Le cyclisme est un sport grandiose, anobli par les champions du Tour de France. Après bien des souffrances mais sans avoir jamais cessé d’y croire, après deux podiums à La Roche-sur-Yon et Valence, Arnaud Démare s’est imposé à Pau dans la dix-huitième étape et a obtenu pour lui et ses formidables équipiers une très belle récompense.

Les mots de son directeur sportif Frédéric Guesdon mercredi soir au sommet du col du Portet (‘’Arnaud a bien entendu jeté beaucoup d’énergie mais nous défendrons demain l’option de faire un sprint…’’) étaient bien présents à l’esprit de tous les membres de l’équipe Groupama-FDJ au départ de Trie-sur-Baïse. Ils faisaient référence au courage d’Arnaud Démare deux jours durant dans les Pyrénées, à la grande maîtrise aussi de son potentiel. Ils effaçaient les propos insultants tenus dans la soirée par le sprinteur allemand Greipel (Lotto-Soudal) qui n’avaient pu trouver la force de passer la troisième étape de montagne mais a trouvé le moyen de remettre en cause l’honnêteté d’Arnaud. Avant de regretter son propos en cours de matinée. Nul besoin d’en faire des tonnes sur ce tweet déplacé mais il a néanmoins tenu un rôle important pour Arnaud et ses équipiers qui ont trouvé un surcroit d’énergie pour nourrir leur ambition.

« Je ne me suis pas battu pour rien dans les Pyrénées. » A.Démare

« Je peux remercier Greipel, disait-il avant de vivre la cérémonie protocolaire à Pau. Tout au long de cette étape, j’ai beaucoup pensé à lui. Je peux juste dire que ce n’est pas ma philosophie de faire du vélo en trichant. Je donne tout. J’ai travaillé dur en montagne avant le Tour. La plupart des sprinteurs ont disparu dans les Alpes, moi je suis là. C’est une super récompense. En montagne, je ne suis pas le meilleur mais je sais que mes jambes sont là. Moi, je ne lâche rien, je n’abandonne jamais tant que je suis dans les délais. Le travail paie et il y a eu aujourd’hui un super travail de mes équipiers. Cette victoire est une récompense pour tout le monde… »

L’étape est partie sur des bases élevés, cinq coureurs prenant immédiatement les devants. Cinq très gros rouleurs, le Néerlandais Terpstra (Quick Step Floors), les Australiens Hayman et Durbridge (Mitchelton-Scott), le Belge Van Keirsbulck (Wanty-Groupe Gobert) et le pistard français Boudat (Direct Energie).

Fâchées d’avoir manqué ce coup, plusieurs équipes n’ont cessé de relancer mais les coureurs de l’équipe Groupama-FDJ étaient là, dans un travail défensif parfait qui a fini par lasser les contre-attaquants. Après 25 kilomètres, le peloton s’est relevé et Tobias Ludvigsson a pu se placer en tête pour engager la poursuite.

Un savoir-faire admirable de l’équipe.

L’écart n’a jamais atteint trois minutes et les hommes de tête ont été repris au sommet de la côte d’Anos à 18 kilomètres de l’arrivée où un petit groupe s’est détaché avec quatre équipiers d’Arnaud Démare pour réprimer cette tentative. Alors David Gaudu, Arthur Vichot et Rudy Molard se sont placés en tête de peloton jusqu’aux portes de Pau. Olivier Le Gac y a très bien placé ses équipiers avant que la nervosité ne s’installe, que de nombreuses vagues n’aient lieu. A 4 kilomètres de l’arrivée, Arnaud, Ramon Sinkeldam et Jacopo Guarnieri ont reculé aux alentours de la vingtième place sans pour autant perdre leur sang-froid. Comme si rien, cette fois, ne pouvait les contrarier. Ultime effort de Ramon pour placer Jacopo et Arnaud à 2 kilomètres de l’arrivée et alors le talent de Jacopo a fait le reste, dans un feeling parfait. Dans un savoir-faire admirable.

A 500 mètres de la ligne d’arrivée, Jacopo a produit son effort pour lancer Arnaud sous le panneau des 200 mètres. Rien, cette fois, ne pouvait empêcher le leader de l’équipe Groupama-FDJ de lever les bras et de rappeler quelques chiffres :

Première victoire de Groupama dans le Tour, deuxième succès d’Arnaud dans la Grande Boucle, vingtième gagne pour son équipe cette saison, cinquantième victoire pour le sprinteur picard depuis le début de sa carrière.

Alors Arnaud pouvait exulter, prendre à tour de rôle dans ses bras ceux parvenant à se frayer un chemin jusqu’à lui, Jacopo Guarnieri, Rudy Molard, David Gaudu, Tobias Ludvigsson et Olivier Le Gac. Dans un témoignage éloquent de la force collective de cette équipe.

« Aujourd’hui, il y avait de la rage, de l’envie, du collectif. » M.Madiot

« Celle-là, on a été la chercher, disait Marc Madiot. Je suis content du boulot de toute l’équipe. Depuis le kilomètre 0 jusqu’à 250 mètres de la ligne d’arrivée, les gars ont tout maîtrisé. Aujourd’hui, il y avait de la rage, de l’envie, du collectif. Il y avait tout. C’est une belle récompense. Le Tour n’a pas été évident, il y a eu des chutes, la montagne a été difficile mais on n’a rien lâché. Ce matin, dans le bus, les mecs voulaient tous travailler pour lui, de David Gaudu à Arthur Vichot, tout le monde voulait oeuvrer pour cette victoire. Je suis très heureux pour Arnaud mais tout autant pour ses 7 équipiers et pour tout le staff. Cette victoire est la concrétisation d’un travail, année après année. L’an dernier Arnaud avait fini hors délais avec ses copains, on s’était fait chambrer ce qui était normal mais on voulait absolument aller chercher quelque chose cette année. C’est fait !  »

« C’est grandiose, poursuit le vainqueur de l’étape. Toute une équipe me soutient, mes proches, ma femme, dans le travail fourni. J’ai souffert mais je suis toujours présent. Gagner en troisième semaine c’est dur, la fatigue est là. Depuis la présentation du Tour en octobre je savais que ce serait difficile, que l’enchainement Alpes et Pyrénées serait terrible. Que ce serait chaud pour les délais et j’ai monté beaucoup de cols jusqu’à quelques jours du départ de Vendée. J’ai travaillé pour ce moment et aujourd’hui c’est tout ce travail qui paie !  »

Par Gilles Le Roc’h

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