Après avoir défendu les couleurs de la structure Groupama-FDJ en tant que coureurs, ils sont nombreux à désormais officier dans l’organisation à divers postes. La reconversion au sein de l’équipe peut sembler naturelle, mais elle n’est pas pour autant anodine. Nous sommes allés à la rencontre de plusieurs de ces « reconvertis ». Aujourd’hui, place à Cédric Pineau, désormais chargé de mission hospitalité.

Cédric, quelle a été ton approche vis-à-vis de la reconversion ?

Durant ma carrière, je ne me suis jamais projeté sur l’après, je suis toujours resté concentré sur l’instant t, sur ce que j’avais à faire en tant que coureur cycliste au quotidien. C’est avec le temps, et quand on commence à avoir des soucis de santé comme ça a été mon cas, qu’on se pose des questions. On se demande alors dans quelle branche on pourrait se diriger, si ce qu’on a appris à l’école nous plait encore. Quand j’ai commencé à sentir la fin, avec mes problèmes à l’artère iliaque, j’arrivais en fin de contrat et j’avais 32 ans. J’ai vite fait le point : que pouvais-je faire de plus ? J’ai donné tout ce que mon corps était capable de donner, j’ai fait le maximum. J’aurais voulu continuer, mais ça s’est précipité plus tôt que je ne l’aurais pensé.

« Je ne me voyais pas faire autre chose que de rester dans ce milieu »

Continuer dans le monde du vélo, ça a toujours été l’objectif ?

J’ai été élevé dans le vélo. De par mon père, j’avais les gênes pour aimer ce sport et pour essayer d’en faire mon métier, même après ma carrière de coureur cycliste. Quand la fin approche, tu procèdes à une introspection, afin de savoir ce que tu es capable de faire, ce qui te plait et où tu te sentirais à l’aise. Les coureurs cyclistes français ont aussi la chance de bénéficier d’un super suivi avec l’UNCP. Il faut s’en servir, ils donnent de bons outils pour la reconversion. J’ai eu la chance de faire un bilan de compétences avec eux pendant cinq-six semaines. Il en est ressorti que j’aimais tellement mon sport que je ne me voyais pas faire autre chose que de rester dans ce milieu. Je n’étais pas surpris de ce diagnostic.

Ta carrière de coureur t’a-t-elle apporté des compétences, voire des idées, pour l’après ?

Avant tout, je pense que quand tu es sportif de haut-niveau, peu importe le domaine, ça t’apprend à ne rien lâcher. Ça te construit un mental un peu au-dessus de la moyenne. Il faut savoir aller au bout des choses et toujours y croire. C’est ce qui fait aussi la différence entre le haut-niveau et le très haut-niveau. Ça m’a appris à toujours travailler. De toute façon, on n’a jamais rien sans le travail. Puis, au fil d’une carrière, on fait aussi des rencontres, on voit comment le vélo évolue. L’année de mon arrêt a aussi marqué le retour dans l’équipe de Fabrice Vanoli. Il commençait à mettre en place ce qu’on fait actuellement et je trouvais déjà tout cela intéressant en tant que coureur. Quand Fabrice me demandait si je voulais discuter avec les gens, ça ne me dérangeait pas. Au contraire. Il faut se mettre à leur place. C’est pour eux un honneur et un privilège d’être parmi nous. On ne s’en rend pas spécialement compte quand on est coureur, et je m’en suis moi-même surtout rendu compte ensuite. En tout cas, j’aimais bien donner de ce que j’ai vécu et partager mon expérience. À la base, je suis quelqu’un d’assez timide. Je ne suis pas le premier à prendre la parole dans une assemblée, celui qui va faire des discours devant tout le monde. Mais tu apprends à l’être et à le faire.  

« Il faut prendre le train en marche »

Concrètement, comment s’est amorcée ta reconversion ?

