Il lui aura fallu tout juste cinq étapes dans son premier Grand Tour pour toucher la victoire du bout des doigts. Ce mercredi, Enzo Paleni a joué la gagne lors de la cinquième étape du Giro, au terme d’une superbe échappée en direction de Lucques. Sorti à soixante-dix bornes du but, le jeune coureur de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ est parvenu, au prix d’une résistance admirable, à déjouer les plans du peloton en compagnie de ses trois compères de fuite. Il a néanmoins été piégé dans le dernier kilomètre et s’est dès lors octroyé la quatrième place du jour, soit son premier top-5 dans un Grand Tour. Surtout, il a affiché de belles dispositions en vue des prochaines semaines.

De Gênes à Lucques, la cinquième étape du Tour d’Italie devait, ce mercredi, conclure un triptyque pour sprinteurs. C’était du moins, sur le papier, l’hypothèse la plus probable, malgré une belle ascension après cinquante bornes et une montée roulante à vingt kilomètres de la ligne. « Le sprint n’est jamais garanti à 100%, confiait Frédéric Guesdon, mais il est vrai qu’au départ, il y avait 95% de probabilités pour que ça arrive groupé ». L’Équipe cycliste Groupama-FDJ avait quoi qu’il en soit décidé de jouer l’offensive, et Lewis Askey s’est extrait en compagnie de Mattia Bais (Polti-Kometa), Simon Geschke (Cofidis) et Manuele Tarozzi (VF Group-Bardiani CSF-Faizenè) dès les premiers kilomètres. L’avance du Britannique et du reste de l’échappée est toutefois restée bloquée à 1’30, en raison d’un peloton déjà prompt à mener la chasse. Le quatuor a donc temporisé, mais le paquet a continué d’insister dans le Passo del Bracco, après quasiment 50 kilomètres. « Il y a eu un départ de course assez costaud, car Alpecin-Deceuninck a souhaité durcir pour fatiguer les sprinteurs », expliquait Frédéric Guesdon. Une entreprise qui n’aura pas réellement porté ses fruits puisque seul Fabio Jakobsen s’est vu réellement décramponner dans les quinze kilomètres d’ascension. Au sommet, Lewis Askey et ses comparses ne disposaient quant à eux plus que de quinze secondes d’avance, et la jonction s’est irrémédiablement opérée dans la descente.

« On avait confiance en Enzo », Frédéric Guesdon

De retour sur la plaine, à cent bornes du but, le peloton s’est donc complètement reformé avant qu’une nouvelle course ne puisse démarrer. Après le sprint intermédiaire, une offensive à quatre s’est initiée avec Benjamin Thomas (Cofidis), Michael Valgren (EF Education-EasyPost), Andrea Pietrobon (Polti-Kometa) et … Enzo Paleni ! « Quand on est arrivés dans la vallée, plus personne ne roulait, expliquait le jeune Français. Avec 2-3 gars, on s’est organisés pour ressortir après le sprint, au niveau du ravitaillement. On y est allés et on s’est dit : il reste 70 kilomètres vent dans le dos, ça peut le faire ! » « Quand on a vu la composition du groupe, on a su que c’était du costaud, poursuivait Frédéric. On s’est dit qu’on n’avait rien à perdre, qu’il fallait jouer devant, et obliger les autres à rouler pendant que Laurence était derrière en attente. C’était quasiment le plan parfait. On avait confiance en Enzo, car il avait montré sur la première étape qu’il marchait bien. Quand il s’est retrouvé devant, on lui a dit : vas-y fonce ». Le peloton n’a toutefois pas voulu jouer avec le quatuor, qui n’a jamais compté plus d’une minute trente. Mais à l’entrée dans la dernière heure de course, lorsque la poursuite s’est faite plus intense, les secondes ont eu beaucoup de mal à s’égrener pour les équipes de sprinteurs. Grâce à une collaboration optimale, l’échappée a ainsi pu aborder la côte de Montemagno (3km à 4%), à 23 bornes du but, avec une minute d’avance. En plongeant vers Lucques, leur avantage n’était que légèrement réduit sous la minute. « On a bien géré jusqu’à la bosse, puis à partir de là, c’était à bloc jusqu’à l’arrivée, confiait Enzo. Au sommet de la bosse, j’étais bien entamé, donc le final a été très dur, mais quand on joue la gagne, on arrive à se transcender ».« On l’encourageait, on lui disait que c’était jouable, commentait Frédéric. On voyait bien que ça butait derrière, et que ça n’allait pas rentrer ». À dix kilomètres, le quatuor conservait 45 secondes d’avance, et leur avantage était pratiquement inchangé cinq kilomètres plus loin. À deux bornes du but, dans les rues de Lucques, le peloton pointait encore à environ une demi-minute. « Il ne fallait pas qu’on se regarde, car si on se regardait, c’était perdu, ajoutait Enzo. Même si j’étais à bloc, je continuais de tout donner ». L’entente a duré jusqu’à la flamme rouge, moment où l’Italien Andrea Pietrobon a voulu tromper ses compagnons pour filer vers la victoire. « Tout se passe en une fraction de seconde, reprenait Enzo. Il n’avait pas roulé pendant vingt kilomètres et il attaque dans le final… J’étais dans la roue de Valgren, qui n’y est pas allé. J’étais un peu bloqué. Il y a eu un moment de flottement, puis j’ai relancé, sans me mettre à bloc pour ne pas me faire avoir. Mais quand ils ont lancé le sprint, je n’avais plus rien sous la pédale ».

