En direction de l’altiport de Peyragudes ce mercredi, David Gaudu aurait pu tout perdre. Mais grâce à un mental infaillible et à un soutien inestimable de son acolyte Valentin Madouas lors de la dix-septième étape du Tour de France, le leader breton a passé ce nouvel obstacle en limitant de nouveau la casse. Septième sur la ligne d’arrivée, après un gros effort final, il reste ainsi bien agrippé à sa cinquième place au général. Il se rapproche même à quatre secondes de la quatrième à la veille de la dernière grande journée montagneuse, vers Hautacam.

Une courte mais intense journée se profilait au-devant des coureurs ce mercredi. Moins de 130 bornes étaient à couvrir, dont les cinquante premières sur le plat, mais se succédaient ensuite le Col d’Aspin, la Hourquette d’Ancizan, le Col de Val Louron-Azet ainsi que la montée finale de Peyragudes, soit près 3000 mètres de dénivelé en tout juste quatre-vingts kilomètres. Comme chacun pouvait s’y attendre, l’échappée était encore extrêmement prisée et aucune différence ne s’est donc faite avant le pied de la première ascension. C’est alors que Thibaut Pinot est entré en action. Le grimpeur franc-comtois a ouvert une première brèche avec Alexey Lutsenko et a passé le sommet du Col d’Aspin en tête, trente secondes environ devant un groupe de contre. Les deux hommes ont insisté dans la Hourquette d’Ancizan, et le coureur de Melisey a de nouveau basculé en première position. Au terme de la descente et d’un bout de vallée, les poursuivants sont parvenus à opérer la jonction alors que le groupe maillot jaune déjà très amaigri ne pointait qu’à une minute. Dans le col de Val Louron-Azet, la course a ainsi éclaté et les coureurs ont été éparpillés par le tempo infernal mené par la formation UAE Team Emirates. « Malheureusement, le peloton n’a jamais laissé de marge aux échappés et on a vite compris pourquoi, exposait Philippe Mauduit. Cela faisait partie des scénarios qu’on avait évoqués dans le bus ce matin, mais si on n’essaie pas, on n’a aucune chance de réussir. Ce qui est sûr, c’est qu’on devait anticiper la bagarre des gros pour avoir une chance, mais ça n’a pas été suffisant. Dès lors on s’est uniquement recentrés sur David et l’objectif de défendre sa place au général ».

« Je n’avais pas le droit de lâcher », David Gaudu

Distancé à sept kilomètres du sommet de cette troisième ascension, David Gaudu a gardé Valentin Madouas auprès de lui avant de retrouver Thibaut Pinot l’espace de quelques minutes un peu plus haut. « Thibaut s’est spontanément relevé, a soufflé un petit coup et s’est mis au service de David », indiquait Philippe. « Je voulais initialement prendre de l’avance pour basculer en haut de l’avant-dernier col avec les meilleurs, mais ça m’a lâché, commentait le Haut-Saônois. Je suis déçu. J’ai essayé d’aider David et je lui ai donné la mini-cartouche qui me restait pour revenir sur un petit groupe, mais c’est vraiment frustrant ». En second rideau, David Gaudu a donc tâché de ne pas aller au-delà de ses limites, quand d’autres devant lui explosaient du groupe maillot jaune réduit à trois simples unités au sommet. « Je n’avais pas vraiment d’autres choix que de prendre mon rythme au vu des jambes que j’avais aujourd’hui, glissait David. J’étais déjà en difficulté dans la Hourquette. J’ai réussi à basculer avec Valentin au mental. Ça allait un petit peu mieux dans l’avant-dernier col mais on est restés en retrait. Quand j’ai vu comment le pied s’était monté, je me suis dit qu’ils allaient péter un par un si ça continuait ainsi jusqu’en haut, comme au Granon. C’est un peu ce qu’il s’est passé ». Après avoir récupéré Nairo Quintana, Aleksandr Vlasov ou encore Louis Meintjes, le Breton a plongé dans la descente vers Loudenvielle avec un retard de 2’30 sur le maillot jaune, et d’une minute sur Geraint Thomas et Romain Bardet.

