Samedi 24 février. Pour Arthur Vichot et son équipe FDJ, il s’agit d’une date importante. Sept mois et demi après une chute dans le Tour de France, le double champion de France retrouve la compétition. Impatient mais prudent, il nous dit ce par quoi il est passé sans jamais fuir la réalité. Discuter avec Arthur est toujours un grand moment de vérité.

 Arthur, dans quel état d’esprit es-tu, à quelques heures de retrouver la compétition dans la Classic de l’Ardèche ?

Ça va. J’ai hâte de reprendre. Je n’ai pas épinglé un dossard à mon maillot depuis le 14 juillet. J’en ai un peu marre de m’entraîner, ça va cinq minutes. Même si j’ai pris une semaine de plus pour peaufiner ma condition physique.

 « J’ai fait tous les efforts pour être bien. »

 Tu appréhendes un peu ton retour ?

Je suis quand même un bosseur, j’ai bien préparé mon affaire. Je ne m’aligne jamais sur une course pour m’entraîner. J’ai bien travaillé, j’ai fait de bons stages, personnellement je me suis infligé des semaines de travail dans le sud de la France avec Thibaut Pinot. J’ai fait tous les efforts pour être bien.

Cinquième du Tour du Haut-Var, Thibaut a fait une bonne rentrée même s’il disait ne pas être au top ?

Thibaut Pinot ne surprend plus personne ! Il dit qu’il n’est pas au top mais il dit toujours ça… J’ai perdu mon pari, il n’a pas fait de podium dans le Haut-Var. J’étais persuadé qu’il le ferait… Lui n’a pas connu mes galères mais on a tout fait ensemble depuis des semaines. Si ça a marché pour lui, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas pour moi.

De quoi as-tu souffert au juste depuis le mois de juillet ?

J’ai chuté le 12 juillet dans l’étape du Tour de France qui arrivait à Pau. Une chute toute bête, à cause du soigneur d’une équipe qui passait une musette remplie de bidons au milieu du peloton. Des bidons lui ont échappé, l’un d’eux s’est pris dans ma roue avant. Je suis tombé. Le lendemain, après 3 heures de course, la douleur au genou est apparue, j’avais de plus en plus de mal à pédaler. J’ai fait la fin d’étape sur une jambe, en déclipsant la pédale droite pour me soulager. Le lendemain j’ai pris le départ mais j’ai fait dix kilomètres.

Quelle était la nature de la blessure ?

Une contusion du cartilage rotulien qui a mal cicatrisé. Une membrane frottait la rotule. J’ai repris mon vélo. Doucement ça allait, en forçant ça n’allait pas. Sur les images médicales, c’était très compliqué à voir. Il a fallu insister auprès du chirurgien pour qu’il accepte l’intervention. Une fois ouvert, c’était clair et net. Le 9 octobre, j’ai été opéré sous péridurale, j’ai tout vu et j’ai bien compris le problème. C’était quand même deux mois après la chute. Je suis resté tranquille et me suis senti bien au bout d’un mois. J’ai repris mon vélo mais j’ai eu des douleurs. J’avais perdu beaucoup de masse musculaire et mon genou avait perdu l’habitude de travailler. J’ai repris réellement l’entraînement le 27 novembre. Juste à temps avant le stage de Calpe, que j’ai rejoint avec trois sorties sur route dans les jambes.

Combien de temps t’a-t-il fallu pour te sentir bien sur ton vélo ?

Il m’en a fallu pas mal. Cela se passait dans la tête, instinctivement je pédalais différemment, je recherchais les sensations que je n’avais plus. C’était compliqué. Depuis le stage de Calpe en janvier, ça va mieux. Et puis des jours, ça ne va pas même si les données physiques sont bonnes. Le cerveau doit se réadapter et c’est difficile de se refaire confiance. C’est tout un processus à remettre en place.

« Le but est d’être compétitif au maximum »

C’est la raison pour laquelle tu as décidé de reprendre plus tard ta saison ?

C’était une évidence dans le sens où le stage de décembre, je l’ai fait dans le groupe des mecs revenant de blessure. On roulait trois heures par jour, je ne me voyais pas reprendre moins d’un mois après dans l’Etoile de Bessèges. J’aime bien construire ma saison, j’ai besoin de bases solides. Le but est d’être compétitif au maximum de ce que je peux espérer. Ça a concordé avec le plan de l’équipe qui a souhaité aménager le programme du début de saison différemment.

Quel est ton objectif cette saison ?

Je ne peux pas me permettre de dire ‘’l’objectif c’est ça !’’. Pour ça, je dois évoluer à mon niveau. J’ai confiance en moi, je sais ce que je peux faire et si je n’ai pas de soucis, je vais aller chercher des résultats. Après l’Ardèche, je vais disputer le Tour de Catalogne, sans doute le Circuit de la Sarthe et les classiques ardennaises. J’aurai un mois pour être à fond dans toutes les courses dans un programme allégé. Je vais essayer de performer le plus possible.

 « J’ai connu plus de blessures que d’autres mais je reviens toujours à mon niveau »

Tu as enchaîné les galères depuis trois ans mais tu sembles toujours capable de bien gérer la situation ?

J’ai un caractère fort. Julien Pinot dit que j’ai un sac à dos rempli de pierres et préconise d’en jeter quelques-unes pour me tourner vers les autres. En fait, je suis une tête de mule, je n’accepte pas ce qui peut m’arriver. Etre blessé à la maison, ne rien faire et voir les autres courir, je n’accepte pas. J’ai connu plus de blessures que d’autres mais je reviens toujours à mon niveau. Bon, ça commence à faire beaucoup, ce n’est pas facile tout le temps. Les gens autour de moi m’aident mais ça n’a pas été une période facile, même si on se doit d’accepter. La qualité de l’être humain c’est la résilience, il y a toujours un coin du cerveau qui te pousse à aller de l’avant.

Tu as aussi l’énorme qualité de savoir prendre du recul ?

Le recul vient de mon éducation. Mon grand-père est mort d’une chute de vélo, mon père avait 15 ans. Quand tu sais qu’il y a eu ça dans ta famille, tu ne te plains pas et tu te répètes qu’il y a pire dans la vie. Ma grand-mère ne s’est jamais plainte. Cela m’a appris à grandir dans cet état d’esprit-là. Souvent, il faut aussi savoir regarder derrière soi. J’ai vécu des choses moyennes mais de belles choses aussi. Si ma carrière s’arrête, j’ai gagné de belles courses que je n’espérais pas gagner quand je suis passé pro. Bon je reprends samedi, je vois le bout mais c’est la course qui fait tout.

Tu sais aussi que tu disputeras les classiques ardennaises avec de la fraîcheur ?

Je n’y suis pas. Je suis sur l’Ardèche. J’ai été concentré sur ma rééducation, puis sur mon travail spécifique pour revenir bien. Là je le suis sur ma reprise. Le reste je n’y pense pas. En fait, on me dit que c’est un mal pour un bien d’être blessé mais je m’en fous du mal pour un bien d’être blessé et de ne pas courir ! Si c’était bien pour atteindre ses objectifs, tout le monde tomberait ! Non je n’ai pas eu de chance. C’est tout.

Comment tu sens-tu physiquement ?

Paradoxalement, en fin d’année, je n’avais pas mal quand je courais à pied, seul le vélo me faisait mal. Je n’ai plus mal du tout.

Par Gilles Le Roc’h

A lire dans cette catégorie…

Aucun commentaire