Quatre ans et quelques galères plus tard, revoilà Rudy Molard en rouge ! Après l’avoir porté pendant quatre jours en 2018, le coureur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ a ce mercredi retrouvé le maillot de leader du Tour d’Espagne. Au terme d’une échappée rondement menée en compagnie de son coéquipier Jake Stewart, le puncheur de 32 ans a parfaitement manœuvré dans le final accidenté vers Bilbao pour prendre les rênes du classement général. Quatrième de cette cinquième étape, Rudy Molard possède deux secondes d’avance sur son plus proche poursuivant, mais plus de quatre minutes sur les principaux favoris avant la première arrivée au sommet jeudi. La confirmation d’un début de Vuelta extrêmement satisfaisant pour l’équipe.

« Rudy était vraiment motivé », Philippe Mauduit

« J’y pensais depuis hier. Je n’étais pas loin au classement général. J’avais dit à mes coéquipiers qu’il était possible de prendre le maillot rouge aujourd’hui ». En se présentant ce mercredi matin à Irún, lieu de départ de la cinquième étape du Tour d’Espagne, Rudy Molard avait bel et bien une idée en tête. Une idée partagée par l’équipe tout entière. « On n’avait aucune certitude, mais on savait que ça faisait partie des scénarios possibles, glissait Philippe Mauduit. On cherchait surtout à mettre Rudy ou Seb à l’avant, avec un coureur qui puisse les aider tout au long de la journée. Jake faisait partie des coureurs qui pouvaient accomplir cette mission. Il avait aussi cette petite pointe de vitesse qui, selon le scénario de la course, pouvait lui permettre de s’exprimer dans le final ». Tel était le plan théorique. Sur le terrain, cela a été bien moins évident puisque la bagarre pour cette échappée extrêmement prisée a quasiment duré deux heures. « À un moment donné, j’ai arrêté de regarder combien de kilomètres on avait parcouru, lâchait même Philippe. La dernière fois que j’ai jeté un coup d’œil, on en avait fait soixante-dix et ce n’était toujours pas sorti. Il fallait vraiment en vouloir pour aller devant, et Rudy était vraiment motivé car il savait que si ça partait, et que si Jumbo laissait filer, il avait de bonnes chances d’aller chercher ce maillot ». La décision s’est finalement faite peu avant la première montée de la journée, à l’approche de la mi-course. À l’avant, Rudy Molard s’est alors retrouvé avec seize hommes, dont son coéquipier Jake Stewart. « J’étais vraiment motivé pour la prendre avec Rudy ou Seb car on savait qu’on avait une bonne opportunité de prendre le maillot rouge, commentait le Britannique. Une fois devant, le plan était de rouler à 100% pour Rudy ».

Si l’écart a d’abord été stabilisé à environ trois minutes, il a ensuite franchi la barre des cinq minutes à soixante kilomètres du terme, alors que les échappés s’en allaient chercher la première des deux ascensions du décisif Alto del Vivero (4,6 km à 7,9%). « Il fallait courir pour essayer de gagner et ne pas oublier qu’il y avait aussi la possibilité d’aller chercher le maillot, indiquait Philippe quant à l’approche adoptée par ses coureurs. Après avoir vu la composition de l’échappée et le classement, on savait que 3-4 coureurs pouvaient ambitionner d’avoir le maillot rouge, et Rudy était le mieux placé de tous. On savait aussi que plus on s’approchait du final, plus il fallait marquer Fred Wright, qui avait lui aussi très envie de porter ce maillot ». Dans l’avant-dernière difficulté du jour, il a déjà fallu freiner les ardeurs de certains fuyards, et l’échappée s’est finalement reconstituée avant le premier passage sur la ligne à Bilbao. Encore présent, Jake Stewart a essayé de remettre de l’ordre à l’avant, puis a lui-même semé le désordre pour favoriser son coéquipier. « À environ vingt kilomètres de l’arrivée, avant la dernière ascension, je suis parti tout seul et cela a permis à Rudy de simplement suivre en contre, expliquait le Britannique. Je voulais prendre un coup d’avance pour essayer de passer la bosse dans le premier groupe »« Jake était super fort aujourd’hui, saluait Rudy. Il a roulé pour moi, et quand c’est devenu confus sur la fin avec ces nombreuses attaques, il a tenté sa chance. Il était vraiment costaud ». Le puncheur-sprinteur anglais s’est ainsi forgé une avance de quarante secondes au pied de la dernière montée du jour, et a longtemps tenu en respect ses poursuivants. Néanmoins, Marc Soler a produit une vive accélération à un peu plus de deux kilomètres du sommet, et l’a alors récupéré une borne plus loin.

