Alors que les coureurs du Tour d’Espagne observent ce lundi une journée de repos bienvenue, Lorenzo Germani a accepté de se confier sur les neuf premiers jours de course, riches en événements pour l’Équipe cycliste Groupama-FDJ. Le jeune Italien de 21 ans se remémore la parenthèse rouge de Lenny Martinez avec des étoiles dans les yeux, dresse un premier bilan de sa découverte d’un Grand Tour, et assure que ses coéquipiers et lui-même ont encore beaucoup d’ambition.

Lorenzo, content d’être en repos aujourd’hui ?

Je pense que j’en avais besoin, mais plus mentalement que physiquement. Sur les premières étapes, je n’avais pas de bonnes sensations, j’avais les jambes un peu dures. Au soir de l’étape d’Andorre, j’étais vraiment mort, mais depuis, c’est allé de mieux en mieux physiquement. Ces derniers 2-3 jours, les sensations devenaient meilleures. La journée de repos arrive malgré tout au bon moment. Ça fait du bien à la tête, ça permet de se relâcher, de redescendre un peu, surtout après 2-3 jours stressants et difficiles.

« C’est quand même fou »

As-tu ressenti une différence entre ces neuf jours de course et les courses par étapes que tu as disputées dans le passé ?

C’est la première fois que j’arrive à neuf jours. Avant, mon maximum était sept. Je pense qu’il y a une mécanique un peu différente dans le peloton sur un Grand Tour. Sur les étapes de plaine, c’est plus tranquille car tout le monde pense aux trois semaines. Tu es concentré sur ton étape, mais dans un coin de la tête, tu penses aux trois semaines. Tout le monde garde une petite réserve, sauf si tu joues l’étape évidemment. Mais dans le gruppetto, tu penses aux trois semaines. Arrivé à l’hôtel, tu penses aux trois semaines. C’est vraiment important.

Parlons de ce début de Vuelta. Imaginiez-vous, vous-mêmes, un si bon départ ?

Je pense que personne ne s’attendait à ça, mais on est partis en se mettant dans la tête, dès la première étape, qu’on ne devait pas se mettre de limites et se poser de questions. Dès le chrono, on voulait jouer avec les meilleurs. On a fait ce qu’on a toujours fait et on a bien bossé ensemble. Puis, notre leader a su prendre ses responsabilités et faire une étape incroyable quand il a pris l’échappée. Sur les six premières étapes, on n’a pas quitté le top-10, on en a presque gagné une avec Lenny. On a d’abord porté le maillot blanc par procuration, puis le maillot rouge, et pas par procuration (rires). C’est quand même fou qu’une équipe aussi jeune mène le peloton avec le maillot rouge. Personnellement, j’étais vraiment ému, j’ai eu des frissons, car ça n’arrive pas tous les jours. On a malheureusement perdu le maillot rouge, mais on a encore le blanc, et c’est quand même pas mal. Je suis très content, et très fier de l’équipe. C’est quand même fou quand on pense que l’année dernière, on jouait la gagne sur la Ronde de l’Isard, le Tour du Val d’Aoste, le Baby Giro, et que cette année, on est sur la Vuelta, on a été leaders et on est maintenant troisième du général.

« On a gagné le respect du peloton »

Comment as-tu vécu cette fameuse journée où Lenny a pris le maillot ?

Le matin, on rigolait dans le bus, et je lui disais : « si tu prends le maillot, je m’en fous (sic), je roule tous les jours jusqu’à Madrid, et même dans les fictifs ! ». Et il a pris le maillot. Ce jour-là, on a vraiment fait un beau travail d’équipe. Il est tombé, Romain et Sam ont fait un super boulot pour le remonter jusqu’à la queue du peloton, puis j’ai fait l’effort pour le remonter de la queue à la tête du peloton, et ce n’était pas facile car l’échappée était en train de partir. Une fois qu’il est arrivé devant, il a pris l’échappée, puis Michael et Rudy ont fait du super travail. On a suivi le dénouement à l’oreillette, c’était fou.

Avez-vous profité, par procuration, de ce maillot rouge de Lenny ?

En quelque sorte, car on a gagné le respect du peloton. Beaucoup de mecs nous ont félicités, que ce soit à la voiture des directeurs sportifs ou en personne dans le peloton. La Jumbo-Visma est aussi venue nous congratuler. C’était vraiment un honneur.

L’ambiance « Conti » a-t-elle prise au sein de l’équipe WorldTour sur cette Vuelta ?

