C’est avec plusieurs idées en tête et de beaux challenges à relever que Valentin Madouas entame sa troisième saison chez les professionnels. À seulement 23 ans, l’ancien vainqueur de Paris-Bourges se dit prêt à assumer un statut de leader qui se précise au sein de la Groupama-FDJ, et il l’a d’ailleurs démontré dès sa rentrée avec une deuxième place sur le Grand Prix La Marseillaise. D’autres objectifs se profilent désormais pour le jeune Breton, qui nous fait aussi part de sa volonté de multiplier les découvertes pour se découvrir lui-même.

Valentin, cette deuxième place sur le Grand Prix La Marseillaise a joliment lancé ta saison.

En fin de compte oui, je suis plutôt content. On ne sait jamais trop où on en est physiquement au moment de la reprise. J’étais plutôt satisfait dans la mesure où j’ai montré que j’étais direct dans le match. Maintenant, quand on arrive à quatre et qu’on finit deuxième, c’est forcément un peu rageant, mais honnêtement je n’ai pas trop de regrets. Ça se joue vraiment sur des détails et on va dire que ce n’était pas mon jour (sourires). Ça aurait été vraiment bien de gagner mais ça ouvre certainement des portes pour la suite. En tout cas je suis forcément rassuré sur mon niveau physique.

« Je demande encore à apprendre »

Avais-tu pour objectif de répondre présent d’entrée de jeu ?

Oui, mais je ne m’attendais pas forcément à le faire. Je suis tombé un peu malade la semaine dernière et ça a un peu modifié mon programme d’entraînement. J’ai quand même plus ou moins réussi à faire les exercices demandés mais j’étais un peu fatigué et j’ai mis 3-4 jours à m’en remettre. On avait également bien travaillé à Calpe, mais comme à chaque fois lors d’un stage, et ce n’est pas pour autant qu’on a des certitudes physiques. C’était un vrai objectif pour moi d’être dans le coup immédiatement. Je sais qu’en début de saison, je n’ai pas forcément besoin de rouler beaucoup pour pouvoir être bien. J’ai cet avantage de ne pas avoir besoin de faire un gros hiver comme certains pour être opérationnel dès la reprise. J’ai des facilités en début de saison, il faut donc en profiter pour gagner des courses, ou au moins de tout mettre en œuvre pour y arriver. Puis, ce sont des courses où l’équipe me donne ma chance, donc je me devais d’essayer de bien faire quoiqu’il en soit.

Démarrer par un podium, c’est  donc aussi une manière de donner raison à l’équipe de te faire confiance ?

C’était important pour moi de répondre présent, car on n’a pas tout le temps l’occasion d’avoir sa chance dans une saison. Je me sens capable d’assumer ce statut de leader, et si ça arrive régulièrement j’en serais ravi, mais je sais aussi qu’il faut encore que je progresse. L’équipe m’en a parlé un petit peu et personnellement je le sens bien. Sur les courses françaises, on se doit de performer et je commence à avoir l’habitude de ce genre d’épreuves, je sais comment ça se court et je sais que j’ai le niveau physique pour en gagner une de temps en temps.

Être désigné parmi ces coureurs appelés à ramener des résultats, est-ce une pression que tu arrives à gérer à ton jeune âge ?

Ce n’est en aucun cas une pression supplémentaire. Ca ne change pas grand-chose à ma manière de voir les courses et de les aborder. C’est aussi un rôle que j’ai pu connaître chez les amateurs, surtout lors de mes deux dernières années. Je pense qu’elles m’ont à cet égard énormément servi. Maintenant, c’est clair que je demande encore à apprendre, je manque encore d’expérience sur certains points, mais je me sens prêt malgré tout. Au fur et à mesure des courses, on va prendre des automatismes entre nous et j’espère que ça paiera rapidement.

« Je fais du vélo pour gagner des courses, pas pour être sur le podium »

Ce même statut t’a permis de t’illustrer l’an passé, mais sans victoire à la clé.

Oui, et j’en étais un peu frustré. C’était ma première année sans victoire et j’ai un peu fait mon autocritique, sans tomber dans le pessimisme. Je suis passé à côté à quelques reprises et ça m’a un peu embêté car je fais du vélo pour gagner des courses, pas pour être sur le podium. J’aurais pu faire mieux certaines fois. Des podiums auraient pu être des victoires, et je pense aussi que j’avais les jambes pour gagner au championnat de France. Ces opportunités manquées m’ont un peu fait rager sur le coup mais tout n’était pas à jeter. J’ai réussi à passer outre et rebondir pour cette saison. Ce n’est pas un blocage mais plutôt une source de motivation pour réussir à ramener une ou plusieurs victoires cette année.

