Dans les rues de Bergame samedi s’est clos un chapitre important du cyclisme contemporain, ainsi qu’une séquence indélébile de l’histoire de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ. Après quatorze ans au plus haut niveau, faits de grands succès, d’échecs déchirants mais surtout d’émotions démesurées, Thibaut Pinot a mis un point final à sa carrière, sur sa course de cœur. S’il n’a pas été en mesure de jouer les premiers rôles, il a récolté bien plus que ça. L’amour du public à son égard s’est ainsi, pour la dernière fois, manifestée à travers la « Curva Pinot » dans l’ultime montée de la journée. Des supporters venus en nombre de l’Hexagone ont célébré pour la toute dernière fois leur idole, dans une journée qui restera à coup sûr dans les annales. Preuve que les émotions écrasent tout.

La journée promettait d’être émouvante, mais elle a sans doute dépassé toutes les attentes. Bien que contraire à sa personnalité, Thibaut Pinot allait de fait être au centre de l’attention samedi, pour la dernière course de sa carrière. Pas des plus à l’aise avec cette situation, le Franc-Comtois de 33 ans a d’abord recueilli une ovation sur le podium signatures à Côme, avant d’être honoré par la course et par ses pairs en étant invité à se placer en tête de cortège au moment du départ fictif. Puis, les premiers kilomètres de course, lors desquels s’est développé une échappée relativement fournie, ont permis au grimpeur de la Groupama-FDJ de recevoir maintes et maintes salutations. « Beaucoup de coureurs m’ont félicité et je suis surpris, car dans le peloton comme dans la vie, je suis assez sauvage et timide », disait-il. « C’était une journée très spéciale mais on a essayé de rester concentrés au maximum et ne pas se faire submerger par l’émotion », ajoutait Rudy Molard. « On a essayé de profiter au maximum avec Thibaut tout en restant focalisés sur la course, abondait Valentin Madouas. C’est quand même un Monument et il faut le respecter ». Côté course, justement, la décision s’est faite progressivement, et un premier gros écrémage a eu lieu dans l’enchaînement du Passo della Crocetta et de Zamba Alta, à une soixantaine de kilomètres du but. Le peloton n’était alors plus composé que d’une cinquantaine d’unités, dont Valentin Madouas, Rudy Molard, Quentin Pacher et Thibaut Pinot. Après une longue descente, c’est finalement dans le Passo di Ganda que tout a explosé et que les favoris se sont expliqués. Tadej Pogacar est parvenu à s’isoler dans la descente suivante alors que les coureurs de la Groupama-FDJ n’ont pu se mêler à la grande bagarre.

« Je me souviendrai très souvent de cette journée », Thibaut Pinot

Crédit : Alexis Come

Pour autant, la course était loin d’être finie pour eux, en particulier pour Thibaut Pinot. Un tout dernier rendez-vous attendait le coureur de Melisey, dans le Colle Aperto, sur les hauteurs de Bergame, à tout juste trois kilomètres de l’arrivée. Plus d’un demi-millier de personnes, principalement venues de France pour l’occasion, s’était massé dans « la Curva Pinot » depuis plusieurs heures afin de célébrer, honorer, et saluer une dernière fois leur élu. De la procession matinale vers ce nouveau lieu de pèlerinage au passage des coureurs, l’ambiance et les chants ne sont jamais retombés. Mais le moment le plus fort était encore à venir. Les fans ont d’abord vu Pogacar filer vers la victoire finale, puis ont célébré Valentin Madouas (26e) un peu plus tard, avant que Thibaut Pinot, accompagné de Rudy Molard et Quentin Pacher, ne se présente dans ce morceau de parcours lui étant dédié. Le bruit s’est décuplé, le chemin des coureurs s’est resserré, et c’est avec un large sourire que le Haut-Saônois a fendu la foule, pratiquement escorté par les centaines de supporters rassemblés. « C’était beaucoup d’émotions, confiait Thibaut. J’avais quelques interrogations avant de venir ici, mais au final, je ne regretterai pas car c’était une belle fête. Je me souviendrai très souvent de cette journée particulière. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de monde. C’était un vrai chaos, un vrai bordel comme je les aime. C’était fou et c’était vraiment un moment intense. Les vidéos seront incroyables ».

« J’ai vraiment le meilleur public du monde », Thibaut Pinot

Après ces quelques centaines de mètres hors du temps, hors de l’ordinaire, il a ensuite retrouvé Rudy Molard et Quentin Pacher, quelques peu ralentis par la foule, pour rejoindre la ligne d’arrivée. Sa dernière ligne d’arrivée. Peu avant 17 heures samedi, les quatorze années de professionnalisme de Thibaut Pinot ont ainsi pris fin. « J’ai essayé d’en profiter le maximum, ajoutait l’intéressé. C’était magnifique à vivre. Je savais que ça allait être une journée compliquée mais je me suis battu et il fallait que je finisse. Terminer avec Quentin et Rudy, c’est pour moi un beau symbole. C’est une course à part et c’est pour ça que c’est la plus belle Classique. L’avoir gagné est vraiment ma plus belle fierté. Pendant la course aujourd’hui, je me suis dit : ‘’Aujourd’hui je suis incapable de gagner, mais je l’ai gagné’’. Cette course restera un super souvenir. C’était le dernier dossard mais j’aurai des souvenirs plein la tête ».« C’est une page qui se tourne, disait Rudy. On se rappellera de sa carrière, mais aussi de cette journée ». La fête s’est poursuivie jusqu’en début de soirée, où des centaines de supporters se sont encore réunis devant le bus de l’équipe. À cette occasion, et dans un ultime discours de remerciements, Thibaut Pinot a conclu la journée par ces mots : « Je ne suis certainement pas champion du monde, mais je pense que j’ai vraiment le meilleur public du monde ». Un public auquel il manquera désormais cruellement. Ciao, Thibaut.

3 commentaires

Chriss

Chriss

Répondre

Le 9 octobre 2023 à 18:12

Tu nous en as fait lâcher des larmes de toutes sortes en 14 années mais que c’était bon !!!!! Fan un jour fan toujours !!!! A Romain de reprendre le flambeau Franc Comtois pour amener à faire autant de bordel 😁😁

Martin

Martin

Répondre

Le 8 octobre 2023 à 21:56

Merci Champion pour nous avoir fait fibrer. Pleins de bonnes choses dans nouvelle vie.

Jac34

Jac34

Répondre

Le 8 octobre 2023 à 19:13

Thibaut s’arrête . Il a bien raison car avec ce que nous avons vu cette année ce n’est pas demain la veille où nous reverrons un français gagner le Tour de Lombardie. Thibaut nous a fait rêver, pas trop longtemps car on s’est vite rendu compte que ce n’était pas un Bernard Hinault. Sensible au froid et au chaud, il ne pourrait jamais gagner un grand tour. Sa gentillesse et sa discrétion ont séduit le public, un peu comme Poulidor en son temps.