Il « tournait autour », de ses propres mots, et avait seulement besoin que les derniers détails soient réunis. C’est ce qu’il s’est produit ce dimanche, de l’autre côté du globe. Après avoir exhibé sa condition tout au long de la campagne australienne, Laurence Pithie a donc triomphé à l’occasion de la Cadel Evans Great Ocean Road Race, première Classique WorldTour de la saison. Lauréat d’un sprint en petit comité, tout en puissance et dextérité, il devient à 21 ans le premier Néo-Zélandais à remporter une course d’un jour de ce standing. Il ouvre également le compteur victoires 2024 de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ, réduite mais exemplaire à ses côtés. La saison est définitivement lancée.

« On avait tous très confiance en Laurence », Reuben Thompson

C’est autour de Geelong, ce dimanche (matin, heure française), que la campagne australienne et les trois semaines de présence à l’autre bout du monde arrivaient à leur terme. La Cadel Evans Great Ocean Road Race, estampillée WorldTour depuis 2017, constituait le tout dernier point de passage pour Jussi Veikkanen et ses hommes, mais aussi l’ultime chance de revenir avec un résultat d’envergure dans les valises. Dans cette perspective, tous les yeux étaient rivés sur Laurence Pithie. « On avait la sensation de se rapprocher de plus en plus sur le Tour Down Under, et on avait tous très confiance en Laurence, exposait son compatriote Reuben Thompson. Il avait prouvé qu’il marchait vraiment bien ». « Compte tenu de sa régularité, on avait 100% confiance en Laurence, confirmait Jussi. Pour nous, il ne faisait aucun doute qu’il pouvait gagner. C’est aussi ce qui a fait la force du collectif. On savait tous dans quelle direction on allait ». Cent-soixante-quatorze kilomètres étaient alors à parcourir, avec le traditionnel circuit final incluant la montée de Challambra Crescent (1,2 km à 7,8%). Quatre boucles étaient enfin prévues dans les environs de Geelong, mais d’abord, Josh Cranage, Dylan Proctor-Parker (ARA/Skip Capital), Jackson Medway et Zac Marriage (Team BridgeLane) ont formé l’échappée du jour. Le quatuor australien, bien muselé par le peloton, a finalement atteint le premier tour de circuit avec une marge de deux minutes d’avance qui n’a dès lors fait que se résorber.

À l’issue du deuxième tour, l’écart était inférieur à une minute alors que les choses sérieuses s’apprêtaient à démarrer. « On savait que l’ascension allait se faire moins vite dans les deux premiers tours car le peloton avait peur que l’échappée soit reprise trop tôt, indiquait Jussi. En revanche, on savait qu’il fallait absolument être placés dans les deux derniers tours. Laurence nous a souvent dit « il faut que je sois placé, ensuite je peux gérer seul ». On a donc vu tout le monde protéger Laurence et le positionner avant les bosses. Ils n’étaient que cinq mais ils se trouvaient facilement dans le peloton ». « Clément et Fabian nous ont parfaitement placés sur le circuit, ajoutait Reuben. On était toujours en bonne position avant les montées quand c’était nécessaire ». Dans l’avant-dernier tour, un premier tri s’est opéré alors que l’échappée a été revue au sommet de Challambra Crescent, où Laurence Pithie passait parmi les dix premiers. C’est finalement un peloton d’une soixantaine d’unités qui a franchi la ligne quelques instants plus tard, au son de cloche annonçant le dernier tour du circuit. De nouveau, et bien que réduite, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ s’est parfaitement articulée autour de Laurence Pithie, lui permettant d’attaquer l’ultime montée de Challambra Crescent dans les toutes premières positions.

