Dès son arrivée victorieuse au Belvédère de Montfaucon vendredi, Guillaume Martin-Guyonnet avait annoncé la couleur. « J’aimerais faire le doublé », avait glissé le coureur tricolore, qui avait surtout misé sur le Tour du Jura ce week-end. Avec 3000 mètres de dénivelé positif, essentiellement concentrés sur les soixante derniers kilomètres de l’épreuve, le deuxième acte du triptyque franc-comtois s’annonçait effectivement plus adapté aux purs grimpeurs ce samedi. Dans la première partie de course, c’est une échappée de quatre hommes qui a mené sa barque cinq minutes devant le peloton. « On avait laissé le poids de la course à d’autres équipes hier, mais suite à la victoire de Guillaume, on savait qu’on n’allait pas avoir le choix aujourd’hui, reprenait Thierry. C’est Oscar [Nilsson-Julien] qui devait faire le plus gros du travail de sorte à ce que l’échappée ne prenne pas trop de temps, car on savait qu’on n’aurait pas beaucoup de soutien. Il a fait ça à la perfection, et il va bien dormir ce soir ! » « Oscar a tenu la baraque tout seul pendant presque cent kilomètres, donc un grand coup de chapeau à lui », saluait Brieuc Rolland. Puis, comme attendu, c’est à l’approche de la côte de Chamoz, premier des nombreux reliefs du final, que la course s’est véritablement enclenchée.

L’enchaînement des difficultés a peu à peu réduit le paquet, mais Guillaume Martin-Guyonnet conservait Clément Braz Afonso, Rudy Molard et Brieuc Rolland à ses côtés avant la difficile côte de Thésy, à quarante kilomètres du terme. Après une nouvelle sélection, quelques tentatives de contres ont fusé à une trentaine de kilomètres de la ligne, mais Rudy Molard a rapidement mis de l’ordre dans le peloton et engagé la poursuite derrière une échappée très résistante. L’aîné du groupe a ainsi mené le peloton pendant près de quinze kilomètres, abaissant l’écart à moins de deux minutes au moment d’aborder le premier étage ascendant du final. Dans la montée de Saint-Thiébault (2,7 km à 8%), Brieuc Rolland a pris les commandes, abaissé l’écart de moitié tout en réduisant le peloton à une vingtaine d’unités. L’ancien de « La Conti » a même poussé l’effort jusqu’à quatre kilomètres du but, où l’unique rescapé de l’échappée ne comptait plus que quarante secondes d’avance. « On sait que plus la course est dure, mieux Guillaume se porte, expliquait Brieuc. On voulait donc grimper l’avant-dernière montée le plus vite possible, pour vraiment user tout le monde. Thierry me répétait dans l’oreillette que mon arrivée était en bas du Mont Poupet. Je ne me suis pas posé de questions, j’ai roulé à fond et je savais que ça allait bien se passer pour Guillaume ».

