Le groupe des Classiques a, en ce dimanche de Pâques, parachevé sa campagne de la plus belle des manières. Sur l’Enfer du Nord, c’est son leader naturel Stefan Küng qui a d’ailleurs mis un point d’honneur à ponctuer son printemps en beauté. Malgré un scénario longtemps peu avantageux, le rouleur suisse a pu compter sur le soutien de ses coéquipiers avant de s’affirmer parmi les plus forts concurrents de cette édition « sèche » de Paris-Roubaix. Dans le final, seul Dylan van Baarle a pu résister en solitaire, et Stefan Küng s’est alors assuré une splendide troisième place sur le vélodrome de Roubaix, soit son meilleur résultat sur un Monument. Il établit également le meilleur résultat de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ sur l’épreuve depuis 1997, et permet de porter à neuf le nombre de Classiques WorldTour consécutives achevées dans le top-10 cette saison.

« On a fait une grosse erreur, il fallait donc assumer », Olivier Le Gac

Les éditions de Paris-Roubaix se suivent, mais ne se ressemblent pas nécessairement. À la pluie et la boue abondante de l’an passé se substituaient en effet un grand soleil et une température quasi-estivale ce dimanche matin à Compiègne. Avec un vent plutôt favorable toute la journée, les conditions étaient donc réunies pour assister à un grand spectacle. Pourtant, la journée a plutôt mal débuté en ce qui concerne l’Équipe cycliste Groupama-FDJ. Clément Davy tapait ainsi violemment le bitume après quelques kilomètres, et à la suite d’une grosse bagarre pour l’échappée, des bordures piégeaient la majeure partie du groupe après une cinquantaine de kilomètres. Seul Lewis Askey apparaissait dans le premier peloton, Stefan Küng était lui pris au piège. « Presque tous les favoris étaient derrière à ce moment-là, et je revenais personnellement d’une petite pause naturelle, expliquait le Suisse. J’ai voulu remonter le peloton, mais quand j’ai soudain regardé devant, je me suis aperçu qu’une soixantaine de mecs étaient déjà partis. Ensuite, tout le monde s’est regardé pour savoir qui allait rouler. Quand on a finalement réussi à s’organiser, il y avait déjà une minute d’écart. Dans une course difficile et longue comme Paris-Roubaix, on sait toutefois qu’il est toujours possible de renverser la situation ». Les hommes de Frédéric Guesdon se sont alors mis en ordre de marche pour défendre les intérêts du troisième de l’E3 Saxo Bank Classic. « On a fait une grosse erreur, il fallait donc assumer, ajoutait Olivier Le Gac. On était là pour faire un résultat donc il fallait rouler derrière. L’objectif était de maintenir l’écart, de sorte que ça n’augmente pas trop, en espérant que Stefan puisse faire le jump à un moment donné Tout le monde a donné le maximum, comme sur le reste des Classiques, et on peut être content de ce qu’on a fait ».

À la suite des premiers secteurs pavés, abordés aux environs du centième kilomètre, l’écart s’est progressivement réduit, mais il a encore fallu une bonne heure d’efforts intenses pour finalement raccrocher le bon wagon. « On a été à contre-temps sur toute la première partie de course, et Lewis a aussi perdu sa place à l’avant après une chute, disait Frédéric. Il y a eu un léger moment de panique, mais on sait aussi qu’il peut se passer beaucoup de choses sur Paris-Roubaix. Évidemment, la situation n’était pas idéale, mais on s’est mis en position de rectifier le tir. Il a en revanche fallu sacrifier nos coureurs pour maintenir Stefan dans le jeu. Il ne fallait pas forcément revenir le plus vite possible, mais au meilleur moment possible. Le but était de ramener Stefan et Valentin dans les billes à l’approche de la Trouée d’Arenberg. C’est ce qu’il s’est produit ». Les deux principaux pelotons se sont exactement retrouvés à 103 kilomètres du but, avant le secteur 20 d’Haveluy à Wallers. À cet instant, ils n’étaient plus que cinq à ouvrir la route, dont le vainqueur de Milan-Sanremo Matej Mohoric. Quelques minutes plus tard, dans la terrifiante Trouée d’Arenberg, le peloton s’est comme attendu disloqué et Stefan Küng a été le seul à pouvoir tenir la roue de Filippo Ganna. Un temps de répit a néanmoins été observé dans la foulée, permettant au peloton de se reconstituer. À 85 kilomètres du but, le leader de la Groupama-FDJ pouvait encore compter sur le soutien d’Olivier Le Gac, Lewis Askey et Valentin Madouas. En tête, l’échappée s’est bientôt réduite aux seuls Mohoric et Tom Devriendt alors que le peloton s’est nettement remis en marche après avoir accusé jusqu’à deux minutes de retard. Le plus gros de la sélection s’est finalement opéré sur la section d’Orchies, à une cinquantaine de kilomètres de la ligne.

