Le Tour d’Espagne entrait ce mardi dans sa dernière ligne droite, la troisième semaine, sans perdre ses « bonnes habitudes ». C’est ainsi qu’une journée à près de 3500 mètres de dénivelé se présentait face aux coureurs pour cette remise en route, au lendemain du second jour de repos. Et si une succession de montées plus ou moins exigeantes composait la fin de parcours, c’est un profil davantage casse-patte qui devait être le théâtre de la bagarre pour l’échappée lors des soixante kilomètres depuis Poio. « On sait très bien que pour gagner, il nous faut prendre un coup d’avance, donc tout le monde avait pour consigne d’essayer aujourd’hui, indiquait Frédéric Guesdon. Ça a bagarré, ça a roulé très fort, et c’est finalement parti après cinquante bornes ». Dix-sept coureurs ont ouvert la brèche décisive, dont trois hommes de l’Équipe cycliste Groupama-FDJ ! « C’était très dur de prendre l’échappée, confiait Brieuc, l’un d’entre eux. Il y avait beaucoup de motivés au départ, mais on s’est retrouvés en surnombre avec Rudy et Clément ! C’était une situation très confortable ». « Je voulais vraiment être devant aujourd’hui, assurait Clément. Je pense vraiment que j’avais les jambes dimanche, et je m’en étais voulu d’avoir été mal placé et de ne pas avoir accroché le groupe qui s’est joué la victoire. J’ai ruminé ça pendant deux jours et j’avais envie dès aujourd’hui de concrétiser les bonnes jambes du moment. Le but était d’être dans l’échappée, et on l’a merveilleusement fait avec Rudy, notre papa et maître, et nous les rookies. On a vite compris que cette échappée irait loin ».

« C’était incroyable de me retrouver avec ces champions », Clément Braz Afonso

Tandis que le trio se retrouvait en tête avec des coureurs tels que Marc Soler, Egan Bernal, Mikel Landa, Bob Jungels ou encore Andrea Bagioli, le peloton a toutefois stabilisé l’écart à environ quatre minutes pendant un long moment. Ce n’est qu’à une soixante de kilomètres du but, à l’entame de l’Alto de Groba (11,5 km à 5,5%), que l’échappée a été définitivement validée. Dès lors, la bataille ne s’est pas fait attendre bien longtemps à l’avant. « On était encore loin de l’arrivée, mais l’entente n’était pas super dans le groupe, alors Landa a relancé, confiait Frédéric. Derrière, Bernal a réagi et on avait décidé de calquer un peu notre course sur Ineos ». « Quand ça s’est décanté, je me suis souvenu de ce que m’avaient dit les DS il y a quelque temps, reprenait Clément. La première attaque dans un grand groupe va généralement loin, alors quand j’ai vu Landa et Bernal y aller, j’y suis allé aussi ». Au prix d’un gros effort, le puncheur tricolore a ainsi rejoint l’Espagnol au sommet en compagnie du Colombien. Mais il a retrouvé un visage familier peu après. « Brieuc a fait le jump à la bascule pour rentrer sur les trois, reprenait Frédéric. Il n’était pas obligé de bouger car il avait Clément devant, mais il a vu que ça faisait mal et qu’il fallait y aller, donc il a bien fait. Ça s’est fait à la pédale, ils sont sortis en costauds ! » Le quatuor a vu le retour de Nico Denz dans la descente, mais s’est ensuite efforcé de ne plus voir aucun concurrent revenir de l’arrière, tandis que Rudy Molard couvrait les contre-attaques.

« On était en surnombre, la situation nous convenait vraiment bien et l’entente était parfaite », reprenait Brieuc. « Quand ils ont vu que Soler, qui était le vrai client, n’était pas là, ils ont roulé pour ne pas qu’il rentre, disait Frédéric. À l’oreillette, on leur disait qu’il fallait gagner ce bras de fer et le faire plier ». Dans un second groupe, le coureur ibérique de la formation UAE Team Emirates s’est livré pleinement pendant une dizaine de kilomètres. Et si l’écart, initialement de quarante secondes, est retombé à tout juste dix secondes à trente-cinq kilomètres du but, il n’a toutefois pu boucher les derniers mètres, tandis que se profilait l’Alto de Prado (3,2 km à 8,9%), la difficulté majeure du final. Dès le pied, le groupe de tête a repris du terrain et de fait définitivement écarté les poursuivants de la lutte pour la victoire. Les premières pentes ont également condamné Nico Denz, et c’est seulement dans les rampes à plus de 20%, à une borne du sommet, que Brieuc Rolland a été contraint de céder quelques longueurs.  « Ça s’est fait à la jambe », coupait le Breton. « Il était un poil juste dans les très forts pourcentages, mais il ne faut pas oublier qu’il était avec Bernal et Landa », resituait Frédéric. Clément, lui, a tenu les roues jusqu’au sommet. « J’avais des bonnes jambes et j’ai réussi à suivre Landa et Bernal, racontait-il. C’est incroyable de me retrouver avec ces gars-là, qui sont pour moi des champions. J’ai compris que j’étais dans une grande journée ».

