Cette phrase italienne est tatouée dans le creux de son bras depuis plusieurs années. Elle dit l’attachement de Thibaut Pinot au cyclisme quand il se déroule dans ce pays de passion. Elle rappelle simplement les raisons pour lesquelles il fait ce sport, il s’entraîne sans relâche, admet les sacrifices. Aujourd’hui, à Asiago, le leader du Trèfle a levé les bras, a accroché la troisième place du podium avant un contre la montre décisif dimanche à Milan et donné à son équipe la récompense tant méritée.

Avant le départ, Martial Gayant avait rappelé la teneur de cette étape proposant en son milieu la longue ascension du col de Montegrappa (24 km), une descente technique et une dernière difficulté, celle de Foza, 14 kilomètres de lacets, précédant 15 kilomètres jusqu’à Asiago. Pour le directeur sportif de l’équipe FDJ, il y avait sans doute un coup à jouer, sans oublier qu’ils étaient forcément nombreux à le penser.

Comme toujours motivés, les équipiers de Thibaut ont fait la course avec Mathieu Ladagnous prenant place dans une échappée matinale avant qu’il ne rende les armes dans le Montegrappa, ne pouvant suivre les Belges Teuns (BMC) et Devenyns (Quick Step Floors) qui seraient rejoints aussi.

Dans ce col, Zakarin (Katusha-Alpecin) a demandé à ses équipiers d’imposer un train très soutenu au point que le groupe maillot rose n’allait être formé que d’une quinzaine de coureurs. Le plus souvent Thibaut était dans le sillage de Quintana et juste devant le si précieux Sébastien Reichenbach.

Après la descente, le peloton s’est reformé et tout allait donc se jouer dans cette ascension de Foza où Nibali (Bahrain-Merida) a été le premier à attaquer, mettant déjà Dumoulin (Team Sunweb) en difficulté. Zakarin et Pozzovivo (ag2r-La Mondiale) ont contré. Thibaut semblait en recherche d’un deuxième souffle et n’a pas réagi quand Quintana et Nibali ont attaqué à leur tour. Il est resté quelques instants dans le sillage de Dumoulin avant d’attaquer, de revenir seul sur ceux qui jouent avec lui le podium et de démontrer, jusqu’au sommet, qu’il est bien le plus frais.

Il fallait encore gommer l’avantage de 20 secondes pris par les deux hommes de tête, chose faite à 7 kilomètres du but. Derrière les cinq coureurs, le groupe Dumoulin fort de six hommes dont Sébastien Reichenbach, a réussi à limiter les dégâts et sur la ligne, l’écart n’était que de quinze secondes mais rien ne remplace la beauté d’une telle victoire acquise avec autorité dans le dernier kilomètre.

« Jusqu’à 3 – 4 kilomètres de l’arrivée, dit Thibaut, je pensais surtout à creuser l’écart avec les autres mais alors j’ai pensé seulement à la victoire d’étape. Gagner la dernière étape en ligne, je suis vraiment content ! C’était aussi l’objectif aujourd’hui. Quand on fait le classement général on n’a pas toujours beaucoup d’occasions de gagner et le faire dans la dernière étape en ligne, devant les meilleurs du Giro, c’est le top. Je vais profiter, savourer mais demain est très important aussi. Je vais tout donner pour ne pas avoir de regrets !  »

Franchissant la ligne d’arrivée un à un, ses équipiers étaient heureux de le féliciter, cette victoire concluant magnifiquement une très belle aventure humaine.

« C’est important de montrer que je ne me suis pas trompé en venant disputer le Giro » T.Pinot

« C’est important de montrer que je ne me suis pas trompé en venant disputer le Giro, dit le leader du Trèfle, je sais plus encore aujourd’hui que c’est une course pour moi. C’est ma première participation, je prends une victoire d’étape, je joue la victoire finale, au moins le podium. Au départ de chaque course, j’espère toujours faire le mieux possible. J’ai gagné des étapes du Tour que j’ai fini à la troisième place, j’ai fait top 10 de la Vuelta, j’ai performé sur les trois Grands Tours, ce sont les courses qui me conviennent le mieux et je sais que je vais revenir disputer le Giro. Maintenant, il y a le chrono décisif de Milan. J’espère avoir de bonnes sensations. Ce soir, il y a un long transfert, je vais avoir le massage dans le bus, c’est une première…  »

Dans leur voiture Martial Gayant et Frédéric Guesdon ont exulté, à son poste chaque membre du staff FDJ était très heureux. Il ne faut pas oublier tous ceux qui l’ont vécu avec autant de frissons devant leur télé, à commencer par Thierry Bricaud et Marc Madiot, dans leur voiture et dans la dérivation du Grand Prix de Plumelec qu’Arthur Vichot a terminé à la quatrième place.

« Demain, il va faire un chrono pour la gagne dans le Giro ! » M.Madiot

« On s’est cassé la voix, dit Marc Madiot, on a tapé sur le volant. C’est la première fois depuis 20 que l’équipe existe et que nous allons jouer la victoire finale d’un Grand Tour le dernier jour. Ce n’est pas facile mais c’est jouable. Tous les jours, j’ai envoyé un texto à Thibaut, répétant jour après jour que c’est possible. On y croit. Le destin fera le reste. Ce qu’il fait aujourd’hui c’est formidable mais le plus dur c’est quand on est très mal, Thibaut a été très mal pendant trois ou quatre jours et il s’est mis minable en réussissant à le cacher. Je l’appellerai demain, on ne va pas se disperser et je fais confiance à Martial et Fred qui ont tout anticipé. Demain, on va jouer un grand match. Il y a trois ans, à Périgueux, j’avais dit à Thibaut qu’il devait faire le chrono de sa vie pour décrocher le podium du Tour. Demain, il va faire un chrono pour la gagne dans le Giro ! Il n’est pas favori, mais c’est jouable ! »

Par Gilles Le Roc’h  

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