La dernière ligne droite de la saison 2021 se profile pour le peloton professionnel. Pour David Gaudu, celle-ci l’emmènera de l’autre côté des Alpes, pour une série de courses italiennes où l’Équipe cycliste Groupama-FDJ et lui-même nourriront de réelles ambitions. Avant de prendre la direction du Luxembourg, pour son ultime course de préparation, le grimpeur breton est longuement revenu sur les premiers mois de l’année mais s’est aussi projeté sur les toutes prochaines semaines.

David, comment s’est passée ta reprise après un mois de coupure ?

Déjà, ça fait vraiment du  bien ! C’était plaisant de remettre un dossard, presque un mois après les Jeux Olympiques, d’autant plus à la maison, sur les routes bretonnes. Ça s’est plutôt bien passé à Plouay. Valentin Madouas était dans une très bonne journée et il a pu aller chercher un petit résultat. On a ensuite enchaîné avec les courses dans l’Est de la France, où on a été offensifs. On n’a certes pas gagné, mais il y a eu du bon. Personnellement, j’ai noté que je montais en pression, et j’ai notamment eu l’occasion de le vérifier sur le Tour du Jura (5e, ndlr).

« En revenant de Tokyo, j’ai eu besoin de couper »

Physiquement, ces deux week-ends de course se sont donc avérés positifs ?

Oui, même si ma forme n’était pas à 100% sur les courses franc-comtoises. Il y a encore une marge de progression à exploiter, et c’est aussi dans cette optique que je me suis entraîné ces derniers jours dans le Sud de la France. Il me manquait surtout du rythme, des efforts de seuil et de PMA, ce qui est normal lors d’une reprise. J’ai bien récupéré depuis, et maintenant cap sur le Tour de Luxembourg. C’est un vrai point de passage en vue de la fin de saison.

Qu’as-tu fait durant le mois sans compétition suivant les Jeux Olympiques ?

En revenant de Tokyo, j’ai eu besoin de couper. J’ai passé une semaine de vacances à la maison et c’était très agréable. Cela faisait presque trois mois que je n’étais pas rentré et je n’avais pas passé autant de temps chez moi depuis le début de l’année. Ça m’a fait beaucoup de bien de me ressourcer à la maison, avec ma copine. Puis, j’ai repris le vélo tranquillement, sans brûler les étapes. On a commencé à travailler le spécifique au bout d’une semaine et demie de reprise puis les courses sont vite arrivées. En tout cas, la coupure a fait du bien, mais la reprise tout autant. Quand on reprend, on sent bien sûr qu’il y a du travail à faire, mais on sent aussi que le corps a une mémoire active et qu’il se souvient des efforts fournis. Au final, les sensations reviennent quand même assez rapidement.

Durant ce mois sans compétition, as-tu eu le temps de regarder dans le rétroviseur ?

Honnêtement, je n’ai pas du tout pensé à ce que j’avais pu faire sur le Tour ou aux Jeux Olympiques. Pendant mes vacances, j’ai essayé de penser à tout sauf au vélo et de m’aérer l’esprit au maximum. Je n’ai absolument pas pensé à la première partie de saison.

« Ma meilleure saison chez les pros »

As-tu néanmoins pu dresser un bilan à froid du Tour ?

En y repensant, j’ai retiré des points à la fois négatifs et positifs du Tour. Il est vrai qu’on était venus pour essayer d’aller chercher un classement général plus ambitieux qu’une onzième place. On ne s’était pas fixé un rang précis, mais quand on voit la troisième semaine que je suis capable de réaliser, on peut effectivement nourrir des regrets quant à cette journée sans sur le Mont Ventoux. Maintenant, on peut tout aussi bien relativiser et se dire que cette journée sans aurait pu intervenir dans les Pyrénées, plus tard… Il y a donc du bien et du moins bien. Le bien, c’est clairement ma condition en troisième semaine, le fait d’avoir couru en leader, et la confiance de l’équipe tout au long de la course. Le moins bien est de ne pas avoir réussi à ramener de victoire d’étape, tout simplement. À dire vrai, à l’exception du Ventoux, il n’y a aucune journée qui me laisse de vrais regrets.

Est-ce une satisfaction d’avoir rebondi avec tes coéquipiers après cette désillusion ?