« Chacun avait son rôle à jouer, continuait Thierry. Rudy a fait un gros tempo, Brieuc s’est sacrifié jusqu’au bas de la montée finale, a fait un gros travail, puis Clément a fait le pied de la bosse, comme la veille ». Après un sérieux relais de 1500 mètres, Clément Braz Afonso a déposé le groupe des favoris à quinze secondes à peine de l’homme de tête, et l’explication finale a alors éclaté. Clément Berthet a lancé les hostilités, et Guillaume Martin-Guyonnet n’est parti à sa poursuite qu’après un léger temps d’observation. « Je savais que c’était un bon moment pour attaquer, je voyais qu’il avait de bonnes jambes, donc je m’y attendais, expliquait le Normand. Je voulais juste voir si quelqu’un d’autre faisait l’effort pour jauger des forces en présence. J’avais opté pour une stratégie un peu différente de celle d’hier, je voulais être un peu plus attentiste. J’avais des jambes peut-être aussi un peu moins bonnes et je pense que ce n’était pas si mal de le laisser un peu devant, car ce n’est jamais une situation très confortable ». Car si le grimpeur de la Groupama-FDJ n’a pas tardé à sortir de sa réserve – et décroché tout le reste de la concurrence de sa roue -, il n’a opéré son retour sur le coureur local qu’après un kilomètre de poursuite bien maîtrisée.« Aujourd’hui j’étais le chasseur, et je l’avais vraiment en point de mire toute la montée, donc c’était plutôt intéressant tactiquement, ajoutait Guillaume. J’ai fait l’effort pour revenir à la bascule puis j’ai joué un peu. Ayant gagné hier, je pouvais me permettre de tout jouer pour la victoire et ne pas passer de relais pour « juste » assurer une place. Si hier ça s’est fait physiquement, aujourd’hui c’était plus tactique, car je pense qu’on était d’un niveau à peu près égal avec Clément ». De retour dans la roue de son rival à 1200 mètres du but, Guillaume Martin-Guyonnet ne l’a dès lors plus lâchée, sans toutefois tenter de le surprendre sur les dernières pentes. Tout s’est finalement décidé dans un sprint à deux, et après un lancement précoce de Clément Berthet, le coureur normand a parfaitement contré à 200 mètres de la ligne pour se projeter en tête et la conserver jusqu’à la ligne. « C’est une arrivée un peu spéciale que je commence à bien connaître après trois éditions, donc je savais à quel moment produire mon effort, soulignait l’intéressé. Mais peut-être que si je ne gagne pas hier, je n’ai pas la confiance pour le faire aujourd’hui. C’est peut-être ce qui a fait la différence ». Quoi qu’il en soit, c’est bien en vainqueur, pour la deuxième journée consécutive, que Guillaume Martin-Guyonnet a passé la ligne du Tour du Jura ce samedi.

« Ce n’était pas gagné d’avance, confiait Thierry. On voulait en gagner une, ce qui a été fait dès le premier jour, mais le briefing ce matin était d’aller chercher la gagne de nouveau, et que tout le monde apporte sa pierre à l’édifice. On avait encore une confiance totale en Guillaume et il a su gérer à la perfection sa montée finale. C’est une belle victoire ». « C’est un sentiment assez exceptionnel quand le leader finit le travail, disait Brieuc, le sourire aux lèvres. La satisfaction est totale car on se sent utile, et Guillaume le rend bien. C’est un plaisir de travailler pour un gars comme lui. La communication est vraiment top, on commence tous à bien se connaître et on avait une confiance totale en lui. Ça pousse également à se donner à 100% car on sait qu’on ne le fait pas pour rien et qu’on vient vraiment pour gagner ». L’homme du week-end résumait lui son euphorie en quelques mots : « J’ai eu quelques doutes en début de saison, et un peu de frustration après le Tour du Pays Basque, mais tout est évacué après ce week-end. On n’avait pas engrangé beaucoup de succès depuis le début de l’année, mais on arrive maintenant à les enchaîner, grâce à un collectif encore super solide comme on a pu le voir aujourd’hui. Ça fait du bien au niveau collectif, mais aussi au niveau individuel. Avant la journée d’hier, je n’avais pas gagné depuis quasiment trois ans. J’ai attendu moins longtemps pour gagner ma course suivante (sourires), donc je suis super heureux ! »« Guillaume est arrivé dans l’équipe avec un certain manque de confiance, soulignait Thierry. Il avait besoin de changer d’air, et il est arrivé avec beaucoup de motivation, de fraîcheur et d’envie. Le fait d’avoir retrouvé de bonnes sensations au Pays Basque et d’avoir gagné hier, ça l’a complètement décomplexé aujourd’hui ». De quoi envisager le triplé à Morteau demain, en conclusion du Tour du Doubs ? « Ce sera une course différente, avec une approche différente, mais tout est possible, concluait Thierry. Quoi qu’il arrive, le week-end est réussi. Demain, ce n’est que du bonus, mais on avait aussi dit ça l’an passé… Donc pourquoi pas ». « Deux sur deux, c’est top, mais on ne va pas s’arrêter en si bon chemin », ponctuait Brieuc Rolland.