Comme plusieurs de ses compatriotes ces dernières années, Joshua Golliker a tenté le pari à l’étranger au sein de « La Conti » Groupama-FDJ en 2023. Au sortir d’une saison chez les Juniors très remarquée, le jeune Britannique a petit à petit fait son trou, au point d’obtenir les deux succès les plus prestigieux de l’équipe lors de l’année écoulée. Nous vous proposons aujourd’hui de partir à sa découverte.

La base de données de la fédération britannique de cyclisme est probablement sans équivalent. Pour preuve, on trouve trace de Joshua Golliker dès l’année 2013. Il a tout juste neuf ans, et vient seulement de joindre le vélo à une panoplie d’autres sports. « Il n’y avait pas réellement de cyclistes dans la famille, mais mon père m’a emmené au club de cyclisme du coin, et c’est là que tout a commencé », se remémore-t-il. C’est au Redhill Cycling Club, au sud de Londres, que le jeune Anglais obtient sa première licence. Dès l’année suivante, il rejoint le Preston Park Youth Cycling Club, son appétence pour le cyclisme continue de se développer, alors qu’il combine à la fois pratique sur piste et sur route. « Quand j’étais petit, j’aimais beaucoup courir sur piste et j’étais d’ailleurs meilleur dans ce domaine, dit-il. Il se peut qu’il y ait une petite corrélation avec les Jeux Olympiques de 2012 (à Londres, ndlr), mais je pense que c’est surtout car British Cycling met beaucoup l’accent sur cette discipline dans son programme et sa recherche de talents ». Ladite base de données est d’ailleurs quasi-exclusivement fournie en résultats obtenus dans les vélodromes à ce stade de son cursus. Chez les pupilles et les benjamins, il se signale de temps à autre, sans être l’ogre local. « Je n’étais pas le plus fort pour être honnête, acquiesce-t-il. Je faisais du vélo comme passe-temps et je ne prenais pas ça trop au sérieux. J’étais juste heureux de faire du vélo, alors je continuais, et je n’échangerais cela contre rien au monde. J’ai peut-être gagné une ou deux fois dans mes premières années, mais ça rendait les victoires encore plus belles ».

Coup d’arrêt durant la pandémie et premiers coups d’éclat

À son entrée dans la catégorie minimes, Joshua Golliker pratique d’ailleurs toujours d’autres sports, dont la natation, mais son goût pour le vélo est bien le plus prononcé et c’est vers cela qu’il concentre progressivement ses efforts. En 2018, ses résultats sont plus probants à l’échelon régional et sa pratique s’intensifie donc encore davantage chez les cadets. Sa première saison à cet échelon se solde par un succès lors d’un tournoi sur piste, mais aussi par une première expérience sur route sur le continent, lors de l’European Youth Tour of Assen, aux Pays-Bas. L’engrenage semble définitivement actionné. Et pourtant. L’année 2020 sonne comme un coup d’arrêt soudain pour le jeune Britannique de 16 ans. La pandémie explose, les confinements sont décrétés, et « sa motivation et son plaisir » en prennent un coup. « Ce que j’aime, c’est faire du vélo des heures durant, donc ne plus pouvoir en faire autant, c’était dur, explique-t-il. Aussi, en tant que compétiteur, si je ne fais pas de courses et que je ne peux pas me mesurer à d’autres coureurs, j’ai l’impression de ne pas savoir où j’en suis. C’était une période compliquée, mais j’ai ensuite trouvé du plaisir à aller à la salle de sport. J’y allais beaucoup, j’adorais ça, et c’est devenu mon activité principale ». Le vélo n’est pas pour autant rangé au grenier. Simplement, ses cinq sorties hebdomadaires sont substituées par une, voire deux. Il s’écoule alors plusieurs mois avant que sa passion pour le cyclisme ne resurgisse, progressivement. En fin d’année 2020, l’envie est de retour. « Je me suis remis au vélo après les premiers confinements, et j’ai alors aimé ça d’une toute autre manière, complètement différente que par le passé », assure-t-il.