Quels sont les points positifs que tu retires de la saison passée ?

J’ai progressé en termes de régularité. J’ai réussi à répondre présent plus souvent, à vrai dire toute la saison sauf la dernière partie lors de laquelle j’ai eu quelques soucis. Sans forcément être gagnant, j’ai toujours été dans le match et je pense que ça a été un vrai déclic. Mais là où j’ai surtout progressé, c’est dans la manière de récupérer, grâce au Grand Tour que j’ai effectué. Je sens que j’ai franchi un petit cap grâce au Giro de l’année dernière. Pas forcément sur les intensités pures, mais plutôt dans l’assimilation des charges à l’entraînement, dans l’enchaînement des courses. Je pense que ça devrait se traduire sur la route cette année.  

Puisque tu évoques le Giro (13e du général, ndlr), est-ce là où tu t’es le plus surpris ?

En fait, je l’ai abordé sans trop de pression. Même presque aucune car je ne m’étais pas du tout préparé à le faire. J’y suis allé en mode découverte, apprentissage, en voulant simplement faire le meilleur résultat possible, plutôt sur des étapes. Comme je n’avais pas fait de stage de préparation, j’y suis allé avec les acquis des courses faites auparavant. C’est surtout dans cette mesure que je me suis surpris. Je n’ai pas pu faire les choses à 100% mais c’est peut-être aussi grâce à ça que j’ai réussi à bien tenir trois semaines à haut-niveau. Et les tenir, c’est quelque chose qui m’a vraiment étonné. Je n’ai plus vraiment monté de cols depuis, à part en stage en juillet dernier, donc c’est clair que j’espère pouvoir en refaire assez rapidement et me tester à nouveau dans ce domaine. Il y aura le col de la Colmiane sur Paris-Nice, qui est un beau petit col mais qui n’est pas très dur. Je partirai aussi en stage à Tenerife après l’Etoile de Bessèges, mais pas en altitude comme Thibaut et les autres. J’irai « en bas » et je travaillerai les cols en vue de Paris-Nice.

« Le Giro 2019 a ouvert des pistes dans un coin de ma tête »

Ce profil « grimpeur » est-il un axe que tu comptes/veux encore développer ?

Je pense que ça me donne des idées. Je n’ai pas la prétention de dire que j’ai actuellement un niveau assez bon pour jouer un vrai classement général sur un Grand Tour. Néanmoins, je suis persuadé d’avoir encore une marge de progression sur ce point, et qu’au fur et à mesure des années, je me sentirai peut-être un jour capable de viser un Grand Tour. Le Giro 2019 a ouvert des pistes dans un coin de ma tête. Au moins une fois dans ma carrière, j’espère pouvoir tout faire à 100% et articuler une saison autour d’un Grand Tour pour me tester véritablement sur ce genre de course, voir si je suis capable ou non d’y réaliser une vraie performance. À partir de là, je pourrai réellement identifier sur quels types de courses je suis le meilleur. C’est une réflexion pour l’avenir. Peut-être pas dans l’immédiat, mais d’ici quelques années, si j’en ai l’opportunité.

Jusque là, sur quelles grandes courses t’étais-tu justement senti le plus proche des meilleurs, de la gagne ?

C’est assez compliqué de le dire. L’an passé, sur l’Amstel Gold Race (8e) et sur Paris-Nice (11e), par exemple, je me suis senti bien sans être non plus aérien. Du fait que c’est une Classique, l’Amstel se joue davantage sur des détails, sur la tactique, mais sur Paris-Nice, il n’y avait pas non plus vingt gars qui m’étaient physiquement supérieurs. Des petites choses par-ci par-là m’ont permis d’espérer sur les deux courses, mais je pense être tombé à chaque fois sur des coureurs plus forts que moi, tout simplement. Honnêtement, il n’y en a pas une où je me suis senti plus proche de la victoire que l’autre. Mais d’ici quelques années, je pense, du moins j’espère, être capable de jouer la gagne sur les deux tableaux. Le côté « aléatoire » des Classiques me plait particulièrement. Ce sont des courses longues et usantes, ce que j’apprécie aussi beaucoup. Il faut savoir mettre de la puissance dans les dernières côtes, les derniers monts, là où tout le monde se couche. Ça peut me correspondre. Sur les Grands Tours et les courses par étapes, il y a forcément des étapes plus longues et ennuyantes sur le vélo, mais j’aime aussi le fait que le rapport de forces s’équilibre sur plusieurs jours.