Au pied de l’ascension finale, les écarts étaient relativement similaires et Valentin Madouas a poursuivi son relais entamé près de vingt kilomètres plus tôt. Le tout-terrain breton ne s’est écarté qu’à trois kilomètres du sommet de Peyragudes, laissant alors David Gaudu s’exprimer sur le final du jour. « J’ai rarement vu Valentin à ce niveau, soulignait un David admiratif. Je pense qu’il a eu un déclic. Je dois sincèrement le remercier, ainsi que toute l’équipe. Sans Valentin aujourd’hui, je ne fais pas grand-chose… Il m’a traîné dans l’avant-dernière montée avec Thibaut, puis dans la vallée, puis encore dans la dernière bosse. Rien que pour ça, je n’avais pas le droit de lâcher. Dans ces cas-là, c’est plus la tête que les jambes qui vous guide ». Le leader de la Groupama-FDJ a ainsi puisé dans ses plus profondes ressources pour tenter de finir du mieux possible, et finalement s’octroyer la septième place sur la ligne, à 3’27 du vainqueur Tadej Pogacar, mais en grappillant quelques secondes à certains de ses adversaires dans le plus fort de la pente. Si quatre prétendants au général ont terminé devant lui ce mercredi, David Gaudu a toutefois nettement assuré l’essentiel et conservé sa cinquième place au général. « On est avec les coureurs de notre niveau, on n’a pas de regrets à avoir, disait Valentin. On a essayé de gérer au mieux nos ascensions. David n’était pas dans une excellente journée mais on passe tous par des journées moins bien. Les trois devant sont sans doute plus forts mais on joue le top-5 ! » « Il a résisté, comme il le fait depuis quelques jours, disait Philippe. Il a réussi à le faire avec l’aide de ses copains et notamment du gros numéro de Valentin dans les deux dernières montées ».

« Il n’était pas possible que mon Tour s’arrête là », Kevin Geniets

« Je pense qu’on a plutôt bien géré la journée, concluait David, désormais à quatre secondes de la quatrième place occupée par Nairo Quintana. Ça tient, et il faut que ça tienne encore demain. Tout le monde est au bout du rouleau et il faut être fort mentalement. C’est grâce à l’équipe que je tiens mentalement. Elle me fait confiance depuis le départ, de A à Z. C’est pour eux que je n’ai pas envie de lâcher. Je suis à fond tout le temps, mais c’est la tête qui dirige. Pour l’heure ça fonctionne et on se bat toujours pour le top-5. Le podium risque d’être compliqué mais un top-5 sur le Tour, c’est déjà énorme. Il reste encore une étape à franchir et on essaiera de faire au mieux à Hautacam ». Alors que Valentin Madouas a signé la treizième place du jour, rang qu’il occupe aussi au général, Kevin Geniets a terminé à une trentaine de minutes après une journée galère. Mais il a terminé. « J’ai été lâché quasiment dès le départ, relatait le Luxembourgeois, négatif au test Covid. Je suis malade depuis deux jours et ça m’a lâché aujourd’hui. J’avais vraiment du mal à respirer. J’ai réussi à rester dans les voitures, puis j’étais tout seul devant la voiture balais pendant soixante kilomètres avant de retrouver la Quick Step-Alpha Vinyl pour la fin de l’étape. J’ai un moment pensé que je n’allais jamais arriver dans les délais, mais je me suis dit qu’il n’était pas possible que mon Tour s’arrête là. J’ai essayé de rester calme et de continuer au rythme le plus élevé possible. Ça l’a fait, et j’espère que ça ira mieux demain ». « Ce n’est pas une bonne expérience mais c’est une grosse expérience, ponctuait Philippe. Ce sont des moments importants dans la carrière d’un jeune coureur. Il aura appris beaucoup sur lui-même et sur sa faculté à surmonter des épreuves difficiles ».

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