C’est donc avec une fraîcheur retrouvée et un élan tout neuf qu’il s’apprête à entrer dans la catégorie junior, au sein de la trainSharp Development team. Sa motivation ne se traduit toutefois pas immédiatement par des résultats, ce qui l’amène à quelques interrogations. Mais à l’été, les efforts commencent à payer. Il monte sur le podium de la Totnes Vire, à l’échelon régional, mais se classe surtout cinquième du Tour of Mendips (2e de la dernière étape, ndlr), épreuve nationale alors remportée par Max Poole. « Je commençais enfin à performer, et je me suis dit que j’avais peut-être un futur dans le vélo », confie Joshua. L’hiver suivant, son entraînement orienté sur le « plaisir » entretient la dynamique positive, et sa mise en route est beaucoup plus rapide à l’occasion de sa deuxième année Juniors. Il domine aisément les Deux Jours de Cyclopark dans la périphérie londonienne avant de s’attaquer à un échelon plus élevé. « Je me suis bien comporté lors de la première course nationale de l’année (4e), où j’étais seul devant pendant près d’une heure et demie, relate-t-il. Puis, un mois plus tard, j’ai gagné la Velomax. Pour moi, à l’époque, c’était un truc très très important. Après ça, le manager de mon équipe m’a dit « tu as beaucoup de potentiel, tu commences à avoir des résultats, mais sans gros résultats sur le continent, tu ne trouveras pas de place dans une équipe de développement ». Il m’a mis en contact avec mon agent actuel, qui m’a conseillé d’aller en France pour l’été afin de participer à de plus grandes courses ».

L’explosion en 2022, un stage ultra-fructueux en Haute-Garonne

Après quelques top-10 supplémentaires sur son territoire, mais aussi une solide prestation aux Pays-Bas lors de l’Acht van Bladel Juniors (6e), le jeune homme s’exécute et obtient un stage de six semaines au sein du Team 31 Jolly Cycles U19, en Haute-Garonne. Il débarque début juillet, et est hébergé par la famille d’un autre coureur. « C’était une toute nouvelle expérience, dit-il. C’était la première fois que je partais seul, loin de ma famille. Pour l’anecdote, j’ai chuté lors de mon premier jour en France. Je me suis dit que ça partait mal (rires) ». Plus de peur que de mal, bien heureusement. C’est donc en pleine possession de ses moyens que le jeune Britannique se présente, avec une certaine innocence et légèreté, au départ de l’Ain Bugey Valromey Tour, l’une des courses les plus prisées dans cette catégorie d’âge. Dans le coup d’emblée lors du premier acte, aux côtés de certains favoris (6e), et encore présent lors du cinquième jour de course (11e), il obtient une neuvième place inattendue au général. « Je n’ai réalisé qu’après à quel point cette course avait de l’ampleur, car j’étais juste là pour m’amuser et faire du vélo, indique-t-il. Je ne pense pas avoir couru correctement et vraiment utilisé mon cerveau. Mon classement final était très bon, mais il aurait pu être bien meilleur si j’avais été plus conscient de ma force. Après ça, je me souviens m’être dit : « si je réfléchis un peu plus, je peux faire largement mieux ». J’ai alors utilisé cette philosophie lors des courses françaises qui suivaient ».

C’est ainsi que commence la razzia « Joshua Golliker ». Au niveau régional, le Britannique s’impose coup sur coup, et avec autorité, sur la Ronde Sud Bourgogne et le Tour de la vallée de la Trambouze, s’offrant à chaque reprise une victoire d’étape. Mais le meilleur reste à venir. À la mi-août, la Ronde des Vallées, en Bretagne, constitue un retour à l’échelon supérieur. Pourtant, l’issue est identique. Deuxième des deux premières étapes, le coureur anglais s’adjuge sa troisième course par étapes consécutive sur le sol français. « Mes parents étaient venus sur cette course pour me ramener à la maison juste après, raconte-t-il. Je pense que ça m’a encore plus motivé. Je savais que je n’étais pas capable de gagner au sprint et qu’il fallait que je m’échappe. Lors de la première étape, je me suis retrouvé avec un autre coureur à l’avant, il n’a pas pris un seul relais dans le dernier tour, mais dans mon esprit, l’idée était de repousser au plus le peloton pour rendre les jours suivants plus simples à gérer. J’ai pris le maillot jaune sur le contre-la-montre le lendemain, puis sur la dernière étape, je n’ai pas roulé très intelligemment. J’ai vraiment eu du mal sur le circuit final, mais j’ai heureusement réussi à garder le maillot pour quelques secondes ». Trente-huit, très exactement, lui ont permis de conclure son stage en France de la plus belles des manières, et avec cinq victoires au compteur. « Pour être honnête, je ne m’attendais pas à ça, concluait-il. Je savais que j’étais fort, mais vraiment pas à ce point. Ça a été un choc pour moi, mais ce fut aussi un vrai séjour d’apprentissage grâce au soutien de l’équipe ».