Ça a été très vite au final. J’ai arrêté ma saison 2017 en juin-juillet, et je me suis donné jusqu’à fin août pour savoir ce que je voulais faire. J’ai réfléchi aux pours et aux contres. J’étais en fin de contrat, il n’était pas dit que l’équipe allait me reconduire. Il y avait pas mal de doutes, d’autant que j’aurais dû repasser par la case opération. Je savais que ce ne serait pas simple, mais dès le mois d’août/septembre, Marc m’a dit qu’un gros co-sponsor allait arriver. J’ai eu la chance d’avoir une porte qui s’ouvre et que Marc continue de me faire confiance. Groupama était en train de négocier son partenariat et Marc m’avait dit « des opportunités vont se présenter, ne t’inquiètes pas, on ne te laisse pas tomber, et sache qu’on a un partenaire qui investit beaucoup dans les relations publiques ». J’ai arrêté tout en espérant rester dans l’équipe car je ne me voyais pas, et je ne me vois toujours pas faire quelque chose qui n’a pas de rapport avec le vélo. Puis, Fabrice m’en a parlé un peu plus tard et ça s’est tranquillement mis en place. Je ne savais pas dans quoi je m’embarquais. C’était une découverte, mais comme je le dis souvent, il faut prendre le train en marche car il ne passe qu’une fois. Et puis il faut essayer. De toute façon, rien ne t’empêche de dire stop au bout d’un certain temps. Je n’étais pas lié, je n’avais pas un CDD d’entrée. Je devais surtout voir si ça me plaisait.  

À quoi ont ressemblé tes premiers mois ?

Ça a débuté dès décembre 2017. Officiellement, j’étais encore coureur cycliste. Nous avons accueilli du monde pour un stage « à la manière d’un pro » où les gens sont en immersion avec l’équipe, sont massés par un membre staff, où un mécano est mis à leur disposition et lors duquel un accompagnateur roule avec eux. C’était ma première prestation en étant non-coureur. J’ai retrouvé tous mes anciens collègues et je me suis fait un peu chambrer. J’étais à la table du staff alors que, deux mois auparavant, j’étais à la table des coureurs à côté. Mais c’était sympa. Par la suite, on a eu des invités sur les premières courses, avec le Grand Prix de la Marseillaise, l’Étoile de Bessèges. J’étais beaucoup auprès de Fabrice au début, car il y a une grande différence entre être coureur cycliste et accompagner des gens, être aux petits soins pour les invités. Tu passes d’être chouchouté par les membres du staff à chouchouter tes invités pour qu’ils ne manquent de rien et pour répondre à leurs attentes. Mais au final, c’est le rôle que j’avais plus ou moins en tant que coureur, car je chouchoutais mes leaders, j’essayais de leur apporter le plus possible. Pour moi, c’est un bon parallèle. M’occuper des autres, je sais faire. En 2018, ça se mettait gentiment en place, mais c’est en 2019 qu’on a commencé à recevoir beaucoup de monde.

« Le but est de faire découvrir l’envers du décor »

Peux-tu nous décrire ton rôle aujourd’hui ?

L’intitulé officiel de mon poste est « chargé de mission hospitalité ». C’est la personne qui va accueillir les personnes le matin ou la veille de la course, selon la prestation choisie, à l’hôtel ou à la gare. Nous sommes les premiers contacts qu’ils ont avec l’équipe donc c’est important de les mettre en confiance, de les rassurer, puis de leur expliquer le déroulé de la journée ou du weekend. La journée classique débute avec le petit café de bienvenue. Nous présentons ensuite les membres du staff lorsqu’on les croise. Ces derniers sont bien sûr informés en amont et sont désormais rodés, tout comme les coureurs évidemment. Le but, pour nous, est de faire découvrir aux invités l’envers du décor et le fonctionnement d’une équipe, en passant par le mécanicien, les assistants, en faisant voir tous les véhicules : le bus, le camion, voire le camion cuisine s’il est présent. On montre tout cela en amont de la course, puis on se rend sur le parcours avec notre van en avant-course, ou en faisant des « coupes ». Il y a ensuite une petite pause pique-nique, préparé par nos soins ou par le staff. On essaye de voir un maximum les coureurs en course puis on se rend à l’arrivée et on ramène les invités à leur point de chute. Les journées passent très vite et sont bien rythmées. On conduit beaucoup, on échange beaucoup. Les gens sont généralement agréablement surpris de la vie d’une équipe, car nous n’accueillons pas que des connaisseurs. D’ailleurs, même les connaisseurs sont parfois surpris. Sur les stages, c’est une autre immersion, une autre expérience, car les invités viennent effectuer des stages à la manière d’un pro.