« C’est un grand jour pour moi », Rudy Molard

Rudy Molard n’a pas répondu à cette attaque, se focalisant entièrement sur son adversaire au maillot rouge. « Du pied de la montée finale à l’arrivée, Rudy n’a pas lâché Wright, mais c’était le seul moyen pour lui d’être sûr de porter le maillot ce soir, expliquait Philippe. On savait que Wright était plus rapide que Rudy au sprint, mais Rudy est meilleur grimpeur donc il lui fallait absolument aller chercher des secondes au sommet de la bosse. Il fallait prendre tout ce qu’on pouvait ». Lors du sprint bonifications situé en haut de la dernière difficulté, le coureur de la Groupama-FDJ a accroché la deuxième place, et donc engrangé deux secondes, portant à six secondes son avance sur l’homme de la Bahrain-Victorious. Restait alors un final en descente à négocier avant deux derniers kilomètres plats. Après avoir serré les dents dans l’ascension, Jake Stewart est lui parvenu à revenir sur le groupe Molard. « Je suis rentré dans la descente, mais j’ai ensuite crampé des deux jambes dans un petit talus à six kilomètres de l’arrivée, ajoutait le Britannique. À partir de là, c’était terminé pour moi ». Pour son coéquipier, rien n’était en revanche fait. « Je devais suivre Wright, mais je savais qu’il était aussi fort au sprint donc j’étais dans le doute pour le final, reprenait Rudy. Quand Arndt et Impey sont revenus de l’arrière, c’était mieux pour moi, mais j’étais quand même stressé jusqu’au bout. Avoir Soler devant, c’était aussi une bonne chose de mon point de vue, et j’espérais aussi que Jake revienne pour le sprint car il va très vite Il aurait même pu gagner ».

Au bout du compte, Soler a conservé quelques secondes d’avance dans les derniers kilomètres, et Rudy Molard a parfaitement muselé Fred Wright, provoquant ainsi l’enterrement du groupe de poursuite. Au sprint, le Britannique a finalement été devancé par Daryl Impey pour la deuxième place, ne prenant donc que quatre secondes de bonifications. Suffisant donc à Rudy Molard, quatrième, pour retrouver le paletot rouge de leader, quatre ans plus tard ! « Je l’ai refait, c’est un grand jour pour moi, s’enthousiasmait à raison le Rhodanien. C’est incroyable, ça représente beaucoup ». Une euphorie qu’il était nécessaire de resituer dans son contexte. « Ça avait été très dur de quitter la course l’année dernière, rappelait Rudy. Je souffrais d’un pneumothorax, c’était assez sévère. J’ai passé presqu’une semaine à l’hôpital, j’ai dû observer neuf semaines sans sport. C’était vraiment long. J’avais vraiment des doutes quant à mon retour au meilleur niveau, j’ai vraiment galéré cet hiver mais je me suis remobilisé et j’y ai toujours cru. J’ai malheureusement chopé un Covid sévère fin janvier et j’ai eu beaucoup de mal à récupérer. Je n’ai repris la saison que fin mars, et là, je suis leader d’un Grand Tour… Il faut toujours y croire ! » « Pour Rudy, c’est vraiment la sortie du tunnel, confirmait Philippe. C’est une juste récompense de tout son investissement pour préparer cette Vuelta ». Récent douzième de la Clasica San Sebastian et troisième du Tour de l’Ain, l’intéressé avait envoyé de vrais signaux positifs. « Je me savais en bonne condition et j’avais bien préparé cette Vuelta, mais je n’avais pas pensé à prendre le maillot de leader, ajoutait encore Rudy. C’est une bonne surprise. J’étais vraiment venu pour jouer les étapes, mais l’occasion s’est présentée, on l’a saisie et c’est génial pour l’équipe ».

« On va savourer cette journée tous ensemble », Philippe Mauduit

Grâce à la quatrième place du jour, la Groupama-FDJ totalise aussi désormais cinq top-10 en cinq étapes sur cette Vuelta 2022. « On a le rouge, on est premier par équipes, on ne pouvait pas mieux commencer », ajoutait le nouveau leader de l’épreuve. « C’est important de garder cette dynamique, mais il va falloir qu’on arrive à gagner, souriait Philippe. Ça reste l’objectif. Ceci dit, prendre le maillot de leader sur un Grand Tour, ce n’est quand même pas rien. Peu de coureurs peuvent vivre ça, alors quand tu peux le porter une journée ou plus, c’est quelque chose de marquant dans la carrière d’un coureur, surtout s’il est équipier une bonne partie de l’année. Jake a aussi réalisé une grande performance. Il ne lui manque pas grand-chose pour pouvoir basculer et rêver d’une victoire sur la Vuelta. Pour un néophyte, ce n’est pas rien. Avant ça, il a aussi fait sa part de boulot dans l’échappée en s’étant mis au service de Rudy ». « Nous avions un plan et nous l’avons bien exécuté, affirmait le Britannique. Je suis super heureux pour Rudy. C’était une très belle journée devant et je suis très content d’avoir pu faire cela sur mon premier Grand Tour. C’est une bonne expérience et je vais en tirer beaucoup d’enseignements ». Il va aussi, dès ce jeudi, défendre un maillot de leader sur un Grand Tour. Rudy Molard va ainsi aborder la première étape de montagne avec deux secondes d’avance sur Wright et environ quatre minutes sur Primoz Roglic, premier favori. « On va essayer de le conserver au maximum, promet le maillot rouge. Face aux purs grimpeurs je ne me fais pas d’illusions, mais on va se battre »« Demain, il y aura un match pour l’étape et un autre match pour le maillot rouge, concluait Philippe. Si les cadors se font la guerre, tout peut être bouleversé. En tout cas, on va profiter de cette belle journée. On va la savourer tous ensemble et le but sera de faire la meilleure journée possible pour l’équipe. On est aussi venus là pour essayer de gagner des étapes. Il y a une opportunité demain, et si on peut la saisir, on essaiera de le faire ».

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