« Je crois que si tu es heureux, tu ne peux que t’améliorer »

Son retour au pays, dans la foulée, n’altère en rien sa dynamique. Sur le Tour of Mendips, il s’offre la troisième et dernière étape, le classement de la montagne et termine deuxième du général. Puis se présente le Tour of Wales, où il brille de nouveau face à quelques-uns des meilleurs Juniors de Grande-Bretagne, dont Joshua Tarling et Noah Hobbs. « Il y avait une énorme concurrence, confirme-t-il. Je me souviens d’avoir attaqué avec Noah sur Black Mountain, et il avait finalement réussi à me devancer au sprint. La dernière étape se terminait à The Tumble, l’une des célèbres ascensions du Pays de Galles. Josh Tarling l’avait emporté en ayant attaqué à dix kilomètres de la montée, mais je me souviens avoir été le coureur le plus rapide dans la bosse et avoir terminé premier du peloton. Ce résultat a beaucoup compté pour moi ». Outre deux podiums d’étapes, Joshua Golliker s’octroie la troisième place finale, qui sonne, selon lui, la fin de sa saison. Le mois suivant, il obtient pourtant une excellente cinquième place sur la Keizer der Juniores en Belgique, mais le tout en étant « malade » et sur un terrain pas « franchement à sa convenance ». L’année 2022 se clôt ainsi avec sept victoires au compteur et une omniprésence qui tape logiquement dans l’œil de nombreuses formations. « Je me souviens avoir reçu la proposition de la Conti Groupama-FDJ pendant mon séjour en France, relate-t-il. Il s’est passé tellement de choses quand j’étais là-bas. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. C’était fou pour moi d’être en discussion avec des équipes au beau milieu de l’année et de pouvoir assurer un contrat si tôt. La Conti a été la première grande équipe de développement à m’envoyer une offre, et je savais que c’était probablement la meilleure offre que je pouvais obtenir ».

Sans grande hésitation, le jeune homme de 18 ans s’engage donc en vue de l’année 2023 au sein de la structure bisontine, et s’apprête par la même occasion à devenir coureur professionnel. « En grandissant, c’était une aspiration, un rêve, mais je n’étais en rien sûr que ça puisse se réaliser, assure-t-il. En être arrivé là sachant d’où je viens, c’est assez incroyable pour moi. Je pense que j’aimais simplement ce que je faisais, et ça s’est reflété dans mes performances. Car je crois que si tu es heureux, tu ne peux que t’améliorer ». La réalisation de ce rêve le contraint néanmoins à mettre en pause son cursus scolaire. Il le regrette, « ayant toujours aimé étudier », mais n’estime pas « viable » de passer des examens durant la saison. La piste est également quelque peu laissée de côté avec son arrivée à Besançon, délicate à certains égards malgré sa stupéfaction à la découverte des infrastructures et du professionnalisme de la Conti. « Comme je l’ai dit, je roulais pour le plaisir jusque-là, et je n’imaginais pas qu’il pouvait y avoir autant de choses derrière une équipe de vélo, décrit-il. J’étais vraiment époustouflé ». La découverte d’un nouveau lieu, d’une nouvelle langue, et l’éloignement avec ses proches rendent en revanche ses premiers pas fragiles. « C’était assez difficile car je suis vraiment très proche de mes parents, confie-t-il. Je continue d’ailleurs de les appeler tous les jours. C’était assez difficile de partir, mais je pense que j’ai beaucoup appris et ça a été vraiment très important pour mon développement personnel. Cela a fait de moi une meilleure personne ».

