Au lendemain d’une journée cadenassée par la formation du maillot rouge Jonas Vingegaard autour de Bilbao, l’échappée semblait avoir le champ libre ce jeudi sur le Tour d’Espagne. Entre Laredo et Los Corrales de Buelna, le profil de l’étape, incluant une montée importante à une vingtaine de kilomètres du but, se prêtait parfaitement à la victoire d’un baroudeur. Comme toujours dans ces circonstances, la bataille pour se projeter à l’avant a donc été très animée en début de course. Et si un groupe d’une vingtaine d’hommes, incluant Stefan Küng et Brieuc Rolland, est parvenu à se détacher avant la première montée répertoriée du jour, au kilomètre 33, les contres ont afflué jusqu’au sommet du Puerto de Alisas (8,6 km à 6%). Résultat des courses : un mini peloton s’est constitué devant le véritable peloton. « L’objectif était d’être devant, et ça a été bien fait avec Stefan et Rudy », indiquait Brieuc Rolland. « Une fois que le dernier groupe a fait la jonction, il y avait cinquante coureurs échappés, expliquait William Green. De nombreuses équipes étaient représentées avec plusieurs coureurs, donc on s’attendait à du mouvement. On avait différentes options. On avait Stefan pour anticiper avant la dernière montée, Brieuc pour suivre les meilleurs, et Rudy pour sprinter s’il y avait un regroupement dans les quinze derniers kilomètres ».  

« Une torture psychologique », Brieuc Rolland

Le peloton mené par la formation Visma-Lease a Bike a qui plus est laissé faire l’échappée, qui est restée relativement groupée jusqu’au sprint intermédiaire, située à une quarantaine de kilomètres du but, mais surtout dix bornes avant la Collada de Brenes (7 km à 8%). « Lidl-Trek a fait beaucoup d’efforts pour contrôler jusqu’au sprint, pour Pedersen, puis la course est devenue plus animée, reprenait William. Stefan était bien présent et a couvert tous les mouvements avant que Brieuc ne prenne le bon coup juste avant la montée ». « Les gars m’ont protégé toute la journée, précisait Brieuc. C’était super d’être entouré de ces deux hommes d’expérience. J’ai pu courir à l’économie et je n’ai mis que deux cartouches : une pour être dans l’échappée, l’autre pour anticiper. C’était un conseil de Stefan, et ça m’a permis d’avoir un temps d’avance ! » À trente-six kilomètres de la ligne, le Breton s’est empressé de rejoindre un quatuor légèrement détaché, et une entente plutôt bonne leur a permis d’atteindre le pied de l’ascension avec plus de trente secondes de marge sur le reste du groupe. « Vu ce que Brieuc avait fait hier, aux côtés des meilleurs, on était assez confiant sur le fait qu’il aurait pu suivre même sans anticiper », disait William.

Au plus dur de la pente, le grimpeur français s’est montré supérieur à ses collègues échappés, mais à trois bornes du sommet, Juan Ayuso est revenu à toute vitesse de l’arrière. L’Espagnol a dès lors pris les commandes avec Javier Romo, mais Brieuc Rolland n’a pas rendu les armes, insistant en poursuite une poignée de secondes derrière le duo espagnol. D’abord accompagné, puis isolé, il n’a jamais compté plus d’une douzaine de secondes de retard. Au sommet, le jeune homme évaluait même l’écart à huit secondes. « C’est peu et beaucoup à la fois, ça parait cruel, mais ce serait oublier à quel point j’étais à fond à ce moment-là, confiait-il. Je pense que si j’avais pu les accompagner, je l’aurais fait ». Se sont alors profilés une descente de 7500 mètres, puis seize kilomètres de plat pour rejoindre la ligne d’arrivée. « J’ai fait la descente seul, sans moto, donc j’ai dû prendre un peu plus de risques, reprenait l’intéressé. En bas, je pensais que j’étais plus loin que ça, mais il n’y avait que quinze secondes. Je voulais juste donner le maximum, je n’ai pas du tout lissé mon effort. Je suis resté à 10-15 secondes de Romo et Ayuso pendant toute la vallée. C’était vraiment une torture psychologique. Je me pliais au maximum pour être aérodynamique, mais je n’avais plus rien. C’était un long chemin de croix. Heureusement que je les ai toujours eu en point de mire, ça m’a permis de tenir jusqu’au bout ».

« Un peu de regrets, mais le sentiment du devoir accompli », Brieuc Rolland

Malgré l’ampleur de la tâche, Brieuc Rolland n’a donc pas plié les ailes, alors même qu’un groupe de contre d’une quinzaine d’hommes était lancé à sa poursuite. « Avec le vent de face dans le final, on a hésité à attendre, mais on a finalement décidé d’aller au bout des choses et de tenter le tout pour le tout, ce que Brieuc a parfaitement fait », complétait William. Malheureusement, le duo ibérique s’est suffisamment entendu dans le final pour empêcher le retour du coureur tricolore, trop loin de la tête sous la flamme rouge pour espérer la victoire. Celle-ci a été ravie par Juan Ayuso, mais Brieuc Rolland est malgré tout parvenu à assurer une remarquable troisième place sur la ligne, à douze secondes de l’Espagnol. « Honnêtement, le niveau des coureurs était si relevé dans cette échappée que le top 10 semblait un objectif plus réaliste, disait William. Alors, terminer troisième avec un jeune coureur, pour son premier Grand Tour, c’est vraiment génial. Je pense qu’il s’est surpris lui-même, il a surpris l’équipe, et il confirme qu’il a un très bel avenir devant lui. Mais quand on voit sa condition, on peut penser qu’il aura de nouvelles opportunités dans un futur proche ».

Après avoir essuyé quelques larmes de frustration – et de fatigue – à l’arrivée, l’ancien de « La Conti » pouvait néanmoins porter un regard positif sur la journée écoulée. « Je suis déçu parce que j’ai eu des coéquipiers de luxe aujourd’hui, confiait-il. Je suis tellement content de partager cette Vuelta avec eux, et j’aurais vraiment voulu leur rendre la pareille. J’espère qu’ils sont quand même fiers de moi. En tout cas j’ai tout donné. Il y a un peu de regrets, mais aussi le sentiment de devoir accompli. Ce n’est pas tous les jours qu’on joue la gagne sur une étape de Grand Tour. Ce soir, dans mon lit, je serai quand même très content de la journée que j’ai passée et de ce résultat. Pour mon premier Grand Tour, j’ai eu la chance de vivre une victoire d’étape magnifique, de défendre un maillot de leader. C’était déjà super. Maintenant, il y a des opportunités à saisir. Les jambes sont bonnes donc il faut que j’en profite. Je ne vais pas me reposer sur cette troisième place, il reste de belles étapes, donc il est clair que je vais y retourner et me battre pour la gagne ».

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