« C’est la déception qui prime », Clément Braz Afonso

Au sommet, situé à vingt-trois bornes du but, le trio passait avec vingt-cinq secondes d’avance sur Brieuc Rolland, isolé en contre. Dans la foulée, soit peu après avoir entamé une longue descente en deux temps, une communication officielle a fait état du déplacement de la ligne d’arrivée, à huit kilomètres de celle prévue initialement, soit au pied de la montée finale. « Tout se passait bien pour moi, disait Clément. Brieuc était en train de rentrer, donc j’étais dans les roues, je me faisais tracter. Je me suis dit que c’était peut-être ma journée, qu’il y avait une belle opportunité. J’y croyais vraiment. Et puis, il y a cette crevaison… » Dans une légère remontée à sept kilomètres de la nouvelle ligne, le jeune homme s’est vu contraint de stopper net son effort. « J’ai senti ma roue se dégonfler petit à petit, je sentais que ça flottait un peu à l’arrière puis j’ai compris que j’avais complètement crevé, reprenait Clément. J’étais à plat, j’ai dû m’arrêter… J’ai vu passer Brieuc, puis le reste du groupe, et j’ai essayé de garder mon calme ». D’abord secouru par l’assistance neutre, Clément Braz Afonso a néanmoins dû attendre le dépannage de sa voiture suiveuse. Reparti à un troisième échelon, il a ainsi passé, malgré lui, le relais à Brieuc Rolland, revenu à tout juste une quinzaine de secondes du duo de tête dans les ultimes kilomètres de descente. « On les a vus se retourner et je pense qu’ils craignaient Brieuc avec l’arrivée située en bas, reprenait Frédéric. Dans les deux derniers kilomètres, ils se sont regardés sans se regarder, car Bernal se savait plus rapide que Landa et avait tout intérêt à rouler ».

Sur cette ligne improvisée, juste avant la bannière des huit kilomètres, Bernal et Landa ont finalement bel et bien lutté pour la victoire, sept secondes seulement devant Brieuc Rolland, déjà devancé d’à peine treize secondes lors de la douzième étape. Le jeune homme de 21 ans s’est malgré tout offert un deuxième podium sur cette Vuelta. « Je n’ai pas de regret, disait-il, contrastant avec son émotion palpable la semaine passée. Je suis très heureux de confirmer et de me prouver que ce n’était pas un « coup de chance » la dernière fois. C’était une journée folle, mais une très belle journée ». Clément Braz Afonso est arrivé une minute après Bernal, en cinquième position, mais logiquement beaucoup plus frustré. « Il y a beaucoup de déception, disait-il en début de soirée. Même si je me suis prouvé que j’étais capable de suivre Landa et Bernal dans cette bosse, c’est la déception qui prime car je pense que je pouvais jouer la victoire. Le sort a décidé pour moi aujourd’hui, mais peut-être que ça finira par sourire dans le futur. On peut quand même être satisfait de terminer troisième, cinquième et dixième (pour Rudy, ndlr). On a montré qu’on était forts dans cette étape et ce que j’ai fait aujourd’hui m’ouvre aussi des opportunités pour le futur ». « La journée reste positive avec trois mecs dans les dix premiers, mais on garde un petit goût d’amertume par rapport à la crevaison de Clément, concluait Frédéric. On ne saura jamais ce qu’il serait advenu si elle n’avait pas eu lieu, mais avec cette arrivée en bas, tout était jouable… Quoi qu’il en soit, Clément monte en pression, et pouvoir jouer devant en troisième semaine sur son premier Grand Tour, c’est bon signe. Ce n’est que partie remise ».

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