J’ai surtout envie de dire qu’on n’avait pas trop le choix. Malheureusement, dès la douzième étape, on n’était plus que quatre sur la startlist. Mais on était tous les quatre motivés. Je pense d’ailleurs qu’il faut remercier Stefan pour avoir complètement assumé son rôle de capitaine de route durant les deux dernières semaines. Il a su nous remobiliser et nous remettre dans le match tous les jours. Grâce à lui, on est restés dans la bagarre et on a toujours gardé cette envie de bien faire. Je pense que Bruno était aussi très motivé par la dernière semaine dans les Pyrénées. Quant à Valentin, il est toujours motivé, même quand ça ne va pas. De ce point de vue, il émanait du groupe une réelle spirale positive. L’esprit combatif était présent, c’est clair. Malheureusement, ça n’équivaut en rien une victoire d’étape sur le Tour… C’est comme ça. Maintenant, je suis aussi quelqu’un qui essaie de regarder devant, et non pas derrière. Je suis davantage focalisé sur la suite des évènements.

À un mois de la fin de la saison, quel serait, au moment où l’on se parle, ton bilan provisoire ?

Je pense que c’est ma meilleure saison chez les professionnels. J’ai réussi à gagner une étape mythique sur le Tour du Pays Basque, en WorldTour. J’ai gagné en Ardèche contre une belle concurrence. J’ai fait troisième d’un Monument à l’occasion de Liège-Bastogne-Liège. J’ai acquis des résultats toute la saison, à l’exception de Paris-Nice où une chute m’a privé d’un probable bon classement général. J’ai été là de ma première course jusqu’aux Jeux Olympiques, donc je n’ai aucun regret. Pour le moment, je crois que ma saison a été menée comme il le fallait, de A à Z, que ce soit au niveau des entraînements, des enchaînements de course, des stages. J’espère et je pense aussi avoir répondu aux attentes de l’équipe. Si je devais donc dresser un premier bilan maintenant, je dirais donc que je suis plutôt content. La déception du Tour, qui est réelle, ne va pas ternir ma saison toute entière. Je préfère avoir réalisé cette saison et terminé onzième du Tour, plutôt que d’avoir fait sixième du Tour et rien d’autre sur le restant de l’année.

« Il y a moyen de bien s’amuser sur le Tour de Luxembourg »

La dernière ligne droite se présente désormais. Qu’attends-tu du Tour de Luxembourg ?

J’ai regardé le profil des étapes, et c’est tout de même très punchy. Ça peut donc me convenir si je suis en très bonne forme, en particulier les arrivées en haut des bosses. Il y a aussi un chrono de vingt-huit bornes qui n’est pas forcément pour m’avantager. C’est néanmoins du travail accumulé dans la discipline, et c’est quelque chose que je commence à aimer de plus en plus. On prendra les étapes les unes après les autres. En tout cas, on m’a toujours dit que le Tour de Luxembourg était une belle course, animée et dynamique. Je vais découvrir ça et j’espère qu’on aura l’occasion de se faire plaisir. Nous aurons une belle équipe au départ, avec notamment un Thibaut Pinot qui monte en puissance. Je pense qu’il y a moyen de bien s’amuser et de passer de belles journées au Luxembourg.

Comment te sens-tu physiquement avant cette épreuve ?

Les courses dans l’Est de la France ont été vraiment dures et rythmées. Ça m’a permis de bien me remettre dans le rythme, contrairement à une course comme la Bretagne Classic où c’était plutôt cadenassé et sur un schéma « rouleau compresseur ». En Franche-Comté, les efforts étaient courts et violents, soit exactement ce qui m’avait manqué pendant ma coupure. Je sens que je monte en pression, j’espère que ça va continuer et que je pourrai profiter de très bonnes sensations au Luxembourg.

Ce sera aussi l’occasion de prendre vos repères en vue de la fin de saison…

On est désormais tous habitués à courir ensemble. On n’a pas tellement besoin de reprendre nos marques. On se connait très bien. Même si on n’a pas trop couru ensemble cette année, notamment avec Thibaut ou Seb, ça se fait naturellement. En revanche, ce sera une grande première avec Attila me concernant. Pour l’anecdote, j’ai en revanche déjà couru contre lui, aux Jeux Olympiques. Ce sera l’occasion d’apprendre à mieux le connaître également.

