avec William Bonnet

Une leçon de courage

Il est l’un des grands bonhommes de la saison. William Bonnet, depuis longtemps considéré comme l’un des meilleurs équipiers du Monde, a forcé le respect de tous, en 2016, en revenant à son meilleur niveau quelques mois après avoir été très gravement blessé dans le Tour de France 2015. Il nous parle de cette saison qu’il a finie avec les honneurs pendant le championnat du monde et qui lui donne envie de travailler encore longtemps auprès de ses leaders. Chapeau William !

 William, c’est sûr, ton automne 2016 est bien plus agréable que celui passé ?

(Il sourit). Je profite. La situation a bien changé…

Quel regard portes-tu sur ta saison 2016 ?

J’ai pris beaucoup de plaisir. J’ai découvert un nouveau calendrier, ça m’a changé de la routine du programme habituel. En début de saison, j’ai focalisé sur mon retour. Il fallait voir si j’allais être capable de retrouver ma place au sein de l’équipe, dans le peloton. Retrouver mes sensations aussi et ne pas avoir d’appréhensions. Ce fut une étape importante de franchie. J’ai rapidement retrouvé un niveau acceptable et plutôt bon. Je n’ai pas galéré dans des courses pas faites pour moi, dans le calendrier de Thibaut, par exemple les Tour du Pays Basque et de Romandie. Je suis content. J’ai fait le travail qu’on m’a demandé.

Avec le corset et la minerve, il y a un an, comment envisageais-tu la suite ?

J’étais blessé mais je n’ai pas douté de ma capacité à revenir. Bien sûr, il y avait des interrogations mais physiquement j’avais toujours réussi à revenir de blessures. J’étais convaincu qu’il ne me faudrait pas toute l’année pour revenir.

Avec une scène étonnante, en décembre 2015 en Espagne quand tu as souri après avoir chuté ?

C’était le troisième jour de stage et j’ai fait une petite chute dans une descente. Je me testais un peu sans le vouloir mais je prenais des virages un peu plus vite. J’avais repris confiance. Dans un virage humide, je suis tombé et sur le coup j’ai eu peur. Quand je me suis relevé, je me suis dit merde mais intérieurement je rigolais. Je me suis dit ‘’ça va c’est solide, ça tient.’’ C’était bon.

Il y eut ensuite le travail des mois de janvier et février sans rien précipiter ?

J’avais demandé à l’équipe de pouvoir aller à Majorque avec les coureurs qui disputaient les courses du Trophée de Majorque. Pour moi, c’était un stage et ça cassait la monotonie de m’entrainer chez moi. Je suis revenu dans un groupe course, avec un kiné, un mécano en vivant mes journées en autonomie. Je faisais mes sorties mais dans le cadre équipe. C’était une petite marche de franchie.

Quand as-tu repris la compétition ?

Une semaine après dans le Tour d’Algarve. Je me sentais prêt. Je ne connaissais pas cette course mais c’était bien de reprendre là. Mieux que dans le Tour du Qatar ou les courses du Sud de la France où c’est nerveux. Ma dernière appréhension concernait ma place dans le peloton. Dans la première étape, j’avais pour consigne de prendre des repères, de ne prendre aucun risque quant à mon évolution dans le peloton. J’avais passé pas mal de temps à l’arrière avec une grosse marge de sécurité. Puis avant le sprint, j’ai pris plus de recul et j’ai vu les chutes de loin, je n’ai pas frotté. Au fil de jours, je me suis mis dans le travail pour Thibaut et je n’ai plus eu de pensées négatives. J’en suis sorti content et rassuré.

As-tu le sentiment d’être revenu plus fort ?

Je suis revenu différent. Plus fort, je ne sais pas. J’ai basculé dans le groupe de Thibaut et je me suis adapté. Je ne suis pas devenu grimpeur mais j’ai travaillé pour être près de lui plus longtemps, pour moins galérer. J’ai compris surtout qu’il y a des choses plus importantes que le vélo, je m’arrête moins sur des détails.

Comment se comportaient tes équipiers avec toi ?

A l’entraînement, ils faisaient attention à moi mais après en peloton, ils devaient vivre leur vie. En course, eux et certains autres coureurs venaient prendre des nouvelles, me demander comment ça allait, si je n’étais pas trop perturbé mais je n’avais pas une protection particulière non plus. Au fil des courses, c’est allé de mieux en mieux. Avec tous les capteurs et matériels qui sont à notre disposition, Sébastien Joly et Julien Pinot voyaient que je battais mes records de puissance. Dans le Tour du Pays-Basque, j’étais au niveau, je passais les cols plutôt bien. Je ne pensais plus qu’à être performant dans le travail demandé.