« J’ai enfin pu montrer ce dont j’étais capable », Stefan Küng

Une douzaine d’hommes se sont isolés, dont Stefan Küng, qui a par la suite été l’unique coureur à emboîter le pas de Wout Van Aert et Mathieu van der Poel dans le passage de Mons-en-Pévèle. Le groupe des favoris s’est reconstitué un instant, mais les attaques ont fusé dans une partie bitumée précédant le secteur n°7. « On a essayé de faire la différence à Mons-en-Pévèle mais ça s’est ensuite un peu joué tactiquement et trois gars en ont profité pour s’en aller, racontait Stefan. Tout le monde était à la limite. Il y a eu beaucoup d’attaques à ce moment-là, j’y suis moi-même allé plusieurs fois, mais il est impossible de sauter sur tout le monde ». Yves Lampaert, Matej Mohoric et Dylan van Baarle ont ainsi pris un coup d’avance, rejoint Devriendt en tête, et réussi à prendre une demi-minute sur leurs concurrents. « Je savais qu’il fallait qu’on accélère quelque part, et j’ai vu que Wout était très fort, reprenait Stefan. On a réussi à s’échapper ensemble, puis j’ai dû boucher un écart sur lui dans le Carrefour de l’Arbre après que ma roue s’est dérobée. Physiquement je me sentais vraiment bien, et on a pu rattraper les intercalés pour tout de même jouer le podium ». Après s’être détaché de ses rivaux à vingt bornes du but, Dylan van Baarle est lui bientôt apparu inatteignable alors que Stefan Küng et Wout Van Aert ramenaient Tom Devriendt et Matej Mohoric dans le rang avant les cinq derniers kilomètres. Le rouleur suisse a tenté de se défaire de ses concurrents avant le vélodrome de Roubaix, mais c’est bel et bien dans cette enceinte mythique que se sont jouées les places sur le podium.

« On était tous au bout du rouleau, confiait encore Stefan. J’ai regardé leurs visages et je pouvais dire qu’ils étaient aussi fatigués que moi. Je me suis alors dit que j’allais tenter de loin dans le vélodrome. J’ai quand même pas mal pratiqué la piste lors de mes premières années professionnelles et dans ma jeunesse. Je suis donc arrivé de l’arrière avec de l’élan, et c’était aussi une bataille mentale. Je n’ai pas réussi à faire craquer Van Aert mais ça a suffi pour finir sur le podium ». Au terme d’un long mais ultime effort, Stefan Küng est alors parvenu à s’emparer d’une magnifique troisième place sur la Reine des Classiques, qui suffisait amplement à son bonheur dimanche. « C’était le maximum qu’il m’était possible de faire aujourd’hui, assurait-il. Dylan mérite cette victoire, il a fait une sacrée course. Il n’y avait évidemment pas grand-chose à faire face à Wout dans le sprint, alors je suis content d’accrocher le podium. Je suis quand même fier de ma course aujourd’hui, et je veux dire un grand merci à mon équipe qui m’a permis de renverser la situation. Les gars ont fait un super boulot, alors un grand bravo à eux et à toute l’équipe. Personnellement, j’ai fait une très bonne campagne de Classiques, mais monter sur le podium ici sur Paris-Roubaix, c’est quand même quelque chose de spécial. C’est un grand accomplissement. C’est une course mythique et l’une de mes favorites. J’ai aussi eu mon lot de coups durs par le passé, mais j’ai continué de dire que c’était ma course préférée, et j’ai enfin pu montrer ce dont j’étais capable. Je vais mettre ce petit pavé dans mon salon, mais quand j’y jetterai un œil, je me rappellerai qu’il y a encore son grand frère à aller chercher ».

« On avait revu les ambitions à la hausse », Frédéric Guesdon

Grâce à la performance de son double champion d’Europe du contre-la-montre sur l’édition la plus rapide de l’histoire, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ a ainsi accroché son meilleur résultat sur l’épreuve depuis un certain Frédéric Guesdon, vainqueur en 1997. Par ailleurs, l’équipe cumule désormais au moins un podium sur chaque Monument depuis 2016. « On avait débuté cette campagne « flandrienne » en disant qu’on voulait au moins un podium, mais quand on a vu la manière avec laquelle on l’a débutée, on a revu les ambitions à la hausse, concluait le directeur sportif breton. Une fois qu’on en a obtenu un, on en voulait un deuxième, et une fois qu’on en a eu deux, on en voulait un troisième. On pouvait légitimement espérer un tel résultat car le groupe marchait fort et les courses correspondaient à nos leaders, et à Stefan en particulier. Ce n’est finalement pas une surprise d’être sur le podium aujourd’hui au vu de ce qu’on a produit depuis trois semaines. En réalité, on aurait été déçus de ne pas faire un résultat aujourd’hui. Finir notre campagne sur un podium à Roubaix, c’est beau ! J’espère maintenant que ça va continuer comme ça, et j’ai bon espoir que ce soit le cas. On a un excellent leader, de très bons jeunes, on est donc en droit de rêver pour les années futures ». « Il manque certes une grande victoire dans notre belle campagne, mais si ça continue comme ça, je suis sûr qu’on y arrivera bientôt », ponctuait Stefan au moment de se projeter sur une période de repos ô combien méritée.  

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