« J’ai vu un Thibaut qui ne se posait plus de question »

Comment se sont passées tes retrouvailles avec Thibaut en Franche-Comté ?

C’était vraiment difficile de le savoir souffrant du dos pendant des mois. C’est donc super de le voir courir à nouveau, et quand on voit l’envie qu’il dégage sur le vélo, ça fait d’autant plaisir. Ça montre aussi qu’il est loin d’être fini et qu’il faudra encore compter sur lui pendant quelques années. C’était super de le retrouver. En plus, Thibaut est quelqu’un qui aime faire la course et « mettre le bordel ». On a vu sur les courses chez lui qu’on pouvait tenter des choses. Je pense qu’on a pris énormément de plaisir durant ces trois jours, tous ensemble. J’ai surtout vu un Thibaut qui ne se posait plus de question par rapport à son dos, qui avait envie de passer à autre chose et qui n’avait qu’une obsession : retrouver son vrai niveau et lever les bras le plus tôt possible.

Vous avez les mêmes objectifs de fin de saison. Son retour en forme peut-il laisser présager de belles choses ?

C’est prometteur, assurément, surtout pour les courses italiennes où ça se fait certes à la jambe mais où ça peut aussi devenir tactique. C’est toujours plaisant de savoir qu’on peut potentiellement jouer sur le surnombre. Avec plusieurs cartes, il y a des choses à tenter, notamment sur les semi-Classiques comme les Trois Vallées Varésines. Puis, il y aura évidemment le gros morceau que représente le Tour de Lombardie. Là-bas aussi, le surnombre peut être un avantage s’il est bien utilisé.  

Parlez-vous déjà, entre vous, de ces échéances ?

On ne parle pas nécessairement de vélo entre nous. En course, on est évidemment là pour faire notre métier, mais le cyclisme n’est pas notre unique sujet de discussion. Qui plus est, ces courses de fin de saison, on les connaît plus ou moins par cœur et on n’a pas forcément besoin d’en parler pour être motivés. Quand on est sur une course, on parle rarement de celle qui suit, on est concentrés sur celle du moment.

« J’ai envie de jouer à nouveau les premiers rôles sur un Monument »

Quels objectifs te fixes-tu personnellement pour ces Classiques italiennes ?

Il y a d’abord Milan-Turin, qui m’a toujours réussi. Ensuite, le Tour de Lombardie me fait évidemment rêver. J’aimerais aller chercher les meilleurs résultats possibles, et si ce n’est pas moi, j’espère que ce sera un autre coureur de l’équipe. Si on arrive à en placer un sur le podium du Tour de Lombardie, ce serait déjà très très bien. Si cela venait à tomber sur moi, je cumulerais deux podiums sur les deux Monuments pour puncheurs-grimpeurs de l’année. Ce serait une vraie réussite.

Avoir joué la gagne sur Liège a-t-il été un petit déclic pour toi ?

Le vrai déclic s’est enclenché sur la Vuelta l’an passé. Dès le début de saison, j’ai couru contre les meilleurs mondiaux, et j’ai toujours joué avec eux. Parmi les coureurs que j’ai retrouvés à Liège, certains étaient déjà là sur le Tour des Alpes Maritimes et du Var en début de saison. Je sais de quoi je suis capable. J’espère et j’ai envie de jouer à nouveau les premiers rôles sur un Monument. Cette perspective me donne énormément de motivation et d’envie. J’ai envie de travailler pour, et de faire le maximum pour avoir de nouveau cette opportunité.

Il y a 2-3 ans, tu te présentais sur ces Classiques italiennes en lieutenant pour Thibaut. Comment les rôles seront-ils répartis cette fois ?

Tout dépendra de la forme du moment. Mais quoi qu’il en soit, ça s’est toujours bien passé avec Thibaut. Si l’un se sent mieux que l’autre lors de telle ou telle journée, on n’aura aucun mal à jouer sur lui. Si même quelqu’un d’autre se sent bien, on pourra aussi faire la course autour de lui. Ça se fera naturellement en fonction des jambes de chacun sur la journée. Si l’un d’entre nous se sent au-dessus du lot, le collectif répondra présent pour lui.

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