Jusqu’aux tous derniers hectomètres, Thibaud Gruel a ce dimanche pu croire en la victoire devant son public à l’occasion de Paris-Tours. Auteur d’une sublime course, et d’une attaque conjointe avec Paul Lapeira à plus de 35 kilomètres de l’arrivée, le jeune Tourangeau a occupé les rênes de la Classique des feuilles mortes jusqu’à la flamme rouge. Repris in-extremis par un quatuor de chasse, il a lâché ses dernières forces dans le sprint et dû se satisfaire de la cinquième place. Un excellent résultat, mais une prestation plus remarquable encore.
Le dernier baisser de drapeau sur le sol français était prévu pour ce dimanche. Comme de coutume, c’est bien à Paris-Tours que le peloton refermait le calendrier hexagonal des courses en ligne, sur un parcours désormais bien connu, mêlant chemins de vignes et côtes explosives. Ces divers obstacles, au nombre de dix-huit, étaient tous situés dans les soixante-dix derniers kilomètres d’une course qui en comptait deux-cent-onze. Pour autant, la première moitié de course pouvait aussi apporter son lot d’action. « C’est toujours bien de mettre un mec devant sur Paris-Tours car on ne sait jamais ce qu’il peut se passer dans le final, avec le vent, les crevaisons, exposait Frédéric Guesdon. Johan s’est donc exécuté en prenant l’échappée au départ. Malheureusement, ils n’étaient que cinq. Puis, au passage de Vendôme, avec le vent 3/4 dos, ça a borduré et l’écart, qui était de quatre minutes, a rapidement diminué à 1’30. On était relativement bien placés dans les bordures, mais tout est rentré dans l’ordre quinze kilomètres avant les chemins ». À l’approche du premier secteur, l’intense bagarre de placement dans le peloton a aussi réduit l’avance de l’échappée à tout juste une minute. Une sélection s’est également opérée, au gré des problèmes mécaniques et autres cassures, et Stefan Küng a perdu tout espoir de pouvoir s’exprimer après une crevaison précoce.
« Je voulais gagner ou rien », Thibaud Gruel
À la suite de plusieurs accélérations, l’échappée matinale a été revue à cinquante kilomètres de la ligne, mais l’Équipe cycliste Groupama-FDJ demeurait bien représentée dans un peloton de plus en plus maigre. Johan Jacobs, Olivier Le Gac et Cyril Barthe ont suivi quelques mouvements, mais c’est finalement dans un faux-plat à 36 bornes du but qu’un duo formé de Thibaud Gruel et Paul Lapeira a réussi à se dégager. « On avait un bon collectif, donc il ne fallait pas se faire avoir, reprenait Frédéric. On devait accompagner les coups et être dans l’allure dès les premiers chemins pour ne pas être à contre-temps. C’est ce qu’on a fait ». « J’étais bien, j’ai essayé d’y aller, Paul m’a contré et j’ai tenté de reprendre la roue, racontait Thibaud. On est sortis ensemble, on s’est bien entendus, et on était forts tous les deux ». Si Valentin Madouas a un temps essayé de faire le jump, il a toutefois dû reprendre place dans le « pack », alors quelque peu désorganisé. Le duo de tête s’est forgé un avantage de vingt secondes, a résisté aux premiers contres dans les côtes et chemins suivants, puis a repris le large et vu sa marge grimper à trente-cinq secondes à vingt bornes du but. « Souvent, l’échappée qui a un petit coup d’avance ici est très dure à aller chercher, ajoutait Frédéric. Les deux marchaient très fort et les costauds ont eu beaucoup de mal à aller les chercher ».
Dans le plus long secteur de la journée, cependant, un groupe de cinq hommes forts est parvenu à s’extirper du peloton et à se rapprocher à une quinzaine de secondes. « Val était à deux doigts d’intégrer le contre mais il a loupé un virage et c’est parti sans lui, précisait Frédéric. Le petit regret du jour est de ne pas avoir pu accompagner ce groupe de cinq, car ça aurait pu changer des choses dans le final ». En tête, Thibaud Gruel et Paul Lapeira sont parvenus à tenir leurs poursuivants à l’écart dans les deux dernières bosses, franchissant la dernière difficulté, à neuf kilomètres du terme, roue dans roue et avec dix secondes d’avance. S’en est suivi un mano à mano haletant en direction de Tours. « Dans un premier temps, on s’est entendus, on a roulé, on a été solides et ils ne rentraient pas », reprenait Thibaud. C’est ainsi que l’écart de dix secondes était encore valable à cinq, et à deux kilomètres de la ligne ! Toutefois, à quelques encablures de la flamme rouge, les deux hommes ont commencé à s’observer, et leur avantage s’est aussitôt évaporé. « Je mourrais d’envie de craquer, mais on me disait à l’oreillette de ne pas le faire, puis je me suis dit : ce n’est qu’un jeu, ce n’est qu’une course de vélo, je ne craquerai pas, débriefait Thibaud. Il m’a dit que c’était à moi d’assumer car j’étais à la maison, et moi je voulais qu’il emmène. Finalement, il n’a pas craqué non plus et on s’est fait reprendre. J’ai joué et je ne regrette pas. Je voulais gagner ou rien ».
« C’est encourageant pour les années à venir », Frédéric Guesdon
Rattrapé par un quatuor dans les derniers hectomètres, Thibaud Gruel s’est de fait retrouvé avec davantage de concurrents pour le sprint final, dont Christophe Laporte et Matteo Trentin. « J’y croyais encore, assurait-il. J’ai essayé de lancer tôt, je ne voulais pas avoir de regrets, malheureusement ça n’est pas passé ». Sur la ligne, il a ainsi hérité de la cinquième place, une timide récompense compte tenu du numéro réalisé. « Cinquième c’est un peu dur, mais je me suis amusé, et c’est le plus important, concluait Thibaud. C’était génial, j’ai trop kiffé, à la maison, et on m’encourageait tout le long du parcours ». « Les jeunes ont parfois tendance à se contenter d’être deuxième, mais on est là pour gagner des courses, donc il fallait prendre ce risque, résumait Frédéric. Les deux ont perdu mais c’est le jeu. Il faut retenir la performance de Thibaud, qui a clairement répondu présent. C’est encourageant pour les années à venir, à la fois pour Paris-Tours mais aussi pour d’autres Classiques. Il nous a manqué un petit truc pour finir en beauté, mais on a été là collectivement, et c’est bien de finir la saison de cette manière ».