« Je cogite trop »

Entretien avec Anthony Roux

Le coureur cycliste n’est pas une machine et Anthony Roux en est la parfaite illustration, bien que ses copains dans l’équipe l’ont justement surnommé « la machine » après sa victoire dans une étape de la Vuelta en 2009. Il faut dire que depuis trois ans, le solide rouleur de l’équipe FDJ n’a pas été épargné par les chutes et blessures, la dernière en date dans le Tour d’Espagne où il s’est donné une fracture de la clavicule. A 27 ans, il reste un passionné de son sport, heureux d’appartenir à cette équipe et de travailler pour Arthur Vichot dont il suivra le même programme de courses. A quelques jours de se rendre en Espagne (Tour de Murcie, Clasica Almeria et Ruta del Sol), Anthony se livre. Sans se cacher, comme toujours. Et en formulant le voeu de reprendre sa course en avant.

Anthony, tu as repris la compétitition dans le Grand Prix « La Marseillaise » cinq mois après ta chute dans la Vuelta, comment vas-tu ?

Ça va bien, compte tenu de l’hiver que j’ai passé. J’ai encore des échelons à gravir avant de me sentir bien et d’être satisfait. Moi qui ne coupe jamais, les deux mois d’arrêt n’ont pas été faciles à gérer. J’aurais préféré ne pas avoir un nouveau souci… Je les accumule. Comme Arnaud Courteille qui s’est encore cassé la clavicule à Bessèges. Au cours de cet hiver, j’ai subi deux anesthésies générales, ce n’est quand même pas l’idéal.

Normalement, une coupure comme celle-là, ce doit être bénéfique sur le long terme ?

Oui mais avec tout ce qui m’est arrivé, cela fait deux ou trois ans que je ne progresse plus et les années ches les pros, ça passe vite. Du coup, je doute. Un peu. Le fil rouge n’est pas loin. Moralement ce n’est pas facile à vivre et physiquement, le corps a quand même souffert. J’ai des cicatrices partout. J’espère que ça va aller et que je vais pouvoir faire des saisons pleines. Ou bien, je risque de me décourager.

Tout est parti de ta grave blessure au dos en octobre 2011…

Le dos va mieux. Depuis cette chute dans un cyclo-cross, j’avais des douleurs. Et je me posais beaucoup de questions. A changer sans cesse ma position, à changer mes réglages. C’était un gros souci pour moi et pour mon équipe. J’étais totalement perdu. Il s’avère que ces douleurs n’étaient pas dues à mon accident mais à mes dents. Une dent malade que j’ai fait soigner en juin dernier et des dents de sagesse que j’ai faites retirer en juillet puisque je ne faisais pas le Tour. Maintenant ça va mieux. Comme beaucoup de coureurs, je souffre d’une cyphose dorsale (déformation de la colonne vertébrale) et je ne suis pas droit sur le vélo mais ça ne m’handicape pas. Je suis aussi souple qu’avant.

Puis il y eut cette fracture de la clavicule pendant la Vuelta…

Cassée en deux. J’ai repris une activité physique début novembre, sur un vélo d’appartement notamment et sur la route fin novembre avant le stage de Moussy-le-Vieux. En sachant que je devais repasser sur la table d’opération pour me faire retirer les broches. Les médecins voulaient que je les garde six mois mais ça m’emmenait au mois de mars. Le 2 janvier c’était fait. J’ai fait gaffe pendant tout le mois de janvier…

Tu en as bavé pendant les stage de préparation à Calpe ?

Oui pendant celui du mois de décembre. Moi qui ai l’habitude d’être bien en hiver, c’était dur. Et cela m’a fait bizarre. Celui de janvier s’est bien passé mais je me posais beaucoup de questions avant le Grand Prix « La Marseillaise » parce que je n’avais pas posé un dossard sur mon maillot depuis 5 mois…

Dis Anthony, n’as-tu pas tort de trop cogiter ?

C’est vrai, je cogite trop. Je change pas mal de choses en permanence pour essayer de faire mieux et j’en oublie l’essentiel. Je suis perfectionniste et j’ai besoin qu’on me parle beaucoup. Après chaque course, j’ai besoin d’un debriefing, pas plus d’une minute mais qu’on me dise si c’est bien ou pas bien. J’ai besoin d’être recadré, j’ai besoin de la confiance de mon équipe qui a progressé en terme de communication : on fait des réunions où on se dit les choses. Je n’ai pas besoin d’être flatté, non plus… Bon, je me dis que si Marc (Madiot) m’a fait signer un nouveau contrat, c’est qu’il a confiance en moi. J’en ai besoin. Quand je me suis blessé au dos, j’étais en pleine progression et ça s’est arrêté. Je n’ai plus le statut que je devrais avoir. C’est dur à accepter. Dur de me dire que j’étais plus fort à 23 ans qu’à 27…

Est-ce lié au travail d’équipier qui est le tien aujourd’hui ?

Travailler pour un leader je l’accepte mais je sais que je peux encore gagner. J’accepte qu’il y ait plus fort que moi mais je ne me résous pas à ne pas gagner. Je n’ai pas 35 ans, je ne suis pas un coureur en fin de carrière. Je vais être honnête, j’ai mis deux ans à accepter la situation. Aujourd’hui, je le fais sans réticence. En espérant gagner parce que je fais du vélo aussi pour lever les bras. Dans une saison, j’ai 90 jours de course, je veux croire qu’il y en aura deux ou trois pour moi.

En 2014, tu en as eu l’opportunité ?

Non, pas une seule fois. Ou alors je me suis raté. J’ai la chance aussi d’aimer le chrono, d’avoir une ambition pour cet exercice. Je rêve d’en être le champion de France un jour.

Cette année, ton équipe considère que tu es un lieutenant d’Arthur Vichot ?

Je vais faire exactement le même programme que lui, c’était notre demande. Lui et moi avons le même profil et les courses qui constituent ses objectifs, je voulais les faire moi aussi. C’est lui, en tant que troisième leader de la FDJ, qui m’a proposé ce plan. Arthur, c’est un bon copain, et je suis ravi de faire chambre le soir avec lui. Lui, il est un peu mon antithèse: il se connait par coeur, il ne doute pas. C’est ce qui fait qu’il est un champion. Dans des courses de préparation, je sais qu’Arthur me laissera ma carte mais dans Paris-Nice et dans les classiques ardennaises, ce sera tout pour lui. Quand Marc Madiot dit qu’Arthur en gagnera une belle chaque saison, il a raison !

Désormais Julien Pinot est ton entraîneur ?

Oui, c’est la deuxième saison. J’avais d’abord travaillé avec Gérard Broc et quand ça s’est arrêté, j’ai voulu travailler seul pendant un an. Comme j’ai toujours tendance à en faire beaucoup, je ne savais pas privilégier la récupération et j’étais donc incapable d’aller chercher des pics de forme. Avec Julien, c’est tout l’inverse. Je le connais bien, on a couru ensemble chez les cadets. Et concernant mes pics de forme, c’est simple, ils seront les mêmes que pour Arthur: Paris-Nice et les Ardennaises.

Aucun commentaire