C’est forcément différent d’autres fois, car on est six anciens de la Conti dont quatre de l’année dernière. Il y a une très bonne ambiance, on se connaît très bien, et on peut dire qu’on a grandi ensemble. Avec le staff, tout se passe vraiment bien. J’avais aussi dit dès le début que pour créer un bon groupe, il fallait des jeunes qui voulaient apprendre et des anciens qui voulaient partager. C’est complètement le cas. On s’est retrouvés avec Rudy en capitaine de route, qui est un mec très gentil et avec beaucoup d’expérience. Je pense qu’il pourra nous apporter un vrai truc en plus en deuxième et troisième semaines, quand ça devient dur, dans les étapes de montagne et avec la fatigue. Son aide et son expérience pourront faire la différence. On est très attentifs à ce qu’il nous dit, et lui a la volonté de nous aider.

« On apprend à travailler en équipe autour d’un leader »

As-tu noté une différence avec les autres épreuves WorldTour que tu as déjà courues ?

La principale différence, c’est que tout le monde pense aux trois semaines, comme je l’ai déjà dit. Le niveau est évidemment très élevé, mais par rapport au Tour de Catalogne, par exemple, c’est sensiblement pareil. Hier et avant-hier, c’est vrai qu’on a eu des départs extrêmement rapides. Ça frottait déjà dans le fictif, les départs étaient assez fous et on a dû laisser des cartouches dès le début rien que pour s’accrocher. C’est vrai qu’on n’a pas souvent ça, mais je pense que ça dépend plus de la physionomie de l’étape que de la catégorie de la course en elle-même.

On dit souvent que la Vuelta est le Grand Tour le moins tendu, or celui-ci semble très animé.

Il y a souvent eu des problèmes un peu particuliers, avec la pluie, la neutralisation, une ligne improvisée, le vent, puis quelques étapes folles. On a eu deux étapes plus tranquilles, mais quand même tendues dans le final. Je ne peux pas comparer par rapport aux autres Grands Tours, mais oui, je pense que c’était une première semaine assez musclée.

Est-il plus simple pour vous de faire votre place dans le peloton aujourd’hui ?

Ça l’est forcément quand tu as un maillot de leader et que tu es troisième du général, mais il n’empêche que le respect, il faut le gagner. Hier, Jumbo-Visma roulait en tête, UAE était derrière, mais Movistar frottait pour prendre la troisième rangée dans le peloton. Le respect se gagne aussi en course. Ce n’est pas parce que tu es troisième du général qu’on va te laisser passer. On essaie donc de rester toujours groupé, car c’est plus facile de se faire une place de cette manière. On apprend à rester avec Lenny, et lui apprend à rester avec nous. On apprend à travailler en équipe autour d’un leader, et ce n’est pas si évident, mais je crois qu’on y arrive plutôt bien.  

« On veut jouer jusqu’au bout »

Personnellement, es-tu content de ton début de Vuelta ?

Je suis satisfait, mais encore plus des deux derniers jours car j’ai vu que je progressais. Hier, j’étais notamment dans la première bordure avec tous les leaders. Ce n’était pas facile et j’étais content d’un point de vue personnel, mais c’était dommage que j’y sois et que Lenny non, car ça ne servait pas à grand-chose. Après l’étape, j’ai appris qu’on m’avait demandé de me relever à l’oreillette, mais avec la distance, ça ne marchait pas et je n’ai pas entendu. Heureusement, ils sont rentrés.

La Vuelta de la Groupama-FDJ est-elle déjà réussie ?

La première partie de Vuelta est clairement réussie car personne ne s’attendait à ça, à autant de top-10, au maillot rouge, au maillot blanc. Au bout de neuf étapes, la Vuelta est une réussite et c’est aussi grâce aux directeurs sportifs qui nous ont fait confiance.

Le reste sera du bonus ?


Ce ne sera pas du bonus, car on a encore faim. On veut aller chercher une étape, un top-10 au général. Une fois dans la partie, on veut jouer jusqu’au bout. Même si on a fait une bonne première semaine, on veut continuer comme ça. [Il se reprend] Non. On veut continuer comme ça surtout parce qu’on a fait une bonne première semaine. On est jeunes, mais on a de l’appétit. Personnellement, j’aimerais arriver  à Madrid et aussi prendre une échappée, mais je reste attentif aux consignes de l’équipe. Même si je ne joue pas pour moi, j’espère être dans une échappée pour aider Michael ou Rudy à aller chercher la gagne.

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