En résumé, tu es comme un guide ?

C’est le but. On doit être leur guide, leur apporter un maximum d’informations. D’ailleurs, je les préviens : « je vais peut-être parler beaucoup, vous donner beaucoup d’informations, peut-être trop, alors n’hésitez pas à m’arrêter ». Mais pour moi, l’objectif est que les gens repartent de la journée en ayant emmagasiné plein d’expériences, d’informations, pour eux-mêmes, ou pour le raconter ensuite. Le but est qu’ils passent une agréable journée en notre compagnie, qu’ils découvrent le vélo s’ils ne le connaissent pas. On doit parfois leur apprendre le B-A-BA. D’autres sont connaisseurs et on essaie donc d’être plus techniques. Il faut s’adapter aux invités qu’on a en face.

« Comme en tant que coureur, on peut toujours faire mieux »

Quelle est l’importance de cette branche de l’équipe ?

Avant toute chose, le point de départ, c’est Marc Madiot. S’il n’était pas d’accord pour ouvrir les portes de son équipe, on ne ferait pas tout ça. C’est lui qui insiste, et il a le même mot pour chaque invité qu’il croise : « c’est votre équipe ». C’est intéressant pour nous, car les gens sont tout de suite à l’aise. Quand on a des invités Groupama, FDJ ou d’autres partenaires, ou éventuels futurs partenaires, c’est important de leur montrer comment on fonctionne. Chaque invité a un rôle à jouer dans les appréciations qu’il va donner ou faire remonter. Notre but est vraiment d’ouvrir l’équipe. On n’a rien à cacher et on a la chance que Marc veuille bien ouvrir les portes.

Quel plaisir trouves-tu dans ton rôle actuel ?

Ce qui me plait avant tout, c’est évidemment d’être dans cette ambiance du vélo, On fait ça car on aime le sport cycliste et car on veut faire découvrir ce monde, qui est quand même particulier, à des gens plus ou moins connaisseurs. C’est ce qui m’anime. J’aime aussi être en déplacement, et ça ressemble d’ailleurs à ma vie de coureur : voyager, rencontrer du monde. Pour l’instant, ça me plait. Je ne dis pas que ce sera nécessairement le cas dans dix ans, mais pour le moment, je reste passionné par cette ambiance.

As-tu aujourd’hui trouvé un fonctionnement optimal dans ton rôle ?

Je le crois, mais je tiens à préciser qu’on forme vraiment un binôme avec Fabrice, sans qui je ne serais pas là. C’est lui qui m’a fait comprendre que je ne serais peut-être pas mauvais dans ce rôle et qu’il fallait essayer. On se joint presque tous les jours au téléphone pour échanger. C’est un travail d’équipe. Lui est plus orienté sur la préparation et la mise en place tandis que je suis plus sur le terrain, mais on échange énormément. Fabrice a plus de trente ans de métier. J’écoute beaucoup ce qu’il me dit et il me conseille. Je sais que j’ai encore besoin de m’améliorer sur certaines choses. Comme en tant que coureur, on peut toujours faire mieux. On peut toujours plus apporter aux gens. Même si je pense que c’est déjà super, et qu’on est généralement très contents de nos journées, on peut toujours mieux faire. C’est ce qui me fait avancer.

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