« Thibaut Pinot, la marque des grands ». Dans un excellent bilan du Tour de France qu’il propose sur son propre site internet, Jérémy Roy avec la sagesse et le recul sur les événements qui le caractérisent, disait n’avoir pas réalisé la performance individuelle de Thibaut Pinot et collective de l’équipe fdj.fr. Quelques jours plus tard, il revient sur l’avènement de son leader. Non sans une fierté bien légitime.

Alors Jérémy, neuf jours plus tard tu réalises ce que Thibaut Pinot et ses équipiers ont fait pendant le Tour de France ?

Non, je ne réalise toujours pas… Il est vrai que je n’ai pas encore fait ma pause. J’ai disputé la Clasica San Sebastien et j’enchaine avec les critériums de Lacq (lundi), Castillon-la-Bataille (mardi) et Marcolès (mecredi) avant de respecter une coupure de deux semaines. Je pense qu’il sera alors temps de repenser à tout ça… Et puis il faut dire que nous sommes habitués à travailler depuis deux ans dans le groupe de Thibaut. Il y a une certaine forme de routine.

Il y a aussi le fait que très longtemps on se disait qu’un tel résultat était impossible pour un coureur français ?

Les Français sont de nouveau présents dans les courses par étapes du World Tour, avec Thibaut, Jean-Christophe Péraud, Romain Bardet, Warren Barguil et même Pierre Rolland qui a fini quatrième du Tour d’Italie. D’ailleurs je pense que le résultat de Rolland a titillé Thibaut qui regrettait de n’avoir pas disputé le Tour d’Italie. Ça l’a bien motivé avant le Tour de France même s’il n’avait pas besoin de ça…

De là à finir sur le podium ?

Il y a eu c’est vrai des circonstances favorables avec l’absence de Naïro Quintana, les abandons de Froome et Contador et le choix de Joaquim Rodriguez de jouer les étapes. Ces circonstances ont ouvert des brèches et la route du podium.

Ce résultat a tout simplement confirmé le potentiel de Thibaut ?

On n’avait pas besoin du Tour pour savoir de quoi il était capable… On partait pour refaire un Top 10, peut-être un Top 5 et finalement il signe un Top 3 mais personnellement ça n’a pas changé mon job. Après la première semaine, en discutant le soir et compte tenu de sa régularité on s’est mis à croire en un Top 5 mais ça ne changeait rien pour moi.

Quand as-tu commencé à croire au podium ?

Compte tenu de sa progression dans le contre la montre, et même si Péraud est un spécialiste, même si Valverde est un client, on se disait que le Top 5 était assuré et le podium possible. On n’osait pas trop en parler ouvertement parce que dans le cycliste nous sommes factuels, on ne veut pas se projeter. Ce qui n’interdit pas d’y penser.

En trois Tours de France, Thibaut a tout connu, la révélation par une victoire d’étape, la promesse par un bon classement final, la désillusion totale en 2013 et l’explosion en 2014. C’est la marque d’un grand champion que d’avoir su rebondir ?

Moi, je le savais bien avant que de débuter le Tour de France en Angleterre qu’il s’agit d’un drôle de champion ! En Angleterre, il était tendu parce qu’il avait de l’ambition, qu’il avait besoin de se rassurer et aussi pour faire taire les mauvaises langues. 2013, c’était un mal pour un bien. Ça l’a forgé et endurci. Il a su tirer les bonnes conclusions de son abandon et a appris à ne pas refaire les mêmes erreurs.

A quel moment t’a-t-il le plus surpris ?

Il a toujours été serein. C’est la marque des grands mais il est toujours resté incroyablement calme. Nous, on a travaillé pour lui les yeux fermés !

Comme Arnold Jeannesson, tu es devenu un équipier modèle, le capitaine de route d’Yvon Madiot mais il est quand même toujours surprenant de voir un très bon coureur comme toi accepter ce statut ?

Je suis réaliste sur mes capacités de faire un résultat dans le Tour. Je ne suis pas sprinteur, pas un grand grimpeur, je suis un honnête rouleur… C’est vrai, depuis deux ans, je n’ai pas été souvent dans les échappées comme j’aimais le faire avant. Quand j’y vais c’est parce que j’y ai été autorisé ou parce qu’elle est bien fournie. Depuis deux ans, je fais les courses de Thibaut avec un rôle bien défini, je me suis rangé un peu. Dans le peloton, certains jours c’est un peu long mais quand j’y suis utile, je le dois aussi à mon travail. Je m’investis beaucoup personnellement. Cette année, je suis allé seul en stage en montagne, ça ne m’était jamais arrivé. Et je suis allé en stage avec Thibaut aussi.

Ce statut d’équipier est reconnu dans ton équipe ?

Oui, très bien même… On me fait confiance, je suis un bon relais avec les directeurs sportifs et Thibaut sait qu’il peut compter sur moi. Moi et les autres, on travaille à ses côtés sans arrière-pensée. Et puis finir 20e, 30e en faisant tout au millimètre, c’est pas mieux que de finir 40e en ayant travaillé pour un leader !

Quel est ton programme à présent ?

Après les 15 jours de coupure, chez moi, qui vont me faire du bien, je vais reprendre à la Châteauroux-Classic de l’Indre et au Tour du Poitou-Charentes. Mon programme de septembre n’est pas encore précisément défini mais je ne vais pas échapper au championnat du monde du contre la montre par équipes en Espagne (il sourit). Je ne mérite pas pour autant une sélection en équipe de France pour le contre la montre individuel. Je crois avoir perdu un peu de mes qualités spécifiques en travaillant en montagne.

Est-ce la raison de ton championnat de France en demi-teinte ?

Julien Pinot prétend que j’ai commis quelques erreurs dans ma gestion de l’événement et c’est vrai, par exemple, que j’avais choisi de prendre une roue à rayons plutôt qu’une roue pleine. Ça m’agace un peu de n’avoir pas fait un contre la montre référence cette année. Je suis présent, pas à la rue mais pas exceptionnel non plus. Pour autant, je ne vais pas me prendre la tête non plus…

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