Il ne se serait sans doute pas imaginé un tel scénario quelques heures plus tôt, mais après avoir vaillamment résisté au peloton sur l’ADAC Cyclassics à Hambourg ce dimanche, Johan Jacobs pouvait logiquement nourrir une certaine frustration. Alors que l’un de ses compères d’échappée, Rory Townsend, s’est imposé au nez et à la barbe des favoris, le Suisse a été repris à seulement 200 mètres de la ligne d’arrivée, ne pouvant donc conclure sa sublime journée par un résultat de poids. Paul Penhoët a pour sa part obtenu la douzième place de l’épreuve.
Une grande partie des meilleurs sprinteurs du monde avait rendez-vous en terres allemandes ce dimanche pour l’une des Classiques WorldTour traditionnellement à leur avantage. Autour de Hambourg, et après 207 kilomètres, un emballage plus ou moins massif était ainsi envisagé sur l’ADAC Cyclassics, sur un profil cumulant moins de 2000 mètres de dénivelé positif. « En revanche, on montait cinq fois le Waseberg (700m à 9%) cette année, ce qui n’avait jamais été fait par le passé, précisait Jussi Veikkanen. Sur le papier, c’était donc plus dur que d’habitude. Initialement, il n’était pas prévu qu’on prenne l’échappée. Clément [Davy] était non-partant, on a pris le départ à six, mais Johan a improvisé sur le moment et s’est retrouvé dans une échappée de quatre qui a pris plus de cinq minutes d’avance ». Accompagné de Nelson Oliveira, Dries De Pooter et Rory Townsend, le coureur helvète a même bénéficié d’une avance flirtant avec les six minutes aux environs de la mi-course. « On n’était que quatre mais on était tous très motivés, disait l’intéressé. Tout le monde a pris ses relais, on a bien roulé ensemble, et on a réalisé qu’on pouvait faire quelque chose si on continuait à s’entendre ».
« Je me sentais très fort », Johan Jacobs
Lors des deuxième et troisième passages du Waseberg, à environ soixante bornes du but, l’écart est pourtant tombé à deux minutes en raison d’une grosse accélération du peloton. « On avait l’impression que le peloton serait en mesure d’aller les chercher facilement dans les 30-40 derniers kilomètres, mais à chaque fois qu’il y avait une accélération, ça se désorganisait, et c’était à l’avantage de l’échappée, reprenait Jussi. Les conditions de course ont fait qu’on a pu y croire ». En tête, le quatuor a continué de collaborer de belle manière jusqu’aux dernières ascensions du Waseberg, situées à respectivement vingt-sept et seize bornes de la ligne. Si Johan Jacobs s’est légèrement détaché dans l’avant-dernier passage, il a ensuite retrouvé ses compères de fuite pour faire perdurer l’entreprise, et aborder l’ultime montée avec une petite minute d’avance. Au sommet, l’écart était encore de trente secondes alors que le peloton implosait pour la dernière fois, se réduisant à une quarantaine d’unités. « Je n’y croyais pas trop avant le dernier passage, d’autant que l’échappée n’est jamais allée au bout ici, confessait Jussi. Ça a attaqué fort derrière, mais ça s’est un peu posé ensuite. Ce n’était pas très organisé, et ils ne perdaient pas tant de temps, alors on s’est dit qu’il y avait un truc à jouer ».
Réduits à trois en tête de course, Johan Jacobs, Nelson Oliveira et Rory Townsend ont continué de coopérer de la meilleure manière possible et conservaient d’ailleurs vingt secondes à cinq bornes du terme ! « Ce qui a selon moi fait basculer la situation en notre défaveur est le fait que De Pooter ait pété dans le dernier Waseberg, car ses coéquipiers ont ensuite roulé dans le peloton et l’un d’eux a bouché 5-6 secondes dans les cinq derniers kilomètres », confiait Jussi. Pour autant, l’écart annoncé à dix secondes à trois bornes, était encore valable au passage sous la flamme rouge ! La victoire semblait même toujours envisageable à 500 mètres de la ligne, alors que la meute, lancée à toute vitesse, ne pointait plus qu’à cinq secondes. Rory Townsend s’est ensuite décidé à lancer le sprint à plus de 300 mètres, le Suisse de la Groupama-FDJ a tenté de lui emboîter le pas, mais n’a pu rivaliser avec l’accélération de l’Irlandais. Ce dernier a pu résister de justesse au retour des meilleurs sprinteurs du peloton, alors que Johan Jacobs a vu ses espoirs de résultat s’évaporer à tout juste 200 mètres de la ligne. « Rory était trop fort, son sprint était vraiment incroyable, confiait-il. Je suis quand même un peu déçu que le podium m’échappe pour quelques mètres, mais c’est la vie. Je dois regarder les choses avec du recul. Je reviens d’une maladie un peu compliquée, je n’ai pas passé le meilleur été, mais je me sentais très fort aujourd’hui et cette performance montre que je suis sur le bon chemin. Il y aura d’autres opportunités ».
« Il faut garder le positif », Jussi Veikkanen
« Il y a forcément de la déception quand on fait partie de l’échappée victorieuse mais qu’on repart sans résultat, surtout quand ça se joue à si peu, continuait Jussi. Un podium aurait été largement mérité au regard des efforts fournis dans l’échappée, mais il faut garder le positif. On sait que les mois de juin et juillet n’ont pas été faciles pour lui. Il était déjà sur la bonne voie en Pologne. Aujourd’hui, il valide le travail qui a été fait et il va pouvoir se concentrer sur la fin de saison ». Isolé dans le peloton après le dernier passage du Waseberg, Paul Penhoët a quant à lui échoué aux portes du top-10 (12e) dans le sprint final, signant néanmoins sa meilleure performance sur une Classique WorldTour à date.