« La patience était la clé », Laurence Pithie

« Les mecs ont fait un travail formidable pour me maintenir à l’avant avant le pied, relatait Laurence. Je savais que j’avais les jambes pour suivre les meilleurs, et c’est ce que j’ai fait ». « Dans le dernier tour, c’est monté vraiment fort et seul Laurence a pu suivre », témoignait Enzo Paleni. De violentes accélérations ont eu lieu, mais comme au Mount Lofty une semaine auparavant, Laurence Pithie a tenu la dragée haute aux meilleurs puncheurs pour basculer en leur compagnie. Au sortir de l’ascension, ils n’étaient plus qu’une quinzaine en tête de course. « Avec Reuben, on a basculé un peu derrière, et on a fait en sorte de perturber la poursuite dans le deuxième groupe où il y avait Viviani, Girmay, Ewan… », précisait Enzo. Devant, Archie Ryan, Luke Plapp et Quinn Simmons ont tour à tour tenté de se faire la malle. Le champion des Etats-Unis est même parvenu à ouvrir une brèche à trois kilomètres du but, mais la chasse s’est organisée et la jonction a été opérée peu après la flamme rouge. « L’attaque de Quinn Simmons nous a fait peur, car on connaît ses capacités, mais il y avait un petit vent de face et ça a peut-être joué en notre faveur », expliquait Jussi. Bauke Mollema a également tenté d’anticiper, mais c’est bien au sprint que la victoire s’est jouée.

Laurence Pithie racontait ces derniers instants palpitants : « J’ai été coincé à environ un kilomètre de l’arrivée, et Strong a voulu bluffer. Il voulait que je passe devant lui et que je roule derrière Williams, mais je savais que je devais être patient. Au briefing, on s’était dit que la patience était la clé, mais je savais aussi qu’on pouvait vite se retrouver bloqué dans les barrières sur ce finish. J’ai réussi à me frayer un chemin de justesse, j’ai trouvé une brèche et j’ai tout mis. Je voyais que je revenais sur Tesfatsion, petit à petit. Il fallait que je réduise l’écart, et Zimmermann arrivait vite aussi, mais j’ai réussi à résister et j’ai lancé mon vélo ». S’en est suivi un moment d’incertitude, le temps pour la photo-finish d’être décortiquée. « En franchissant la ligne d’arrivée, on ne savait pas trop si Laurence avait gagné, glissait Reuben. Ils ont dit peut-être, puis oui, puis peut-être… On était tous très nerveux et finalement, après une minute ou deux, on a appris qu’on avait gagné ! » Dans la voiture suiveuse, Jussi Veikkanen a également été suspendu à l’annonce de RadioTour, « avant d’exploser de joie ». Une joie également au plus haut sur la ligne. « C’est incroyable, lançait Reuben. Si je ne me trompe pas, c’est le premier Néo-Zélandais à remporter une classique WorldTour. C’est vraiment énorme ». « Avec Laurence, on se connait depuis nos débuts à la Conti, c’est notre quatrième année ensemble donc on a des liens assez proches, ajoutait Enzo. C’est beaucoup d’émotions ».

« On a réussi à créer quelque chose », Jussi Veikkanen

À tête reposée, Laurence Pithie demeurait lui incrédule : « Je suis super heureux de remporter la victoire aujourd’hui. Je n’arrive pas à y croire. Je ne réalise pas encore, je n’ai pas les mots. J’ai travaillé très dur cet hiver pour être ici en forme et élever mon niveau. Je voulais gagner en WorldTour, mais je ne m’attendais pas à ce que ça arrive si tôt. C’est super de pouvoir démarrer la saison avec une victoire comme celle-là. C’est bien d’avoir coché cet objectif, mais j’attends maintenant beaucoup de la saison en Europe et je veux continuer avec cette forme ». Avant cela, il sera tout aussi ambitieux sur ses championnats nationaux. La Groupama-FDJ a quant à elle ouvert son compteur victoire dès le mois de janvier et une fructueuse campagne australienne est donc arrivée à son terme. « On a passé trois semaines ensemble, et ça n’a pas toujours été facile avec les blessés, à qui on a beaucoup pensé, concluait Jussi. Mais on ne s’est jamais démotivé ou découragé. Au contraire, au fil des jours, ça a soudé encore plus le groupe. On a réussi à créer quelque chose ici. Chacun donnait vraiment le meilleur de soi-même, et ça a porté ses fruits aujourd’hui. On se pose chaque année la question de faire cette course. Cette année, on s’est dit que si on avait des coureurs disponibles qui pouvaient gagner, il fallait venir. L’équipe a soutenu le projet dès le début, ça s’est avéré concluant, et c’est surtout ça qui est satisfaisant. Si Rudy et Kono avaient été avec nous avec un dossard sur le dos, ces trois semaines auraient été encore plus belles. Mais sportivement, c’est bien sûr une réussite ».