Le déclic sur les championnats nationaux, le triomphe en Italie

Au sein de l’équipe, l’intégration s’opère relativement rapidement grâce notamment à la présence de compatriotes britanniques et de compères anglophones. Au niveau sportif, l’acclimatation est plus lente et la première partie de saison relativement discrète. « Il m’a fallu un peu de temps pour m’habituer à tous les changements, à être un coureur plus qu’un cycliste, confie-t-il. Je n’avais pas réalisé à quel point l’écart était grand entre les Juniors et les Espoirs. Beaucoup de choses qui fonctionnent en tant que Junior ne fonctionnent plus chez les Espoirs. Parfois je me sentais fort, mais je ne comprenais pas totalement comment la course fonctionnait. Il a donc fallu que j’apprenne, plutôt que de partir plein pot dès le départ pour espérer gagner ». Le temps fait son œuvre, et le jeune homme signe son premier résultat notable grâce à une échappée sur l’Alpes Isère Tour (4e), fin mai. Il ne peut toutefois arriver au terme de l’épreuve en raison d’une lourde chute lors de la quatrième étape. C’est là l’opportunité d’observer une coupure et de remettre les compteurs à zéro. Pour mieux rebondir. C’est à l’occasion de ses championnats nationaux que Joshua Golliker reprend la compétition et s’apprête à démarrer un bel été. De manière « très inattendue », il obtient le bronze lors du contre-la-montre Espoirs, mais sa performance dans la course en ligne, parmi les élites, le marque bien davantage. « J’étais le seul coureur non-WorldTour dans le top 10, souligne-t-il. Dans le dernier tour, je passais des relais avec des coureurs qui partaient sur le Tour la semaine suivante. C’était énorme. Cela m’a fait réaliser qu’il me restait encore beaucoup de choses à réaliser cette saison ».

Alors que certains courent le Tour de France, lui prend la direction du Tour de la Vallée d’Aoste avec ses coéquipiers de la Conti, et avec une confiance au plus haut. « On a fait un stage à Aoste avant la course, et j’étais vraiment très performant, conte-t-il. La course est arrivée, je me sentais super bien lors du premier jour et j’ai dit au soigneur qui était avec moi : « Je vais gagner ». Et c’est ce que j’ai fait le lendemain. J’avais confiance en moi, je pense que c’était la chose la plus importante ». Au sommet du Val Veny, le Britannique s’impose ainsi en solitaire après un raid de trente kilomètres. « J’étais incrédule », souffle-t-il. Il se pare du maillot jaune de leader par la même occasion, qu’il parvient à conserver le lendemain, mais qu’il doit abandonner lors de l’étape reine et ses 4500 mètres de dénivelé. Ses pertes sont importantes, le classement général n’est plus une priorité mais il lui est alors inenvisageable de conclure l’épreuve de cette manière. Vers Breuil-Cervinia, il s’échappe avec Colin Savioz et quelques autres, puis s’en va réaliser un numéro dont il a le secret. Il rejoint la ligne en vainqueur pour la deuxième fois de la semaine, et avec une très large marge. « Je pense que la deuxième victoire signifiait davantage que la première, ajoute-t-il. La première a prouvé à tout le monde que je pouvais le faire, mais la deuxième m’a prouvé que ce n’était pas que de la chance. Je n’ai réalisé que plus tard à quel point ces performances étaient importantes, et je suis heureux d’avoir déjà ce type de succès à mon actif. Cela me donne de bons espoirs pour l’avenir ».

« Je suis meilleur au fil des jours »

L’avenir proche se solde par un top-10 d’étape sur le Tour Alsace et une quinzième place au classement général du… Tour de l’Avenir. « C’est probablement le plus haut niveau que j’ai affronté cette année, dit-il. Je me suis bien comporté, mais je suis un peu déçu de ma façon de courir car j’ai pris de très mauvaises décisions en course qui m’ont peut-être coûté une victoire ». D’autres opportunités devraient s’offrir à lui en 2024, à l’occasion de sa deuxième saison sous les couleurs de « La Conti ». « Je pense que cette année a montré que j’avais encore beaucoup de travail à faire, indique-t-il. Je veux devenir un coureur plus polyvalent à l’avenir. Je ne suis peut-être pas un pur grimpeur, mais je peux très bien grimper. Je pense que je suis plutôt performant dans les journées très difficiles sur les courses par étapes. Je suis meilleur au fil des jours, et je subis moins la fatigue que d’autres ». C’est pourquoi, à moyen terme, les Grands Tours ont pour l’heure la faveur du jeune homme, par ailleurs passionné de marche, de politique, de philosophie et de codage, dont il a commencé à suivre une formation. Des centres d’intérêts qu’il cultive sur son temps libre, et principalement seul, comme un reflet de sa manière de courir. « Il a fait cinquante bornes seul devant, mais c’est sans doute dans cette configuration qu’il s’exprime le mieux, soulignait son directeur sportif Jérôme Gannat à l’issue de sa deuxième victoire dans la Vallée d’Aoste. Il aime l’effort solitaire et a les capacités pour ». « J’espère continuer à me développer de cette manière, conclut Joshua. Je pense que c’est toujours beau quand on termine seul. En tout cas, ça a plus de valeur pour moi. Ça donne plus la sensation d’un accomplissement ».

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