Bruno Armirail aurait pu tenter de se préparer à ce qu’il allait vivre vers Bergame qu’il n’y serait point parvenu. Maillot rose sur les épaules, l’Occitan a sans l’ombre d’un doute vécu l’une des journées les plus mémorables de sa carrière à l’occasion de la quinzième étape du Giro. Abasourdi et sans voix la veille, le champion de France du contre-la-montre a finalement réalisé ce dimanche, sur le vélo et sur la route, la portée incommensurable de sa nouvelle « peau ». Cerise sur le gâteau, à la suite d’une journée maîtrisée par ses coéquipiers, il est parvenu à sauver son maillot rose malgré l’offensive des favoris dans le final. Avec plus d’une minute d’avance, il demeure donc en tête du classement général du Tour d’Italie et pourra encore profiter de sa nouvelle notoriété demain lors de la journée de repos, puis mardi dans la terrible étape du Monte Bondone.

« Je donnerai tout pour l’avoir encore ce soir. » Rien qu’en se rendant au départ à Seregno ce dimanche matin, après une nuit forcément enchantée, Bruno Armirail avait pu mesurer l’effet maillot rose. Et s’il était bien conscient du gros morceau qui était à avaler dans cette quinzième étape vers Bergame, à travers trois grandes ascensions et 4000 mètres de dénivelé, le Haut-Pyrénéen n’avait en aucun cas envie de laisser la tunique lui filer entre les doigts après seulement vingt-quatre heures. D’autant qu’il n’avait encore rien vu… Mais pour espérer parvenir à ses fins, la première étape consistait à ne pas se tromper en début de course, quand la bagarre pour l’échappée s’est initiée. « Il y avait deux options. Soit l’échappée partait sur le plat et on espérait retrouver des mecs placés loin au général, soit ça faisait la bagarre jusqu’au premier col, auquel cas la donne aurait été différente, indiquait Sébastien Joly. C’est finalement parti sur le plat avec Rubio, qui était à onze minutes ce matin. Le risque, si l’on roulait pour revenir sur lui, était que la course s’emballe de nouveau et qu’il y en ait de partout dans la première difficulté. On a préféré prendre l’option de laisser partir, de gérer et ça nous a permis de prendre notre tempo ». Et c’est ainsi qu’après avoir laissé l’écart grandir jusqu’à cinq minutes, l’ensemble de l’équipe s’est positionnée en tête de paquet, d’abord dans le sillage de Fabian Lienhard. Le Suisse a dicté l’allure jusque dans le premier col, puis Jake Stewart et Ignatas Konovalovas l’ont suppléé dans la vallée menant au Selvino.

« J’étais ému sur le vélo », Bruno Armirail

« Le scénario était bon pour nous, et on est parvenus à bien contrôler, expliquait le Lituanien. Le groupe de tête était assez fort, mais c’est très bien qu’on ait réussi à maintenir l’écart à 5-6 minutes à seulement deux ou trois. J’étais personnellement dans l’une de mes meilleures journées depuis le départ. Défendre le maillot m’a donné, et nous a donné, encore plus de motivation ». « Jake et Fabian se sont surpassés, et ça faisait aussi plaisir de revoir Ignatas à ce niveau, ajoutait Sébastien. Ils ont réussi à gérer jusqu’au dernier col et ils ont tous été à la hauteur. On savait que les équipes de leaders allaient prendre la course en main dans le final, mais ça nous a permis de respecter et d’honorer le maillot ». À l’issue des deux montées situées à mi-parcours, la situation demeurait donc sous contrôle avant une longue vallée portant au dernier grand col de la journée. Protégé, entouré et guidé tout au long de la journée, Bruno Armirail savourait dans le même temps ces « moments éphémères » dont parlait Rudy Molard la veille. « J’ai reçu énormément d’encouragements, confiait-il plus tard. Hier je n’avais pas réalisé. Aujourd’hui si. C’est en étant sur le vélo que j’ai compris qu’il n’y avait que le rose qui comptait. Ça donnait des frissons. Durant l’étape, j’ai même eu des frissons par rapport au travail que faisaient mes collègues, car c’est normalement celui que je fais pour eux. J’étais ému sur le vélo. Je me suis dit : « ils roulent pour moi, c’est exceptionnel ». Je ne pense pas que je vivrai souvent ça dans ma carrière. C’était un truc de fou ».

« Je me devais de me donner à fond jusqu’au bout », Bruno Armirail

Expert s’il en est du travail de l’ombre, Bruno Armirail n’avait d’ailleurs que des éloges à exprimer quant au soutien de ses coéquipiers ce dimanche. « Les gars ont franchement fait un travail formidable, continuait Bruno. Ils ont roulé toute la journée. On a perdu Fabian, il est revenu, il a roulé de nouveau. Kono a fait un travail énorme, Jake aussi. J’ai eu des petits mots d’encouragements pour eux. Lorsque je suis à leur place, ça me fait toujours plaisir quand le leader vient m’encourager un peu. Je sais le travail qu’ils ont fait aujourd’hui, je le connais très bien, et j’ai hâte de les voir pour les remercier de tout ce qu’ils ont fait ». Côté course, si le peloton s’est amaigri dans la montée de Roncola Alta (10km à 6,7%), il n’a en revanche pas bataillé. Ce n’est que sur les hauteurs de Bergame, à cinq kilomètres du but, que quelques accélérations ont fait irruption. Thibaut Pinot est parvenu à rester très proche des favoris, alors que Bruno Armirail s’est arraché pour ne pas tout perdre. « Je sais qu’une bosse courte comme celle-là n’est pas ce que je préfère, mais je savais aussi qu’elle était assez proche de la ligne donc je suis monté à mon maximum et j’ai tout donné jusqu’à la ligne, relatait Bruno. Toute l’équipe a fait un énorme boulot, et je me devais de me donner à fond jusqu’au bout pour essayer de le garder. Ça m’aurait fait mal pour eux de perdre ce maillot, car ils se sont donnés à 300% ».

Sur la ligne, Bruno Armirail n’a finalement perdu qu’une petite trentaine de secondes sur les prétendants au classement général, et a donc aisément conservé son paletot. « C’était une journée exceptionnelle pour moi, j’ai bien profité, assurait Bruno. Les gars de l’équipe ont vraiment assuré et c’est grâce à eux que je suis encore en rose ce soir. C’est super de pouvoir passer la journée de repos avec. Mardi ? Ce sera un autre jour ». Alors que Brandon McNulty a raflé l’étape du jour via l’échappée, Thibaut Pinot a seulement perdu deux secondes sur certains favoris et demeure au onzième rang du classement général à l’aube de la troisième semaine du Giro, qui débutera d’emblée par un plat de résistance vers le Monte Bondone.  « On va bien se reposer demain, Bruno va pouvoir savourer son maillot, puis on repartira mardi à 100% sur Thibaut pour la dernière ligne droite », concluait Sébastien.

3 commentaires

Denis Billamboz

Denis Billamboz

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Le 22 mai 2023 à 11:57

Quel plaisir de voir ce coureur si courageux, si généreux, si combatif, récompensé par ce magnifique maillot sur cette magnifique course. Il donne tellement pour ses leaders et le groupe en général.

Chapuy

Chapuy

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Le 22 mai 2023 à 08:35

Du panache pour l équipe , allez les bleus ..

Barbey

Barbey

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Le 22 mai 2023 à 04:31

C’est énorme ce que vous nous faites vivre !!! Quel bonheur vous procurez à tous vos supporters
Je vous souhaite que cette troisième semaine qui se profile soit du même calibre que celle que nous avons vécue !!!
Allez les gars , du panache , du courage….