Il y eut un moment particulier pour toi en prenant le départ de la dernière étape du Tour de France à Chantilly ?

Etre au départ du Tour, c’était pas gagné, hein ? J’avais fait un bon début de saison, l’encadrement était rassuré. Je l’ai gagnée ma place dans le Tour ! Etre auprès de Thibaut, c’était une petite victoire par rapport à ce qu’il s’était passé un an avant. Après, il a fallu passer 20 étapes pour être à Chantilly. Chez moi, avec ma famille. C’était un super moment qui est passé vite. Pour ma femme et mes enfants, c’était aussi une grande journée. Le mari et papa était là, à finir le Tour. Ils étaient venus régulièrement pendant les trois semaines pour m’encourager. Il y a eu l’attention du Maire Eric Woerth. J’étais le seul coureur de l’Oise au départ. Une fierté.

Et cette incroyable saison s’est achevée par le championnat du Monde à Doha ?

Un mois avant, j’avais eu Bernard Bourreau au téléphone mais déjà il m’en avait parlé pendant le Tour de Romandie. Ça m’avait semblé loin. Après le Tour, lui et Arnaud m’ont demandé si j’étais motivé. Etre présent au Mondial, oui ça faisait envie. Ca ne se refuse pas mais j’avais besoin de me rassurer dans les courses où ça frotte beaucoup. Dans ces courses belges où je n’avais pas mis les pieds en 2016. Pour moi, l’Eneco Tour c’était la clé. J’y ai acquis le droit de disputer mon deuxième Mondial après celui de Melbourne en 2010. En course, je me suis retrouvé seul à l’avant, ça m’a fait drôle. Je me suis retourné, il n’y avait pas de gars de chez nous. Les Belges ont continué de serrer. J’ai fait ce qu’il fallait pour me maintenir dans ce groupe. J’ai espéré le retour de Français mais quand l’écart a atteint une minute, j’ai discuté avec Belges et Italiens qui voulaient le sprint et je savais qu’ils ne reviendraient pas.

Et on t’a vu pointer Sagan ?

Je trouvais qu’il y avait un respect à avoir. Les Belges et les Italiens bossaient devant, on les a laissés s‘organiser et je me suis mis en queue de groupe. Oui derrière Sagan parce je savais qu’en cas de besoin, il saurait réagir. Sincèrement, je n’ai pas pensé qu’il y aurait des attaques. Ce n’était pas possible, il y avait trop d’Italiens et de Belges. J’ai fini huitième, j’ai fait ce que j’ai pu. Ça roulait vite, je me suis mis dans la roue de Cavendish qui a un jump que je n’ai plus. Je suis resté là quand il a fait son sprint à 200 mètres.

Quand as-tu prévu ton retour sur ton vélo ?

Le 20 novembre. La plaque que j’ai dans le dos, je l’ai à vie. Il est prévu des contrôles en 2017 avec le chirurgien et la neurologue. J’ai une artère vertébrale disséquée qui ne m’empêche pas de vivre. Ce n’est pas visible. Sur des étapes nerveuses, en Belgique, j’ai eu des grosses tensions dans le cou et le haut du corps qui sont logiques. Je me crispe plus qu’avant mais je me suis bien renforcé musculairement l’an dernier, maintenant c’est de l’entretien. Oui je reprends l’entraînement dans 18 jours.

Penses-tu intégrer de nouveau le groupe d’Arnaud Démare, celui des classiques ?

Pour les classiques, c’est compliqué. C’est compliqué pour moi, sur une journée complète, de frotter sans cesse, de me replacer sans cesse sur des routes étroites. Au Qatar les routes étaient larges. Sur de petites routes à frotter, à la fin de la journée je serais brisé. Mes directeurs sportifs et Arnaud le savent, on en a parlé, ce sera compliqué.

Quel conseil pourrais-tu donner à Kevin Reza qui a été sérieusement blessé pendant le Tour d’Espagne ?

Que même s’il s’ajoute une petite complication à ses fractures, il doit prendre son temps, ne rien précipiter. Un sportif a une capacité de récupération bien plus grande qu’une personne lambda. Il va s’arrêter six mois peut-être mais il reviendra en étant fort.

Penses-tu au moment où tu vas arrêter ta carrière ?

Tant que j’ai l’envie, que l’équipe est satisfaite, je n’ai pas de limites. Je n’y pense du tout. Ca a bien fonctionné avec Thibaut qui était performant jusqu’au Tour et j’ai pris beaucoup de plaisir. Je ne pense qu’à donner tout ce que j’ai.

T’as prévu quoi aujourd’hui ?

Avec mes enfants qui sont en vacances, on est dehors, on joue, il fait beau. La maison demande beaucoup d’entretien aussi. Je m’occupe mais en profitant bien de tout.

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