L’aventure entre Lewis Askey et l’Équipe cycliste Groupama-FDJ n’est pas sur le point de s’arrêter. Au sortir de sa première saison – réussie – au plus haut niveau, le jeune Britannique a prolongé son contrat existant, garantissant ainsi sa présence pour les trois prochaines années. Dans cet entretien, l’ancien vainqueur de Paris-Roubaix juniors expose les motivations qui ont conduit à ce choix mais en profite aussi pour retracer le fil de ses premiers mois dans la WorldTeam, tout en partageant sa vision gourmande de l’avenir. 

Lewis, tu as fini la saison sur une blessure au poignet à Paris-Tours. Comment vas-tu aujourd’hui ?

Assez bien ! J’ai toujours été quelqu’un de très actif, mais en ayant le poignet cassé, je n’ai pas d’autre choix que de me reposer. Beaucoup de gens vous diraient que c’est une bonne chose pour moi (sourire). En tout cas, je vais bien. Cette blessure au poignet est un peu gênante, mais je peux me faire plaisir en voyant mes amis, en faisant des sorties. C’était aussi agréable de passer quelques semaines à la maison, au même endroit, car la saison a été très intense entre les voyages et les courses.

« Je voulais vraiment, vraiment rester »

Tu as également abordé l’intersaison avec une bonne nouvelle. Peux-tu nous en parler ?

En effet. J’ai récemment signé un nouveau contrat avec l’équipe jusqu’en 2025. Ils étaient vraiment contents de la façon dont j’ai couru et de mes prestations pendant la campagne de Classiques. Je pense que j’ai été un peu plus performant que ce à quoi ils s’attendaient pour ma première année dans la WorldTeam. Il y a aussi une semaine où j’ai failli gagner deux courses d’affilée. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à parler de prolongation de contrat. Je pense qu’ils ont vu mon potentiel, et c’est d’ailleurs pourquoi je fais partie de l’équipe depuis le programme Conti. Ils ne voulaient pas me voir partir ailleurs. De mon côté également, c’est vraiment ici que je me vois réaliser une solide entame de carrière. Ce contrat de trois ans m’apporte de la sécurité, cela me permet de me concentrer uniquement sur le vélo. Je peux juste me focaliser sur mon évolution et ma progression. C’était vraiment la bonne chose à faire. Tout a été entièrement signé à la fin de l’année, mais les discussions avaient commencé juste après les Classiques.

Comment as-tu accueilli l’offre de l’équipe ?

C’est vraiment chouette de sentir leur confiance, mais j’ai aussi confiance en moi-même. Je sais de quoi je suis capable et ce que je pense pouvoir réaliser à l’avenir, donc ça ne m’a pas surpris plus que ça. Je suis très heureux que l’équipe ait voulu me parler si tôt, mais je crois aussi que ça n’a absolument rien changé pour moi parce que je voulais vraiment, vraiment rester. Je pense que c’est le meilleur endroit pour ma progression, surtout compte tenu de leur vision et des nouveaux qui arrivent. C’est un point important.

Sept coureurs de la Conti rejoindront en effet la WorldTeam en 2023. Ce n’était pourtant pas fait quand vous avez entamé les discussions.

On s’en doutait plus ou moins. On pouvait voir à quel point la Conti marchait, et je connaissais les mecs. Sans tout savoir, on pouvait deviner la façon dont ils essayaient de construire l’équipe pour l’avenir. On a beaucoup parlé de la vision de l’équipe, et s’ils n’avaient pas pris beaucoup de mecs de la Conti, ce serait allé à l’encontre de cette vision. Alors oui, cela a clairement eu une influence sur ma décision. Nous le disons depuis le début : nous voulons bien sûr être performants l’année prochaine, mais je le répète, il s’agit vraiment d’être la meilleure équipe de Classiques du monde dans 2-3 ans. Nous avons déjà montré cette année que nous pouvions jouer devant.

« Quand c’est ton pote, tu vas faire le petit truc en plus »

Quelle a été ta réaction lorsque tu as appris que sept coureurs de la Conti allaient vous rejoindre ?

Je n’imaginais pas qu’il y en aurait sept, pour être franc. Évidemment qu’en étant dans l’équipe, on commence à entendre des rumeurs plus tôt, donc je le savais avant, mais ai-je été surpris ? (Hésitations) Avec le calendrier du système de points UCI et le début d’une nouvelle séquence de trois ans, je pense que c’était le meilleur moment pour le faire. Oui, j’ai été surpris, mais je comprends aussi la manœuvre. Si on se remémore ce que l’équipe a dit sur ce qu’elle voulait faire et comment elle voulait construire pour l’avenir, alors cela a du sens.

Retrouver certains de tes copains, ça gonfle encore davantage l’enthousiasme ?

