant nous est excitant.

« Il faut qu’on se trompe le moins possible »

Il n’a jamais été question de réinvestir de potentiels « gains » économiques sur de nouvelles têtes ?

Non, car on n’a jamais été tenté d’aller chercher des stars ailleurs. Je me répète, mais on est dans une autre logique. Si nous voulons faire des investissements, nous les faisons avec des gens qui sont chez nous. À côté de ça, les budgets se resserrent aussi car les coûts de fonctionnement sont de plus en plus élevés. Aujourd’hui, on fait les Grands Tours à perte. Il y a des coûts annexes au fonctionnement des équipes qui sont extrêmement importants, beaucoup plus qu’ils ne l’étaient il y a quelques années. Tout ça rentre naturellement dans une enveloppe globale.

Cela a-t-il une incidence sur votre attitude sur le marché des transferts ?

Le marché connaît aujourd’hui une inflation très forte. Le problème est relativement simple. Il y a aujourd’hui des équipes multinationales, appartenant à des milliardaires ou à des états, qui ont des budgets presque illimités. C’est forcément plus difficile de suivre le mouvement pour des équipes comme la nôtre. On est dans un autre créneau. On ne peut pas faire ce que font UAE Team Emirates, Ineos Grenadiers, Jumbo-Visma, il faut être clair. Cela peut paraître simple, mais on essaie de ne pas trop dépenser pour les choix que nous faisons. Si on se plante dans la détection et la formation des jeunes, on le paie 2-3 ans plus tard. Si on fait les mauvais choix de recrutement, on le paie quasi immédiatement. On n’a pas le droit à l’erreur. Il faut qu’on soit bons et qu’on se trompe le moins possible.

Outre Thibaut et Arnaud, d’autres équipiers/semi-leaders sont en partance. Est-ce un coup dur ?

Cela fait partie de la vie d’une équipe, mais il faut là aussi faire des arbitrages et des choix en essayant de se tromper le moins possible, et sur le même mode de fonctionnement. Notre recrutement s’est concentré sur des équipiers capables de jouer un rôle important auprès d’un leader. Ils ne sont pas forcément eux-mêmes des leaders ou des semi-leaders, ils n’ont pas forcément un grand palmarès, mais on recherche davantage l’efficacité dans le travail de l’ombre que la multiplication d’atouts.

Vous laissez-vous l’opportunité de compléter l’effectif ?

Étant donné qu’il y a des départs, il y a des arrivées, donc ce n’est pas fini, mais on gardera la même logique.

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5 commentaires

Bourges Claude

Bourges Claude

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Le 10 août 2023 à 08:52

J’aime bien la politique sportive de votre équipe. Je souhaiterais suivre l’équipe pour la nouvelle saison

Vancon

Vancon

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Le 9 août 2023 à 10:06

La logique de mr Madiot est bonne il faut continuer dans cet esorit

Dardennes henry

Dardennes henry

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Le 8 août 2023 à 23:47

Haut les cœurs à l Équipe Groupama-FDJ et au staff que je soutient pleinement !

Deforges Alain

Deforges Alain

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Le 8 août 2023 à 19:28

Analyse de M.Madiot convaincante

Berthuet Patrice

Berthuet Patrice

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Le 8 août 2023 à 15:38

Thibault Pinot va nous manquer