« La Conti » Groupama-FDJ n’aurait pu espérer meilleurs débuts sur une course labellisée Pro Series. Pour sa grande première à ce niveau, à l’occasion de l’Arctic Race of Norway, la formation basée à Besançon a d’ores et déjà fait forte impression après deux jours de course. Après la deuxième place au sprint de Noah Hobbs en ouverture jeudi, Thibaud Gruel a échoué au pied du podium vendredi (4e), mais surtout, le coureur britannique s’est emparé du maillot jaune de leader grâce aux bonifications glanées en cours de route. Après deux étapes, Noah Hobbs trône donc en tête de l’épreuve, une seconde devant ses adversaires directs, et trois devant son coéquipier Lewis Bower, quatrième. Deux étapes plus explosives concluront l’épreuve ce week-end.

C’est donc une nouvelle page de l’histoire de « La Conti » Groupama-FDJ qui s’ouvrait jeudi, du côté de Kautokeino, ville-départ de la première étape de l’Arctic Race of Norway 2023. Pour autant, les hommes de Jérôme Gannat ne comptaient pas se laisser intimider. « On s’est présenté sans complexe et les consignes étaient de savoir exister dans la course, se montrer, car c’est une formidable occasion, expliquait le directeur sportif. C’est la première fois que la Conti court en Pro Series mais on ne vient pas là juste pour participer. On voulait être acteur. On sait que sur ce type de courses, les échappées vont rarement au bout, mais ça reste une opportunité pour exister et être présent ». Le message est bien passé lors de l’étape d’ouverture, puisque Lewis Bower et Trym Brennsæter ont tous deux pris place à l’avant lors des 175 kilomètres menant à Alta. Au sein d’une échappée de six coureurs, les deux jeunes hommes n’ont toutefois jamais bénéficié d’un large avantage, mais ont tout de même pu rejoindre le circuit final en tête. Lewis Bower a alors pu disputer – et remporter – quelques bonifications alors que son collègue norvégien était repris quelques minutes auparavant. « Je pense que participer à cette échappée a eu l’effet d’un petit déclic pour Lewis, confiait Jérôme. Il a pris beaucoup de plaisir à être devant ».

« Quand on a vu Noah déboucher, on y a cru », Jérôme Gannat

Le Néo-Zélandais a été avalé à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée, puis tout s’est mis en place pour une arrivée massive.  « Noah était notre leader et tout le monde a un peu travaillé dans le final pour le placer, relatait Jérôme. Le sprint était assez difficile, avec 500 mètres à 5%, un rond-point puis les 300 derniers mètres ». « On est toujours restés ensemble en tête de peloton, commentait le jeune Britannique. Il y avait une petite bosse à un kilomètre de l’arrivée et j’ai été un peu serré à 700 mètres de la ligne. J’ai peut-être perdu un peu d’élan, et à partir de là, j’étais livré à moi-même. J’ai essayé de retrouver mes coéquipiers mais j’étais trop loin donc j’ai essayé de contourner par l’extérieur, j’ai pris une bonne roue et j’ai donné tout ce que j’avais ». « Il a pu sortir de la boîte assez facilement, contrairement à Thibaud, et il a pu lancer le sprint, reprenait Jérôme. Quand on l’a vu à télé déboucher dans la dernière ligne droite, on y a cru ! Finalement, Dainese est revenu très fort de l’arrière ». Sur la ligne, l’Italien s’est donc imposé de manière assez nette, mais le coureur de « La Conti » n’avait pas à rougir de sa performance. « C’est un résultat d’importance à son âge, sur une course de ce niveau, face à des équipes du WorldTour, confirmait Jérôme. On a vu qu’il y avait des possibilités ». « Je pense que ce résultat est un bon signe et annonce de belles choses, confiait Noah le soir venu. Du moins, je l’espère ».

Il n’imaginait alors sans doute pas ce que lui réserverait la deuxième étape, vendredi. Environ 150 kilomètres étaient au programme entre Alta et Hammerfest sur un parcours légèrement escarpé au départ, et à l’arrivée. « On voulait de nouveau être acteurs en prenant l’échappée, indiquait Jérôme. C’est parti assez tôt avec Ronan dans une bosse après deux kilomètres et ils sont sortis à six. Ils ont bénéficié d’une bonne avance, mais on savait aussi que le final était compliqué et que ça allait bordurer au kilomètre 58. Il y a eu un gros moment de bagarre. L’échappée a perdu ses cinq minutes d’avance en vingt kilomètres et les coureurs ont fait une heure à 50 km/h de moyenne. Ça s’est cassé progressivement, une première fois en deux, puis en quatre. On a retrouvé 25 coureurs dans la première bordure avec Ronan, issu de l’échappée, et Noah ». « J’étais encore dans le premier groupe au moment où ça a cassé, racontait Thibaud Gruel, mais je me suis fait un peu envoyer dans le décor. Je suis allé dans les gravillons, à 2-3 mètres de la route, et le temps de revenir et de reprendre de la vitesse, je me suis retrouvé dans la troisième bordure. À partir de là, j’ai attendu que ça rentre. Au final, ça s’est regroupé à une bonne trentaine de kilomètres de l’arrivée ». « Ça a mis beaucoup de temps à revenir », confirmait Jérôme. Quelques minutes auparavant, Noah Hobbs avait lui profiter de sa présence en tête pour empocher deux secondes de bonifications.