Clairement, c’est un point majeur. C’est vraiment super de se dire que lors des deux prochaines années, au moins, j’irai sur les courses avec mes potes, comme quand j’étais junior. C’est une atmosphère dans laquelle, personnellement, je m’épanouis, donc j’ai vraiment hâte. J’ai connu et vécu avec ces gars pendant un ou deux ans, donc je suis évidemment très proche d’eux. Je ne sais pas pourquoi, mais je pense qu’avec des copains, on fera mieux, on voudra faire mieux. Quand c’est ton pote, tu vas faire le petit truc en plus. Même si tu penses que tu ne peux plus, tu peux encore. On va un peu plus loin, on travaille un peu mieux ensemble. Aujourd’hui, ce sont des détails qui font gagner des courses, donc la moindre petite chose peut vraiment faire une grande différence.

Penses-tu que cela peut être un risque d’intégrer autant de jeunes ?

Je ne pense pas. On a vu à quel point les jeunes coureurs pouvaient être performants ces dernières années, et on a aussi vu que tous ces mecs qui arrivent étaient parmi les meilleurs coureurs Espoirs au monde, donc il n’y a aucune raison pour qu’ils ne soient pas parmi les meilleurs coureurs Élites au monde dans deux ou trois ans. Je ne pense pas que ce soit un risque énorme. J’ai moi-même montré cette année que je pouvais performer sur les Coupes de France par exemple, et on a encore de gros leaders pour les grandes courses. Je pense que cette stratégie sera payante pour l’équipe. L’équipe voulait construire un solide groupe de Classiques, et ils sont restés fidèles à ce qu’ils ont dit, ce qui est vraiment bien. C’est bien sûr l’une des principales raisons pour lesquelles je suis ici et j’ai hâte de réaliser cet objectif dans les années à venir.

« J’ai pu faire du bon travail, mais je veux faire mieux que ça »

Le groupe des Classiques est-il sur la bonne voie ?

C’est difficile à dire. Les jeunes auront besoin de quelques années pour se développer. Cela ne veut pas dire qu’on ne jouera pas devant l’année prochaine, mais il y a une différence entre jouer devant et être parmi ceux qui peuvent gagner à chaque fois. Heureusement, nous avons des mecs comme Valentin, Stefan et Kevin. Il faut maintenant renforcer le soutien autour d’eux, et je suis sûr que dans deux ans, des gars comme Sam et moi-même serons présents dans le groupe de tête jusque dans les derniers kilomètres. À l’avenir, ce sera une force que nous pourrons utiliser. Dans les Classiques, c’est souvent un groupe de 10-15 qui bataille pour la victoire. Si tout se passe bien, nous pourrions avoir 3, 4 ou 5 gars dans ce groupe, et c’est à ce moment-là que ça pourrait jouer en notre faveur.

Revenons sur la campagne des Classiques 2022. Comment l’évalues-tu ?

Pour nous, Groupama-FDJ, compte tenu de nos objectifs initiaux, je pense que c’est une excellente saison. Bien sûr, on peut toujours dire qu’il nous manque une grande victoire, mais je pense vraiment que ça n’aurait pas pu beaucoup mieux se passer. On a vraiment tout bien fait. Parfois, il s’agit juste de tomber sur la bonne journée. Si on refait la course, peut-être que le top 3 et le top 5 seront différents. Personnellement, je qualifierais cette campagne d’excellente, et je pense que beaucoup d’équipes partagent le même avis. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne compte pas progresser à l’avenir.

Qu’en est-il de ton cas personnel ? Comment t’es-tu senti pour ta première année à ce niveau ?

C’est difficile à dire, car parfois, j’avais vraiment l’impression d’être à ma place, de faire partie intégrante de la course, mais parfois, j’avais l’impression d’être nul. J’ai surtout réalisé qu’il y avait toujours quelqu’un dans un bon jour, que le niveau était vraiment élevé. Il y a aussi une différence entre le niveau des courses. Pour ce qui est du placement, de la tactique et de ce genre de choses, je me suis senti vraiment à l’aise. Je sais que je peux maîtriser ces aspects. Il m’a juste manqué un peu de profondeur physique. L’équipe était satisfaite de mes performances, mais dans le même temps, c’est rageant de ne pas être là dans le final. Je veux être devant avec Stefan et Valentin à l’approche des derniers kilomètres. C’était parfois frustrant de ce point de vue. J’ai pu faire du bon travail, mais je veux faire mieux que ça. Dans l’ensemble, je suis quand même content. J’ai failli gagner deux courses, j’ai fait quelques bons lancements de sprint, notamment pour Arnaud en fin de saison. Il a été épaté par la façon dont je me suis intégré au train, et j’étais content de la façon dont j’ai performé pour lui lors des dernières courses. J’étais aussi très nerveux parce que je ne voulais pas me manquer, mais je n’aurais pas vraiment pu faire mieux. Au final, il y a eu des moments dans l’année où je me suis senti vraiment à l’aise, mais il y a aussi quelques moments où je me suis senti légèrement dépassé. 

« Je sais que je peux jouer avec les meilleurs »

Maintenant que tu l’as côtoyé, as-tu la sensation que le plus haut niveau est accessible ?

Le truc, c’est que même si tu es un pourcent moins fort qu’un autre, ce pourcent fait la différence entre accrocher ou manquer le groupe décisif. Cela veut dire qu’il te manque trois secondes au sommet d’une bosse, que tu ne peux pas rentrer dans les roues et que tu es donc hors-jeu. C’est une différence minime qui fait qu’on est devant, ou qu’on n’y est pas. Parfois, cela m’a paru loin, mais je garde pleinement confiance car j’ai été l’un des meilleurs mondiaux dans toutes les catégories d’âge, donc il n’y a aucune raison que je ne le sois pas aussi chez les Élites.