« Entre satisfaction et déception », Enzo Paleni

Grâce à sa réaction, Michael Valgren et Benjamin Thomas ont toutefois pu reprendre le coureur de tête, l’ancien de la maison Groupama-FDJ s’est imposé, tandis qu’Enzo Paleni a dû se contenter de la quatrième place, huit secondes devant la meute des sprinteurs. « Tactiquement, il n’a pas été le meilleur des quatre, mais c’est facile à dire après-coup, expliquait Frédéric. C’est son premier Grand Tour, et avec le peloton derrière, il ne pouvait pas trop jouer. S’il ne réagit pas, je pense que les trois se regardent et se font reprendre par le peloton. Quoi qu’il en soit, faire quatrième d’une étape destinée aux sprinteurs avec un jeune comme Enzo, c’est très bien ». « C’est un sentiment entre satisfaction et déception, confiait l’ancien de « La Conti ». « Jouer la victoire sur un Grand Tour, ça n’arrive pas tous les jours et c’est malheureusement une opportunité manquée, mais je suis quand même satisfait de ce qu’on a réussi à faire. Déjouer un sprint quand il est attendu, c’est beau. Et puis, j’ai tout donné, je ne peux pas avoir de regrets. C’est de l’expérience engrangée. Je ne me ferai pas avoir deux fois. Ça va me mettre en confiance et c’est motivant pour la suite. Le Giro était un gros objectif pour moi. Le but était d’aider Laurence mais aussi de me créer des opportunités et jouer la gagne sur des étapes. Je ne pensais pas pouvoir le faire aussi tôt, surtout sur une étape de sprint, mais ça s’est fait comme ça aujourd’hui. Il manque la victoire mais c’est un bon début ».

L’Équipe cycliste Groupama-FDJ a ainsi signé son premier résultat notable depuis le départ du Turin, et Laurence Pithie a de nouveau pris place dans le top-20, en 16e position, bien que gêné au niveau du genou. « C’était une très bonne journée pour l’équipe, affirmait d’abord le Néo-Zélandais. On a été offensifs, comme on l’avait décidé. C’était une bonne chose d’avoir quelqu’un devant, car je ne suis pas le meilleur sprinteur du plateau, donc c’est bien de pouvoir miser sur deux cartes. On a été récompensés avec la quatrième place d’Enzo, et c’est super pour lui. J’espère qu’on va continuer sur cette lancée. Mon genou allait un peu mieux aujourd’hui, l’équipe est aux petits soins avec moi, et j’espère que ça continuera de s’améliorer au fil des jours ».

Aucun commentaire