Cédric Pineau est un sourire. A 32 ans, cet équipier modèle, passionné par son sport et toujours d’humeur égale, a décidé de mettre un terme à sa carrière la veille de sa course fétiche, Paris-Bourges demain. Une décision sage, motivée par un ennui de santé mais c’est bien peu de dire que Cédric va manquer à son équipe FDJ.

Cédric, tu as donc décidé de prendre ta retraite ?

La médecine me pousse à la retraite. J’ai de nouveau un problème avec ma jambe droite et il faudrait une nouvelle opération pour retrouver toute la possession de mes moyens. J’ai eu une longue discussion avec le chirurgien, rien ne certifie que je puisse retrouver 100% de mon niveau. Je n’ai pas envie de galérer encore deux ans. J’ai 32 ans, j’ai accompli 11 ans de carrière. Le moment est venu pour moi de dire stop. 

« J’ai donné le maximum pendant 11 ans, j’ai fait de mon mieux et je n’ai pas de regrets »

De quel problème à la jambe parles-tu ?

En novembre 2015, j’ai subi une opération de l’artère fémorale qui était bouchée. Après cette intervention, ça allait bien mais je ressens une nouvelle gêne depuis le mois d’août 2016, des douleurs dans une cuisse. J’ai alors passé des examens qui n’ont rien donné. Durant l’hiver, avec le staff médical de l’équipe on a pris des décisions, notamment en plaçant des cales sous mes chaussures. Il y a eu une amélioration mais pendant une séance d’entraînement lors du stage de janvier en Espagne, j’ai de nouveau été embêté. J’ai passé de nouveaux examens, mon début de saison a été reporté mais depuis j’ai tout le temps été gêné. Ce n’était pas évident de travailler et de prendre du plaisir dans ces conditions. Un dernier examen a révélé que l’artère quadricipitale est bouchée. Je vais me faire opérer en janvier pour mon bien être, pour faire du vélo avec mes copains.

Pour toi, c’est quasi logique d’arrêter après Paris-Bourges ?

Oui, c’est logique, une partie de ma famille vit là-bas, mon père est berrichon et lui-même y avait arrêté sa carrière. J’y ai un bon souvenir, ayant fini deuxième en 2008 et c’est la course professionnelle la plus proche de chez moi. Beaucoup d’amis seront présents jeudi. Je n’ai pas d’ambition sportive sinon celle de finir, que ma jambe ne m’embête pas ce jour-là. De prendre du plaisir et d’aider l’équipe.

C’est un soulagement d’arrêter ?

Oui, ce le sera un peu de vivre différemment, d’arrêter de faire de tels sacrifices mais ça va me faire bizarre. Je vais être moins exigeant dans mon hygiène de vie mais je suis un passionné, je vais continuer à faire du vélo. Je sais que je vais avoir beaucoup d’émotions jeudi. J’ai fait onze ans chez les pros, je devrais dire douze parce que pour ma dernière année chez les amateurs, je n’avais fait que ça. Cela fait donc 12 ans à penser vélo 365 jours par an. Je ne réalise pas en fait que dans deux jours c’est fini, mais les années passées j’ai toujours coupé en octobre, ça ne va pas trop me changer. En revanche, en décembre et janvier, quand mes copains vont se remettre en route, je vais tourner en rond.

Es-tu satisfait de ta carrière ?

Quand j’ai commencé, si on m’avait dit que je disputerais les trois Grands Tours et les plus belles courses du monde, j’aurais signé tout de suite. Sur mes six Grand Tours, j’en ai fini cinq. J’ai donné le maximum pendant 11 ans, j’ai fait de mon mieux et je n’ai pas de regrets.

Cédric Pineau, Lorrenzo Manzin, Kévin Réza et Marc Fournier

Dans ta carrière, tu as aussi eu la chance d’être dirigé par des personnages ?

Cyrille Guimard pour commencer. Je lui dois beaucoup, il m’a fait passer pro en 2007 quand Roubaix-Lille Métropole s’est montée. Après deux années chez ag2r-La Mondiale, je l’ai retrouvé en 2010 et ce fut ma meilleure année du point de vue des résultats (victoire dans Paris-Troyes et une étape du Tour de Bretagne). Puis j’ai fait sept années avec le Trèfle. Marc Madiot aussi, c’est un personnage. Rejoindre l’équipe FDJ n’a pas été une décision facile. Gamin, j’avais vu mon père travaillant pour elle et je me disais que ce serait compliquer de rouler dans cette équipe avec mon père. J’ai eu du mal à me décider à cause de ça, j’avais beaucoup réfléchi mais j’avais fini par y aller. Marc, il nous le dit souvent, on est tous un peu ses enfants. Il nous met dans de bonnes conditions. C’est un homme important du vélo.

Il est intervenu dans ta décision d’arrêter ta carrière ?

C’est lui qui m’a mis la puce à l’oreille. Il m’a dit que compte tenu de mes ennuis physiques, il était temps peut-être de penser à la retraite. J’y réfléchissais depuis pas mal de temps. Il m’a tendu la perche. Il m’a aidé.

Dans cette équipe, tu as vu passer beaucoup de coureurs, duquel étais-tu le plus proche ?

Le plus proche, c’est Thibaut Pinot. En 2011, on s’est rapproché naturellement même s’il y avait cinq ans d’écart entre nous. Il a été un gamin longtemps, il l’est encore parfois mais immédiatement j’ai vu que c’était un champion en devenir. C’est un mec bien qui a des valeurs. Il est bien élevé et c’est quelque chose de rare. Mon meilleur souvenir avec lui, c’est le Tour 2014 quand il fait troisième. Pendant trois semaines, il avait connu des moments de doute importants, des moments pas faciles, j’étais en chambre avec lui, mais il n’a rien lâché. Nous, ses équipiers, on avait envie de bien faire, de ne pas le décevoir. Ce fut trois semaines intenses. Je me dis aujourd’hui que j’étais là quand il a fait podium du Tour. C’est une fierté pour moi.

Cédric Pineau et Thibaut Pinot lors du Tour de France 2014

Et c’est dans le Tour de France que tu as connu ton pire moment aussi ?

Mon pire souvenir c’est mon abandon dans la neuvième étape du Tour 2016. C’était terrible parce que je n’y avais jamais pensé. Il y a tout qui s’arrête en une journée. Je m’en voulais, je pensais avoir déçu mon équipe et mes proches. Moralement après, c’était très dur. J’étais au fond du trou mais quand j’ai quitté le Tour, j’étais à bout de forces.

Tu sais de quoi sera faite ta reconversion ?

J’ai deux trois idées. D’abord le journaliste Patrick Chassé m’a proposé de commenter des courses de fin de saison pour la chaine L’Equipe. Il cherche à remplacer Jérôme Pineau la saison prochaine. J’ai donc commencé samedi dernier pour le Tour d’Emilie. Je pensais que je n’aurais pas trop de problèmes pour reconnaître les coureurs mais j’avais préparé la course à fond pour ne pas être ridicule. Ce job de consultant peut être une possibilité. Et puis avec l’équipe FDJ, il y aura peut-être des choses à faire aussi dans l’accompagnement de l’équipe. Pour les hospitalités notamment.

Que disent tes enfants à l’idée d’avoir leur papa tous les jours désormais ?

Mes deux fils de 8 et 4 ans ne se rendent pas compte. Mon père, j’avais 9 ans quand il a arrêté et je n’en ai pas gardé un souvenir précis.

 

Merci Cédric !

Retrouvez les aventures de Cédric Pineau dans l’exposure « Les fidèles »

Par Gilles Le Roc’h

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