Qu’as-tu ressenti en prenant part à deux Monuments comme Paris-Roubaix et le Tour des Flandres ?

C’était super important. C’était la principale raison pour laquelle l’équipe voulait que je signe l’année dernière alors que je voulais plutôt rester une année de plus dans la Conti. Après-coup, je suis content qu’ils aient insisté, car je pense que je sais maintenant à quoi m’attendre pour l’année prochaine. Il n’y a plus de surprise, il n’y a aucune raison que je commette des erreurs bêtes. C’est aussi important du point de vue de la gestion des émotions. Ils m’ont aligné face aux meilleurs au monde, et on ne peut pas aller plus haut que ça. Comme je l’ai déjà dit, cela signifie que je sais désormais où se situe le niveau. Je sais à quoi m’attendre et comment les courses se déroulent. C’était vraiment génial d’acquérir cette expérience.

Tu as également terminé 42e de Paris-Roubaix malgré une blessure au genou.

Je suis généralement plutôt bon pour performer sur des journées spécifiques, en particulier sur celles qui comptent vraiment beaucoup pour moi. À Paris-Roubaix, j’étais vraiment dans l’une de ces journées. C’était donc vraiment frustrant d’être pris dans une chute et d’avoir le genou entaillé. J’ai discuté avec Stefan par la suite, et comme moi, il était convaincu que je serais allé loin dans la course. Très loin. C’était frustrant mais j’en ai aussi tiré de la confiance, et je sais pertinemment que je peux jouer avec les meilleurs dans ce genre de course.

Qu’as-tu appris de ta saison de néo-pro ?

C’est difficile de soulever un point précis. Je pense que toute l’interview résume assez bien ce que j’ai appris cette année, que ce soit le travail dans le train d’Arnaud, le placement pour Stefan dans les Classiques, ou bien même la politique au sein du peloton : savoir quand faire quoi, quand est-ce le bon moment d’être un peu vilain, quand est-ce le moment de lâcher un peu prise. C’est un point primordial, en réalité. On ne s’en rend pas compte de l’extérieur, mais il y a beaucoup de politique à l’intérieur du peloton. Cette année a été un vrai changement pour moi, et je m’y attendais. Cela étant, je sais que je suis jeune et j’ai aussi vu comment j’ai pu performer tout au long de l’année. Je pense qu’il y a beaucoup de coureurs qui seraient satisfaits d’une saison comme la mienne. Cela ne peut que me donner confiance.

« J’adorerais obtenir une victoire l’année prochaine »

Manque-t-il quelque chose à ta saison 2022 pour qu’elle soit totalement réussie ?

Une victoire. Je fais encore des cauchemars sur ces deux opportunités manquées (mi-mars, ndlr). C’est comme ça. Je suis sûr que ma première victoire ne tardera pas, mais ça aurait été vraiment bien, d’autant plus que c’était vraiment possible. Ce n’est pas à cause de mes jambes mais à cause des erreurs que j’ai commises que je n’ai pas gagné. Ça fait mal quand j’y pense, mais à part ça, ça a été une belle saison.

Dans une publication récente, tu as parlé de hauts et de bas. Quels seraient ton meilleur haut et ton pire bas ?

Le meilleur haut, ce serait sans doute le Tour des Flandres, car j’y ai vraiment bien marché. On a évidemment obtenu un podium, et rien que l’ambiance dans l’équipe… C’était une journée vraiment géniale, ça m’a marqué. C’était spécial. En ce qui concerne les bas, ce pourrait être les chutes, car je ne tombe pas beaucoup en temps normal. Honnêtement, je sais que ça ne devrait pas, mais ça pourrait aussi être quand j’ai terminé deuxième de la Classic Loire Atlantique, car je me suis vraiment foiré sur ce week-end. Ce n’est pas un vrai « bas », mais c’est l’une des choses qui m’a atteint cette année.

En début de saison, tu disais ne pas être pressé. L’es-tu davantage désormais ?

Peut-être un peu, mais pas vraiment. Je pense que les gens autour de moi sont plus pressés que moi-même (sourire). Ils ont vu le potentiel et sont donc du genre : « allez, on va le faire ». Personnellement, je ne suis pas plus pressé qu’avant. Au bout du compte, je ne peux faire qu’une chose : mon meilleur. Advienne que pourra.

Quelle serait la prochaine étape à valider la saison prochaine ?

J’adorerais obtenir une victoire l’année prochaine, et je pense que c’est faisable. Cette année, je n’ai pas passé le cut du groupe décisif sur les Classiques, j’ai toujours terminé dans le peloton. À quelques reprises, j’ai failli accrocher le petit groupe qui se bat pour la victoire. L’année prochaine, j’aimerais faire partie de ce groupe. C’est plus ou moins mon objectif. Je veux être là beaucoup plus longtemps avant de me faire lâcher, ou pas…

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