Au lendemain d’une journée relativement paisible, destinée aux sprinteurs, la défense du maillot rose s’annonçait un peu plus musclée ce samedi sur les routes du Giro, à travers les 170 kilomètres menant à Guardia Sanframondi. Cela s’est vérifié en début de course, mais les coéquipiers d’Attila Valter ont ensuite repris les choses en main et ont pu mener leur jeune collègue vers la ligne sans encombre. Dimanche, le Hongrois pourra ainsi profiter de sa troisième journée avec la tunique de leader, mais il aura aussi fort à faire dans une étape très accidentée vers Campo Felice.

« Ça fait beaucoup de bien », Antoine Duchesne

Vendredi, une simple échappée de trois coureurs partie dès le coup d’envoi de l’étape avait permis à Attila Valter et à l’Équipe cycliste Groupama-FDJ de passer une première journée en rose relativement tranquille. Le scénario a été tout autre ce samedi lorsque le départ du huitième acte a été donné à Foggia. Philippe Mauduit le résumait à sa manière : « À toi, à moi, en veux-tu, en voilà. Attaque à droite, à gauche, contre-attaque, regroupement, re-attaque, re-contre… Quand c’est comme ça, on fait ce qu’on peut, mais il y a tellement de gars qui veulent aller dans l’échappée qu’ils se roulent tous les uns sur les autres. Du coup, c’est la guerre pendant soixante-cinq bornes ». « On savait que ce serait une étape plus difficile à gérer, ajoutait Antoine Duchesne. Pendant une heure, il y avait un bon vent de côté et ça a roulé à bloc sur les cinquante premières bornes. Il fallait rester présent et s’assurer qu’il n’y ait personne de dangereux au général devant. Plus notre boulot pour filtrer était bien fait, plus l’étape serait simple à gérer. Tout le monde a mis la main à la patte et ça s’est bien passé ». Avant que le bon coup ne s’extirpe, Attila Valter a néanmoins brièvement été surpris. « Je dois admettre que j’ai fait une erreur, j’étais derrière et il y a eu une cassure, commentait plus tard le maillot rose. On était un peu mal placés à ce moment-là mais c’était encore loin de l’arrivée donc je n’étais pas stressé. Je voulais économiser le plus d’énergie possible, ne pas prendre de vent, et je me suis retrouvé dans le second groupe. Je sais que je dois être plus attentif à ça ces prochains jours ».  

L’intensité de la course s’est finalement apaisée peu avant l’entrée dans les cent derniers kilomètres. Neuf échappés ont pris les commandes, mais aucun d’eux ne représentait une menace pour le maillot. Alors, toute l’équipe cycliste Groupama-FDJ s’est postée en tête de peloton avec son Québécois Antoine Duchesne en chef de file. « Pour nous, la victoire d’étape n’était pas importante, on préférait la laisser aux échappés, disait « le Caribou », qui a laissé l’écart grimper jusqu’à sept minutes avant de le stabiliser à cette hauteur, presque tout seul. Je suis content car ça fait longtemps que je n’ai pas été capable d’évoluer à ce niveau-là. Après deux années très compliquées, être là et rouler en tête de peloton pour un maillot rose, c’est quand même un très bon moment pour moi. Ce sont des choses que j’aime faire et que je me sens capable de faire. C’est quand même un très gros soulagement personnellement. Je me suis posé beaucoup de questions, je me suis demandé si j’avais encore ma place à ce niveau-là, alors être capable de jouer mon rôle de la meilleure façon possible aujourd’hui, ça fait beaucoup de bien ». « Antoine a fait une journée exceptionnelle, saluait Philippe Mauduit. Ce matin, il espérait aller jusqu’au pied du premier col. Finalement, il était encore avec ses copains à vingt bornes de l’arrivée. C’était une très belle journée pour lui ».

« J’ai savouré chaque instant », Attila Valter

Comme espéré, l’échappée s’est donc jouée la victoire dans l’arrivée en bosse à Guardia Sanframondi (3km à 6,5%) où Victor Lafay (Cofidis) s’est imposé. Cinq minutes plus tard, le peloton est arrivé à toute allure dans la difficulté. « On sait que même s’il y a un petit peu moins de tension car la gagne n’est pas en jeu, tous les leaders ont peur des cassures et de perdre du temps bêtement, resituait Philippe Mauduit. Ils demandent tous à leurs équipiers de les replacer à l’avant, or il n’y a pas de place pour tout le monde. Il faut avoir au moins un équipier ou deux pour pouvoir naviguer à peu près convenablement entre les obstacles. Attila a toujours eu quelqu’un avec lui pour lui boucher les trous. Je veux surtout que les garçons le gardent à l’oeil. S’ils l’ont dans la roue, ils ne savent pas où il est ou ce qu’il se passe dans leur dos. S’ils sont derrière lui, ils peuvent réagir et mettre des choses en place ».  « Pour les favoris, ce n’était pas l’arrivée parfaite pour prendre le maillot rose, ajoutait Attila. Ceci étant dit, c’est toujours mouvementé sur ce genre de final technique. Tout le monde veut rester à l’avant. J’avais juste à m’accrocher dans cette montée et je suis content d’y être parvenu et de continuer à porter ce beau maillot rose ». Dans les ultimes instants, le jeune homme de 22 ans a d’ailleurs pu compter sur le soutien de Sébastien Reichenbach, également présent dans ce « peloton » d’une vingtaine d’hommes.

C’est donc une deuxième journée « en rose » qui s’est achevée pour Attila Valter, et son bonheur était de nouveau palpable. « J’espère que je ne m’habituerai jamais à ce sentiment incroyable d’avoir la maglia rosa, disait-il à l’arrivée. Le premier jour, je me demandais ce que ça faisait d’être Filippo Ganna en Italie. Désormais, je le comprends un peu. J’ai encore entendu énormément de gens crier mon nom. C’était de nouveau une journée parfaite pour porter le maillot rose et j’ai savouré chaque instant ». Le Hongrois, toujours leader pour onze secondes devant Remco Evenepoel, devrait être mis encore plus à l’épreuve demain, lors de la neuvième étape, qui empruntera plusieurs difficultés avant une arrivée explosive à Campo Felice (5,7 km à 5,8%). « Il y aura plusieurs plans de bataille et on essaiera de bien jouer nos cartes », glissait Philippe Mauduit. « Tout le monde fait bien son travail et ça le met encore plus en confiance, ajoutait Antoine. Demain, ce sera une étape plus difficile encore mais on a de super bons grimpeurs capables de tenir la baraque jusqu’au final ». « Tout dépendra de comment ça se court, mais je pense qu’il est possible de garder le maillot jusqu’au jour de repos, concluait Attila Valter. Quoiqu’il en soit, j’ai déjà vécu deux belles journées et j’en vivrai une autre demain. Le point positif est que je n’ai rien à perdre ».

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