« Un jour ça va me sourire ! ». Yoann Offredo vit pour les courses de légende et c’est avec beaucoup d’espoirs qu’il prendra, dimanche, le départ de Paris-Roubaix, cette classique qui le fascine. Il fait le point, avec honnêteté, sur sa carrière, sur ses atouts et ses manques. Et il rêve. Et il a l’intuition qu’un jour, il connaîtra la gloire. Nous ne sommes pas loin de penser comme lui…

Yoann, tous les ans, on sent que ces courses-là sont les seuls qui t’intéressent ?
Ce sont des courses que j’aime bien. J’ai le droit d’aimer et ne pas y marcher. De ne pas toujours être performant. Enfin, je rentre souvent dans les 20 premiers des épreuves World Tour de plus de 200 kilomètres. Il y a quelques jours quelqu’un m’a posé cette question : ‘’Quand Arnaud Démare a fini deuxième de Gand-Wevelgem, est-ce que ça t’a énervé ?’’ C’était une question bizarre, il voulait juste me dire que moi, je n’avais jamais fait un podium. Evidemment non, ça ne m’a pas énervé. Je suis heureux de la performance d’Arnaud et d’avoir la conviction en moi qu’un jour ça va me sourire. Frédéric Guesdon, il l’a gagné Paris-Roubaix, une fois. Il a gagné trois belles courses importantes dans sa carrière, Paris-Tours, une étape du Critérium du Dauphiné et Paris-Roubaix. Moi, si je gagne une seule course, un seul Paris-Roubaix même si je pense que ce ne sera pas cette année…

Pourquoi ce ne serait pas cette année ?
Parce que je manque encore de maturité, de recul sur les événements. Je n’ai pas assez de détachement mais je sais qu’un jour ça le fera. C’est ça la magie. Quelqu’un m’a dit « tu ne feras rien à Roubaix !’’ Mais on n’a pas le droit de me dire ça. On a tous le droit de rêver. Et de réussir. On n’est pas tous des champions, on n’est pas Cancellara mais on a tous l’envie.

Pourquoi faut-il que tu sois dans une course de démesure pour te sentir bien ?
Si je veux être en introspection avec moi-même, je peux dire que j’ai souffert du manque de reconnaissance de mon père et que les courses qui passent à la télé sont celles où je veux me sublimer. Au départ de Paris-Roubaix, je suis en droit de me dire que je peux gagner, du moins que je sois dans les premiers rôles.

En 2013, ta course s’est achevée sur une terrible chute. Comment l’as-tu vécu ?
J’avais beaucoup de tristesse parce que des semaines d’implication, de sacrifice se terminaient très mal. Je sortais d’une année difficile. Oui j’étais amer parce que je ne m’étais pas exprimé. Mais ça fait partie du truc aussi. Je n’ai pas de rancune et je ne ressasse pas non plus. Il n’arrive rien sans rien et ça m’a servi de leçon.

Tu as le sentiment de progresser toujours, d’être plus fort qu’avant ?
Oui je l’ai dit avant la campagne des classiques mais ça ne se traduit pas par les résultats. Ça se joue à des petits détails. Mentalement, physiquement, j’ai progressé. Sur ces courses, il faut y aller souvent, il faut en chier. Tu dois crever. Tu dois chuter. Tu dois terminer loin. Tu dois vivre de sales moments pour passer un cap. Pour avoir le droit de me dire un jour « cette année, ça va le faire ! »

Ce sont des courses de force brute et la force tu l’as ?
Mon gros défaut, c’est mon manque de confiance en moi. Je dois prendre conscience de mes moyens.

C’est un cercle vicieux, la confiance vient par les résultats et le résultat par la confiance. C’est à toi de briser la glace ?
Je me sens mieux que l’an dernier physiquement et cette année, je pense que je peux prendre le panneau à la sortie d’Haveluy, plus loin que l’an dernier (il rit). Avec un peu de chance, si je me débrouille bien, je peux le faire… Il y a deux options pour qu’on parle de moi, la chute ou le podium. J’ai déjà fait la chute.

Comment tu envisages le scénario dimanche ?
Cancellara est au-dessus du lot et souvent, toutes classiques confondues, je remarque que ce sont toujours les mêmes 20 coureurs qui passent le cap des 200–220 kilomètres. Dimanche, je vois une course ouverte, un peu comme quand Van Summeren gagne. Je vois bien un Devolder qui part de loin. Et moi ce sera pareil, je veux partir de loin, attaquer, faire ce que je sais faire, pas suivre en me disant ‘’je suis protégé, je le fais à l’économie’’. Je vais le faire au feeling en regardant bien ceux qui bougent. Stybar, l’équipe Sky qui a les coureurs pour ça comme Boasson Hagen, Wiggins. J’aimerais bien Wiggo… Je pense qu’il va bien marcher dimanche. La course sera ouverte. Elle va commencer à la tranchée de Wallers-Arenberg. Nous, on ne doit pas attendre que Cancellara attaque dans le Carrefour de l’Arbre. Comme le dit Marc Madiot, notre équipe est homogène, on se connaît tous, on travaille ensemble. On va savoir prendre nos responsabilités sans regarder les autres. Sinon, le scénario on le connaît. On n’aurait pas même besoin de prendre le départ.

Est-ce que c’est l’heure de choisir : être un équipier de luxe ou gagner ?
Ce n’est pas incompatible. Je suis le seul capable de passer le cap des 200 km dans ces courses. Je sais qu’un jour ça va sourire… Je suis super content de travailler pour Arnaud Démare, même dans des classiques qui se terminent au sprint. Le scénario, on le comprend vite.

Tu as un Paris-Roubaix référence ?
Pas encore… Ça sera cette année. Je plaisante. Je sais que le vélo, un jour je vais le raccrocher comme je suis venu, sur un coup de tête. Mais pas avant d’en avoir gagner une belle. Et ça, je le sens en moi.

Cette course réserve toujours une surprise. Turgot deuxième en 2012, Gaudin cinquième en 2013…
C’est bien pour ça que le vélo est intéressant. Dimanche, je serais satisfait si je finis dans les 5 premiers, sur le podium. Dans le vélo, la roue tourne vite. Un jour t’es rien et puis un seul Paris-Roubaix, et ça change tout. Ceux qui te crachaient dessus seront les mêmes qui t’encenseront. Et pour moi, ça arrivera au terme d’une course d’usure. Et si nous sommes encore 30 dans le Carrefour de l’Arbre, avec Arnaud, je ferai tout pour lui.

Retrouvez l’interview de Frédéric Guesdon avant Paris-Roubaix

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