« Un sentiment incroyable », Noah Hobbs

À un peu plus de dix kilomètres du but, le coureur anglais a remis ça, cette fois-ci en compagnie de Lewis Bower. « Ils ont pris la décision de la faire, et ils ont fait premier et deuxième, expliquait Jérôme. À ce moment-là, on était leader de l’épreuve mais je crois que personne n’en était vraiment conscient. Noah se doutait qu’il allait grappiller du temps mais il pensait que Dainese allait reprendre des bonifications lors du sprint ». « J’ai abordé l’étape en voulant simplement donner le maximum et faire les sprints intermédiaires en espérant qu’il me reste de l’énergie pour le final », complétait le Britannique. C’est donc en tant que maillot jaune provisoire, pour une seconde, que le jeune homme a pris la direction de l’arrivée, en légère montée. « Trym a bien placé les mecs jusqu’à 1,5 kilomètre, notait Jérôme. Face à des équipes WorldTour, les voir devant prendre des initiatives et leurs responsabilités, c’est presque aussi marquant que les résultats. L’arrivée convenait davantage à Thibaud, avec 1,5 kilomètres à 5%, mais vu la condition physique de Noah, on se disait que ça pouvait passer ». « Malheureusement, il était un peu juste, ajoutait Thibaud. À un kilomètre de l’arrivée, il a essayé de me dire de faire mon sprint, mais je ne l’ai pas entendu. Donc j’ai continué à me retourner, à le chercher, et je me suis fait un peu enfermé. J’ai réussi à trouver une ouverture de l’autre côté de la route et j’ai lancé à 300-350 mètres en pensant qu’il était encore avec moi ».

Le jeune Français s’est finalement détaché seul, a remonté de nombreux coureurs tout en explosivité, et s’est un temps positionné pour le podium de l’étape. « Malheureusement, je me suis assis un peu tôt, à 50 mètres de la ligne car j’étais en bout de course », confiait-il. « C’est un très beau sprint de Thibaud, soulignait Jérôme. Il a dû lancer de très loin pour pouvoir remonter le groupe mais les deux Astana étaient déjà partis. Il aurait mérité de faire podium, mais à ce niveau de compétition, ça reste super. On sait qu’il est capable de bien figurer sur une arrivée comme celle-ci ». Quatrième d’une deuxième étape remportée par Michele Gazzoli, Thibaud Gruel a ainsi signé un deuxième résultat probant pour « La Conti » en deux jours. Mais le plus beau restait à venir. Alberto Dainese n’ayant pas terminé dans le top-3, et Noah Hobbs ayant assuré sa place dans le peloton, le maillot jaune du Britannique est passé de « provisoire » à bien réel. Le tout non sans une certaine confusion. « Quand Noah est revenu à la voiture, je lui ai dit : ‘’je crois que tu es leader’’. Il était un peu surpris », racontait Jérôme avec le sourire. « Je n’ai su qu’après l’étape que j’étais maillot jaune, confirmait l’intéressé. J’étais évidemment super heureux et toute l’équipe était euphorique. C’était un sentiment incroyable ».

« Une formidable opportunité », Jérôme Gannat

Le Britannique de 19 ans a ainsi repris le chemin du podium protocolaire pour endosser la tunique jaune, mais aussi celle du classement par points et du meilleur jeune. « On n’avait pas imaginé ça en venant ici, disait Jérôme. On savait que ce serait compliqué pour le général mais qu’on aurait des opportunités sur des étapes, en se concentrant sur les arrivées. Le premier jour, nous avions la voiture 3 dans le cortège grâce au tirage au sort, et lors du briefing, j’avais plaisanté en disant : « maintenant il faut faire mieux ». Après l’étape de jeudi on était voiture 2, mais je n’aurais jamais pensé avoir la voiture 1 après deux étapes sur l’Arctic Race of Norway. Tout le monde était super content. Être leader sur une Pro Series, avec la Conti, avec un jeune de 19 ans, c’est une formidable opportunité. On va maintenant prendre nos responsabilités, dans la limite de nos capacités ».  

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