Puisqu’on parle des Classiques, une de taille fait son apparition dans ton programme : le Tour des Flandres. Dans quelle optique ?

Premièrement, pour découvrir, car c’est une Classique mythique que j’ai toujours regardée à la télé. Deuxièmement, pour progresser et pour passer un cap au niveau du placement et de la force. Troisièmement, dans l’espoir de constater que c’est une course qui peut me convenir pour le futur, après y avoir naturellement engrangé un peu d’expérience. Il faut 2-3 éditions pour pouvoir être à 100% opérationnel sur le Ronde. Le placement se joue tellement à des détails… C’est un vrai apprentissage pour envisager de jouer la victoire un jour.

« J’espère passer un cap sur Liège-Bastogne-Liège »

Ton début de carrière te sert-il donc aussi pour ratisser large et affiner tes préférences ?

C’est un peu ça. J’aime bien découvrir de nouvelles courses. Mon but est d’en découvrir un maximum pour, si elles me plaisent, me les fixer comme objectifs à court, moyen ou long termes. Je veux vraiment faire le tour de ce qu’il est possible de faire. Si on parle des Monuments, j’en aurais normalement fait trois à la fin de cette saison. Pour Milan-Sanremo, il faudra peut-être attendre. Paris-Roubaix est une course que j’apprécie aussi, que j’ai faite quatre fois chez les jeunes, mais ce n’est pas une priorité dans l’immédiat. Ça viendra peut-être davantage sur une saison où je n’aurai pas d’objectifs sur les Ardennaises, car ça me semble compliqué de tout enchaîner. On va d’abord voir comment se déroule cette saison mais j’ai vraiment envie de tout explorer.

Qu’attends-tu particulièrement de cette saison 2020 ?

Que ce soit la saison de la confirmation. Je veux montrer que j’ai franchi un cap au niveau physique, être un peu meilleur que les saisons précédentes, et puis gagner ! C’est quelque chose que je me dois de faire envers l’équipe. C’est quelque chose d’important pour moi, aussi pour me rassurer vis à vis de ce statut de leader. Si je ne gagne pas cette année, je serai vraiment déçu. Une victoire en WorldTour n’est pas non plus inenvisageable. Je pense que j’aurai des opportunités cette année et ce sera à moi de les saisir.

Quelles sont les dates que tu as véritablement cochées pour les mois à venir ?

J’ai surtout des certitudes sur le début de saison. Je connais mon programme jusqu’à Liège et ensuite tout dépendra selon si je fais le Tour ou pas. Dans ce cas, mes objectifs se préciseront naturellement. Pour le début d’année, mes objectifs se situent surtout sur Paris-Nice, où je veux aider Thibaut [Pinot] à faire la meilleure performance possible, et sur les Classiques. Je vais découvrir le Tour des Flandres, où j’espère profiter des acquis de Paris-Nice, puis il y aura l’Amstel Gold Race qui me correspond bien, et enfin Liège-Bastogne-Liège, où j’espère passer un cap cette année, après deux premières expériences peu convaincantes. Si je m’y présente à 100%, je me sens capable de faire une performance. Et si David [Gaudu] est en forme comme l’an dernier, ce sera « tout benef » pour l’équipe. Personnellement, je sais que j’ai de la marge et que je peux être meilleur que ce que j’ai montré jusque là.

Sur Paris-Nice, tu retrouveras Thibaut avec qui tu as partagé seulement cinq jours de course depuis deux ans.

On se connait bien, on se parle souvent, mais c’est vrai qu’on a peu couru ensemble. En tant que stagiaire j’avais pu faire le Tour de l’Ain avec lui. Depuis que je suis passé pro, on a évolué sur des fronts différents mais le peu de fois où on s’est retrouvé, ça s’est super bien passé. Je pense qu’on est en phase et qu’on se ressemble dans la manière de courir. Il n’y a pas de raison que ça se passe mal. Faire Paris-Nice ensemble, j’espère aussi que ça va m’ouvrir des opportunités en vue du Tour. Ça va permettre de créer des automatismes entre nous. C’est un groupe qui a beaucoup couru ensemble, ce sera donc à moi de m’intégrer et de trouver ma place parmi eux si j’ai envie d’être sur le Tour.

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